L’Apparition de Xavier Giannoli
Fiche de l’Observatoire Foi et Culture (OFC) du mercredi 28 février 2018.
L’Apparition de Xavier Giannoli est un grand et beau film, non par son sujet qui pourrait ravir des chrétiens, mais par sa qualité même. Certes, le sujet importe, il est original et heureusement inhabituel dans la production cinématographique, mais le style au moins tout autant : la manière dont des choses sont dites témoigne ou non en faveur de celles-ci.
Il existe des œuvres brèves qui déjà paraissent trop longues, ici les deux heures vingt minutes de L’Apparition se regardent sans aucune lassitude : le film est construit tel une enquête policière qui tient le spectateur en haleine ; comme dans ce type de films l’enjeu est celui de la vérité, celle des faits rapportés par la voyante : « je ne suis pas une menteuse » affirme-t-elle, ainsi que la vérité de l’attitude de ceux qui enquêtent sur ces faits.
Faut-il rappeler qu’à la suite des paroles d’une jeune-fille, Anna (Galatéa Bellugi), qui se dit bénéficiaire d’apparitions de la Vierge Marie, le Vatican nomme une commission d’enquête et charge Jacques (Vincent Lindon), de la diriger. Cet homme a été frappé dans son cœur et dans ses sens : photographe de guerre, il a été pris dans un échange violent de tirs où son partenaire et ami a trouvé la mort. Le film s’ouvre sur son appareil photo maculé de sang et de terre. Ses oreilles ont aussi souffert (du fait du fracas des tirs) : c’est donc d’une autre manière qu’il va devoir appréhender la réalité qu’il rencontre, autrement que par les yeux et les oreilles. Regarder est ainsi plus que voir, écouter plus qu’entendre.
Ce passage est celui auquel appelle le film, il est aussi au cœur de l’Évangile : « Si je leur parle en paraboles, c’est parce qu’ils regardent sans regarder, et qu’ils écoutent sans écouter ni comprendre. Ainsi s’accomplit pour eux la prophétie d’Isaïe : Vous aurez beau écouter, vous ne comprendrez pas. Vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas. Le cœur de ce peuple s’est alourdi : ils sont devenus durs d’oreille, ils se sont bouché les yeux, de peur que leurs yeux ne voient, que leurs oreilles n’entendent, que leur cœur ne comprenne, qu’ils ne se convertissent, – et moi, je les guérirai » Matthieu 13, 13-15.
D’un premier… regard, le film peut sembler parler d’apparitions, de merveilleux, il me semble que la question qu’il pose est la suivante : Que sommes-nous prêts à donner de nous pour être fidèle à une véritable amitié ? C’est cette interrogation que se renvoient, sans jamais se l’exprimer par des mots, Anna et Jacques. Elle jaillit dans les dernières scènes du film, à la fois dans la solitude d’une montagne désolée comme au cœur d’une rencontre dans un camp de réfugiés du Moyen-Orient.
Loin de la recherche de signes et de prodiges, de la vérité ou non de ceux-ci, c’est bien de la vérité de soi et de sa relation aux autres qui donne son prix au film de Xavier Giannoli. Il y a de la douceur et de la bienveillance dans tout ce qui lie les personnages de même que dans le regard que le cinéaste pose sur eux, jamais un regard moqueur ou ironique, même sur ceux dont les motivations sont les moins droites.
La bonté fait du bien, aussi lorsqu’il s’agit de la bonté sans mièvrerie d’un film.
Enfin, je souligne que la qualité d’un film c’est aussi celle de son casting. Il y a bien entendu Vincent Lindon, et il y a aussi une vraie révélation, Galatéa Bellugi, tout comme l’ensemble des acteurs, tous sont justes, tout sonne juste. Il existe des films au terme de la vision desquels on aime à dire merci.
Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers