L’Europe est notre histoire et notre avenir

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En visite à Paris, la Porte-parole de la Commission des Episcopats de la Communauté Européenne (COMECE) a rappelé que 80% des lois appliquées en France étaient décidées à Bruxelles. Alors que le fonctionnement de l’Union est en cours de réforme, elle alerte les chrétiens sur l’urgence de prendre part au débat européen et les invite, en partenariat avec la société civile, à monter en France une « Alliance pour le dimanche ».
 

A quoi invitez-vous l’Eglise en France sur la question du dimanche ?

J’invite les Français, notamment les catholiques, à fonder une « Alliance pour le dimanche ». Celle-ci existe dans d’autres pays en Europe, depuis très longtemps, comme en Allemagne ou en Autriche, ou plus récemment comme en Slovaquie, où elle vient d’être lancée. Ces alliances nationales ont la particularité de regrouper les Eglises, les syndicats, des associations familiales, des comités sportifs donc différents intérêts qui se battent pour la défense du dimanche comme jour non travaillé dans leur pays. En Allemagne, la protection du dimanche est inscrite dans la constitution. Dans d’autres pays, cela n’existe pas, comme en Europe centrale et orientale, où une économie très libérale est en train de se mettre en place et où tous les magasins sont ouverts le dimanche. Dans certains pays, comme en France, les droits sociaux reculent, avec de plus en plus de grandes surfaces qui ouvrent le dimanche. Il y a clairement ici une coalition d’intérêt à monter entre les Eglises et les syndicats, avec les sociétés civiles en général. C’est un vrai sujet de société car derrière le dimanche se pose la question de savoir quelle société nous voulons : une société de consommateurs et de salariés ou une société de citoyens ? Nous sommes, en 2013, dans l’Année européenne des citoyens. C’est le message que nous souhaitons adresser à l’Union Européenne : nous ne sommes pas juste des travailleurs ou des consommateurs, nous sommes aussi des citoyens. Si on veut créer une société et une citoyenneté européennes, il faut un jour pour, un jour commun. Dans la tradition culturelle sur notre continent, c’est le dimanche. Cela pourrait être un autre jour mais il faut un jour commun. C’est pourquoi nous avons créé cette Alliance européenne pour le dimanche au niveau européen avec les Eglises – protestantes, catholiques, orthodoxes – et les syndicats européens. C’est un projet un peu unique car il est assez inhabituel de voir travailler les syndicats avec les Eglises. Mais sur ce sujet, nous sommes vraiment sur la même longueur d’onde ! L’union fait la force.
 

Les élections européennes de 2014 vous occupent déjà…

Nous poursuivons notre travail d’information auprès des évêques et des chrétiens en général sur les débats européens. Cela ne concerne pas seulement 2014 et les élections, le débat européen concerne notre vie de tous les jours. 80% des lois appliquées en France sont décidées à Bruxelles, par des députés français qui sont des députés européens, par des commissaires européens, dont Michel Barnier, et par des ministres français qui siègent au Conseil des ministres. L’Europe, c’est vraiment notre affaire ! L’Europe est notre histoire et notre avenir. Il est donc très important qu’au jour le jour et pas seulement pour les élections, les chrétiens se tiennent au courant de ce qui est débattu au Parlement européen. Malheureusement, très peu savent ce qui est à l’ordre du jour. Alors que l’Europe est en crise, nous suivons de près le débat institutionnel qui vise à revoir tout le fonctionnement de l’Union. C’est sans doute la question de la gouvernance qui est la plus importante : une gouvernance plus démocratique, puisqu’actuellement l’Europe est dirigée par 27 présidents, ce qui n’est pas tenable à long terme. Il faudra sans doute réfléchir à un saut fédéral : avoir un Président de la Commission Européenne, élu directement par les Européens. Ce serait vraiment un saut démocratique! Les partis politiques sont parties prenantes car ce sont eux qui présenteront des candidats.
 

Où en sont les Français et l’Europe ?

La seule condition pour participer à ce débat est de comprendre de quoi l’on parle et qui fait quoi. Or je regrette que les catholiques français aient de vraies lacunes sur les compétences de la Commission, du Parlement, etc. Il s’agit de comprendre que le Parlement les représente car c’est un organe démocratique. Par exemple, l’Union européenne ne s’occupe pas d’avortement ou d’euthanasie mais des questions économiques et un peu des questions sociales mais les Etats n’ont pas voulu que ce soit une compétence européenne. A partir de ce moment-là, il faudrait pouvoir dire : « Nous, catholiques français, souhaitons peser sur le débat, sur ces questions sociales et économiques. Nous voulons participer et faire des propositions ». J’invite donc les catholiques français à étudier les propositions de la COMECE, à en débattre dans les diocèses. Tout l’enjeu est l’information.
 

50 ans après le Traité de l’Elysée, où en est le projet européen ?

La COMECE existe parce que l’Eglise catholique juge que le projet d’intégration européenne est crucial. Et pour pouvoir mieux l’accompagner, l’Eglise et les conférences épiscopales ont décidé de créer un organe d’expertise à Bruxelles qui l’accompagne au jour le jour, d’une façon critique et positive, selon les circonstances, ce qui est nécessaire. Personnellement, j’ai l’impression qu’il faudrait parler des racines chrétiennes de l’Europe un peu d’une autre façon. Elles sont là pour apporter de la sève à ce projet. En ce moment, ce projet Europe est un peu coupé de ses bases et asphyxié par l’absence des chrétiens dans ce débat. On a l’impression que l’Europe se retrouve face à un marathon à courir – la crise actuelle – mais sans l’oxygène nécessaire, l’Europe ne pourra pas réussir l’épreuve. Je pense qu’on doit envisager le risque d’échec de ce projet. C’est un appel fort à la responsabilité des chrétiens, au nom de Robert Schuman, qui était un chrétien vraiment engagé et dont la cause en béatification est en cours. Pensons au saint Robert Schuman ! En son nom, intéressons-nous à ce projet unique dans l’histoire de l’humanité, admiré dans le monde entier. L’Afrique et l’Amérique latine regardent avec envie ce projet d’union basé sur la réconciliation. Aujourd’hui, on sent dans l’Eglise un recul de l’intérêt pour l’Europe, pour nos frères et compatriotes allemands, italiens, etc.
 

Comece

Une série de conférences autour d’Ecclesia in Europa

« Nous allons fêter les 10 ans de l’Exhortation apostolique Ecclesia in Europa », ajoute Johanna Touzel. La COMECE organise, fin juin 2013, une série de conférences pour commémorer ce texte de Jean-Paul II. « On peut se poser la question : où est l’ Ecclesia in Europa aujourd’hui ? Y-a-t-il vraiment une Eglise en Europe ? Ou plutôt une Eglise de France, une Eglise d’Allemagne… »

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