Paul de Montgolfier : « Les réfugiés ne rencontrent pas les Français »

paul_de_montgolfier_jrs_franceAlors qu’une nouvelle loi sur le droit d’asile est attendue en mars 2015 au Sénat, le JRS France a fait deux propositions concrètes en faveur des réfugiés. Paul de Montgolfier, son directeur, en explique les enjeux et appelle les chrétiens à veiller à ce que les droits humains fondamentaux soient respectés.

Quels sont les points d’attention du Jesuit Refugee Service ?

Nous avons essayé d’alerter les députés et les sénateurs au moment de la préparation de la loi qui va bientôt être votée. Nous avons notamment insisté sur deux choses qui nous paraissent très importantes. La première est de permettre aux demandeurs d’asile d’avoir accès, le plus rapidement possible, au marché du travail. Parce que gagner sa vie est constitutif de la dignité humaine. Ces personnes qui n’étaient pas des oisifs, habitués à vivre d’aumône, vivent assez mal de dépendre d’allocations. Qui ne sont d’ailleurs pas très généreuses. La seconde chose est qu’à défaut de la première, ils puissent utiliser ce long moment où ils sont sans rien faire, pour suivre des formations professionnelles qualifiantes, qui leur seront utiles quelle que soit l’issue de leur procédure. S’ils sont reconnus par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et obtiennent le statut de réfugiés, ce sera beaucoup plus facile pour eux de trouver du travail et donc ensuite un logement, sans dépendre des organismes de secours, s’ils ont une formation professionnelle. Et s’ils doivent retourner dans leur pays, ils rentreront avec un « plus ». Ce sera plus facile pour eux de se réintégrer. Vous savez qu’il est extrêmement important de ne pas perdre la face pour des gens qui ont risqué gros et n’ont pas obtenu ce qu’ils souhaitaient.

Quel peut être le rôle des chrétiens ?

Le chrétien, comme tout citoyen, peut être attentif à ce que fait notre pays, à travers ses représentants élus, et à la manière dont les administrations appliquent la loi. Vous avez peut-être remarqué comme moi que l’administration n’est pas toujours dans les clous de la loi. Il y a des entorses. Lorsque quelqu’un arrive à la frontière illégalement, la loi internationale prévoit que la police des frontières doit signifier à cette personne qu’elle a le droit de demander l’asile. Or nous constatons très souvent que cela n’est fait. On se contente plutôt de mettre à l’écart la personne et d’essayer de la renvoyer le plus vite possible d’où elle vient, sans lui signifier ses droits fondamentaux. Nous invitons les chrétiens à ce que les droits humains fondamentaux soient respectés. Ceux qui veulent aller plus loin pourront s’engager dans une des nombreuses associations de notre pays. Elles sont plus d’une vingtaine. Chacune, avec son accent particulier, veille à la défense des droits humains des réfugiés.

Y-a-t-il quand même des bonnes nouvelles ?

Les gens sont beaucoup plus généreux qu’on ne le dit parfois. Mais ils pensent que c’est trop difficile, trop compliqué, qu’on ne peut rien faire. Pour nous, chacun peut faire quelque chose à sa mesure, selon ses possibilités, sans avoir la main forcée, sans mettre le doigt dans un engrenage parce qu’il n’agit pas tout seul mais en collaboration avec beaucoup d’autres personnes. S’il s’agit d’hébergement, chacun accueille pendant un mois, juste pour la nuit. Nous essayons toujours de proposer des actions très précises, pour lesquelles les personnes savent à quoi elles s’engagent. Notre objectif est de permettre à ces gens-là de faire des rencontres humaines qui vont les changer aussi. Pour les chrétiens, nous sommes tous des migrants, de passage sur cette terre ! Ceux qui sont forcés de bouger nous révèlent des choses tout à fait importantes sur nous–mêmes. La bonne nouvelle, c’est de voir des réactions de familles qui disent qu’elles pensaient faire une bonne action et reconnaissent que ce sont elles qui ont le plus reçu.

Plus que l’hébergement : l’hospitalité logo_JRS_welcome!

Le JRS France compte moins d’une centaine de bénévoles. En concertation avec les autres associations qui s’occupent des réfugiés, le JRS a lancé « Welcome ». « Des familles, des personnes seules ou des communautés religieuses reçoivent chez elles un demandeur d’asile, pour une durée déterminée, d’en général un mois » précise Paul de Montgolfier. En effet, de nombreux demandeurs d’asile sont à la rue parce que l’Etat ne réussit pas à leur procurer une place en Centre d’accueil de demandeurs d’asile (CADA). Adressée par une association de terrain qui connaît la personne, assure le suivi social et juridique de sa situation, et a vérifié qu’elle veut s’intégrer en France, le JRS propose « une relation humaine avec des Français ». Car « les réfugiés ne rencontrent pas les Français, à part quelques administratifs et la police ». Cette démarche leur permet de « se reconstruire, physiquement et psychologiquement », en étant logés pour la nuit dans des lieux d’accueil – qui ne sont chargés ni de les nourrir, ni de les habiller, encore moins de résoudre leurs problèmes administratifs, mais où l’on portera sur eux un regard bienveillant.

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