Hommage au Père Jean Dujardin
Allocution prononcée par M. Franklin Rausky, Doyen de l’Institut Universitaire Elie Wiesel, en hommage au Père Jean Dujardin, lors de la célébration des obsèques en l’église Saint Eustache à Paris, le 8 mars 2018. Il avait à ses côtés M. Raphy Marciano, ancien directeur de l’Espace Culturel et Universitaire Juif d’Europe.
« Mon cher Jean,
Une voix juive dans cette enceinte a quelque chose d’exceptionnel. Mais comment faire autrement ? Nous, croyants juifs engagés dans le dialogue avec nos frères chrétiens ne pouvons pas garder le silence au moment de ton départ pour Eretz ahaim, la terre de la vraie vie éternelle.
Alors avec Raphy Marciano, mon ami et compagnon de tant d’actions pour le dialogue, nous avons pensé qu’il fallait dire combien nous avons apprécié et aimé ta compagnie et ta parole. Nous laisserons à d’autres, infiniment plus autorisés que nous, le soin de dire devant cette assemblée quel fût ton itinéraire biographique à travers des décennies de magistère, de prédication, d’enseignement et de soin pastoral.
Mais à nous de rappeler avec beaucoup d’émotion l’intelligence, la sensibilité, le courage, la lucidité, la sérénité et l’érudition, des qualités d’esprit dont tu as témoignées dans la longue marche du dialogue entre les enfants de l’église et les enfants de la synagogue. Tu as su vivre le dialogue et non seulement penser le dialogue. Pour toi, la rencontre avec les croyants juifs a toujours été un moment de reconnaissance de l’autre comme autre dans son altérité radicale et irréductible. Tu l’as montré dans des circonstances parfois critiques et dramatiques. Tu as su ne pas t’enfermer dans le monologue triomphaliste et arrogant; Bien au contraire, tu as accepté avec beaucoup d’audace le risque de la rencontre, de la communication, de la relation dans la singularité des interlocuteurs. Tu as su reconnaître la valeur, la richesse, la légitimité d’une rencontre entre des sensibilités différentes. Pour le dire avec l’expression très forte et heureuse de l’ancien grand rabbin de Grande-Bretagne, Jonathan Sachs, tu as su assumer pleinement la dignité de la différence.
Nous vivons dans une civilisation planétaire en proie à un retour violent, mortifère, haineux, fanatique du religieux. Dans l’essor d’un terrorisme comme passion de la destruction de l’autre, de l’extirpation des différences. Mais face à ce tableau cruel, nous avons eu avec toi le privilège d’imaginer une société où le dialogue n’est pas un échange de propos courtois et convenus mais une réflexion commune autour de l’essentiel.
Le dialogue que Juifs et Chrétiens, en France et en Europe, ont réussi à bâtir peut servir de paradigme au futur dialogue entre toutes les croyances, entre toutes les familles spirituelles, philosophiques et religieuses du monde contemporain.
Avec toi, avec ta parole de conviction et sérénité, nous avons trouvé l’homme de dialogue qui nous a marqué par son courage et sa détermination.
Pour tout ce que tu as fait au cours de tellement d’années, pour la rencontre et la réconciliation des enfants d’Abraham, longtemps enfermés dans une conflictualité interminable, pour tout ce que tu as dit, pour détruire des murs infranchissables et pour bâtir de solides passerelles entre les hommes et les communautés, nous croyants juifs, engagés dans un dialogue constructif et sincère avec les croyants chrétiens, te disons très simplement et très profondément : Merci.
Que le souvenir des Justes soit pour l’éternité une source de bénédictions. »
Sur le site du SNRJ
De grands témoins évoquent la fraternité
Dans la dynamique de Fratelli tutti de grands témoins évoquent, chacun à leur façon, la fraternité.