Au Kenya, la modeste présence de Taizé

Taizé_Kenya_chapelleSi des frères de 25 pays différents sont présents sur la colline de Taizé, en Bourgogne, une vingtaine d’autres vivent actuellement dans cinq petites fraternités sur divers continents. Frère Luc raconte le quotidien de l’implantation la plus récente, celle de Nairobi au Kenya. Propos recueillis par Chantal Joly.

« En 2008, année marquée par de graves violences post-électorales au Kenya, nous avions été invités à y préparer une rencontre de jeunes qui a permis à plus de 7000 d’entre eux, de l’Afrique de l’Est et d’au-delà, de manifester leur capacité à dépasser les frontières nationales, culturelles ou ethniques. Évaluant l’impact d’une telle expérience après quelques mois, les évêques kényans ont demandé à la Communauté de Taizé si un  »suivi » était envisageable. La proposition de « poursuivre » sur place a été validée car elle correspondait aussi à un souhait de la Communauté de renouveler des liens entre Taizé et l’Afrique.
Nous résidons à Mji wa Furaha, un centre de rencontres pour les jeunes dépendant de la Conférence Épiscopale Kényane. C’est un petit oasis de verdure situé dans Nairobi-Est, non loin d’immenses quartiers populaires et de bidonvilles. En ce moment, nous sommes 5 : un Tanzanien, un Congolais (RDC), un Kényan, un Suisse et un Français. Les deux plus jeunes étudient une partie de la semaine. L’un d’entre nous travaille dans un centre d’accueil de jour pour enfants de la rue, dans les quartiers pauvres. Nous avons eu l’autorisation de construire une chapelle en tôle ondulée. La prière commune en anglais et kiswahili, matin, midi et soir, rythme nos journées. Pour être plus autonomes financièrement, nous avons mis en place une production d’icônes collées sur bois, d’émaux sur cuivre et de collages avec diverses écorces locales.

Prier avec les jeunes
« Nous n’avons plus besoin de missionnaires. Nous pouvons maintenant tout faire », nous expliquait un évêque en 2008 avant de poursuivre, « mais nous sommes tellement pris par les charges, si vous avez du temps pour prier avec les jeunes, cela serait intéressant ». Les défis auxquels sont confrontés les jeunes kényans sont nombreux : chômage, tension entre des racines rurales et une société urbaine hautement compétitive, remise en cause des institutions, etc. Dans ce contexte, approfondir le sens de son existence n’est pas une option secondaire.
Chaque dernier week-end du mois, une récollection s’adresse aux jeunes des quartiers proches. Six fois par an des retraites internationales de cinq jours sont proposées. Nous invitons des jeunes des pays voisins et nous essayons de garder le lien par des visites. Nous contribuons ainsi à former des animateurs qui pourrons proposer à d’autres chez eux une expérience similaire d’Évangile s’appuyant sur des éléments simples : silence, prière méditative, réflexion et partage biblique, unité dans la diversité des origines…

Bâtir non pas une institution mais une confiance
Nous sommes également invités à animer des rencontres dans des paroisses et des diocèses. Avec ses 8000 églises enregistrées et autant qui attendent de l’être, le paysage religieux, très fragmenté, donne souvent une impression de compétition. Un témoignage de réconciliation vécue par une poignée de frères ne peut être qu’une semence enfouie dans un terrain ecclésial en attente. Dans un contexte où il faut construire des bâtiments et des institutions pour accompagner la croissance démographique et urbanistique, n’avoir d’autre objectif que de construire une confiance entre des personnes ne va pas de soi.
Nous nous rappelons qu’invités au Kenya, nous avons beaucoup à apprendre d’un pays de 42 tribus, 42 langues locales, 42 traditions pour marquer le passage à l’âge adulte ou sceller un mariage. La présence dans l’équipe de frères Africains ou ayant longtemps vécu sur ce continent est d’une grande aide.
Nous gardons des liens étroits avec la France via des nouvelles régulièrement échangées et des séjours mutuels. Des jeunes frères de Taizé sont invités à faire un séjour en fraternité au cours de leur quatrième année de formation.
Personnellement le passage de la  »grande communauté », où j’ai vécu 28 ans, à Nairobi, où nous sommes une poignée a sollicité toutes mes ressources : prière, foi, ouverture, soif d’apprendre, goût des rencontres, bricolages, etc… Cela m’a conduit à me centrer encore plus sur mon engagement à la suite du Christ aux côtés des compagnons qu’il me donne, que ce soient mes frères où les Africains dont je sollicite l’hospitalité ».

Le christianisme dans d’autres cultures Taizé_Kenya_groupe

Très tôt, Frère Roger a tenu à rendre visible le fait que le Christ invite à une communion universelle. « La vocation, aimait-il à rappeler, ne fait pas de nous des privilégiés à l’écart des défis du monde mais nous donne, au contraire, de partager les angoisses et les espoirs de la famille humaine ». C’est ainsi que des petites équipes satellites de frères, immergées au milieu d’un peuple hôte, œuvrent à tisser tant des solidarités avec les plus pauvres (descendants d’esclaves, handicapés, enfants des rues…) que des liens inter-religieux. Comme actuellement Nairobi (Kenya), Séoul (Corée du sud), Mimensing (Bangladesh), Alagoinhas (Brésil), et Dakar (Sénégal). « C’est important d’être présent dans d’autres cultures et de montrer que le christianisme n’est pas seulement identifié à une culture européenne », commente Frère Aloïs.

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