Témoignages de foi de migrants

Témoignages de foi de migrants à l’occasion de la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié, le 15 janvier 2012.
 

Thach Pya Pierre, Cambodgien

Je m’appelle THACH Pya. Je suis né en 1947 au Cambodge, d’origine Khmère Kampuchea Krom (Viêt- Nam du sud actuel) ; je suis père de 3 enfants et grand-père deux fois, bouddhiste de génération en génération, divorcé, et je suis de foi catholique depuis 1995.

J’étais tellement triste surtout pendant le week-end en hiver. Je vivais seul sans l’espérance dans la vie car mes enfants n’étaient pas avec moi. Je voulais chercher quelque chose pour me réconforter, pour m’en sortir… et finalement pour me rendre heureux. Des questions me trottaient dans la tête : pourquoi est-ce que je veux me convertir au catholicisme ? Est-ce que je crois en un Dieu trinitaire : le Père, le Fils et l’Esprit Saint ? Je ne suis pas allé au catéchisme. Et personne n’a essayé de me convaincre.

Un dimanche en 1995, je suis allé tout seul à l’église de Saint-Quentin-les-Sources, à Montigny -le- Bretonneux, qui se trouve pas loin de chez moi. Pendant la messe, j’ai écouté la Parole de Dieu et ce qui m’a beaucoup touché, c’est l’homélie sur la Parole de Jésus : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai
aimés ». J’ai été touché aussi jusqu’à avoir des larmes dans les yeux après, quand on a chanté « l’Agneau de Dieu ».Apartir de ce dimanche, j’ai eu envie d’aller à la messe et j’en suis heureux.

Je voudrais chercher pour aller plus loin dans la vie spirituelle en Christ, qui me rend gai dans la vie quotidienne  et que j’ai la chance de pouvoir vivre. A partir de ce jour, je ne me suis plus senti tout seul. Depuis lors ma recherche spirituelle a continué jusqu’à nos jours. Je me suis imprégné petit à petit de la Bonne Nouvelle pendant les messes et les vacances d’été organisées par l’Aumônerie cambodgienne. J’ai découvert tant de choses dans l’Hexagone ayant de la valeur spirituelle : cathédrales, calvaires, St Vincent de Paul, St Sulpice, Lourdes…

Les cérémonies des sacrements de l’initiation ont été formidables. J’étais entouré de pas mal de monde : la communauté de ma paroisse, la communauté cambodgienne en Yvelines et l’Aumônerie Cambodgienne.

Je fréquente régulièrement la messe du vendredi soir et du dimanche. Quand j’ai des obligations à accomplir, la messe me manque. Je m’adresse au Seigneur et je suis très content d’avoir reçu la paix dans mon coeur, d’être aimé et d’être parmi nos frères et soeurs de notre communauté chrétienne.

Actuellement, je continue ma recherche pour mieux connaître Jésus et pour approfondir ma foi en participant à la formation que l’Aumônerie cambodgienne a organisée. Tous les jours, avant de me coucher, je prie pour ma famille, mes amis… pour que le Seigneur soit toujours avec eux.
 

Marcus Agbekodo, Aumônerie Nationale des Communautés Catholiques Africaines

Nous sommes de nombreux chrétiens africains vivant en France depuis plusieurs années. Nous venons de plusieurs pays d’Afrique, parfois très différents mais nous avons en commun d’être des chrétiens en migration. Dans notre pays d’accueil qui est la France, nos expériences de la migration ont été parfois difficiles et notre foi fut souvent interpellée par la différence de culture et de vie. Entre la recherche de stabilité sociale et d’épanouissement personnel, nous avons tous eu à nous interroger sur notre foi et sur ce que l’expérience de la migration nous a apportés ou a changé dans nos vies de croyants.

Alors que la pratique de la foi en Afrique est une question communautaire, il se fait qu’en France la foi est une affaire privée et personnelle. Les célébrations sont moins animées et la présence de jeunes est moindre. Le chrétien africain se trouve alors désorienté et en perte de repère au point de s’interroger : mais où est la communauté solidaire ? Pourquoi, après la messe, tout le monde rentre chez soi sans s’attarder sur le parvis de l’église ? Et qu’en est-il des réunions des différentes congrégations et mouvements de laïcs ou de jeunes qui jalonnent la semaine en Afrique ? Et pourquoi ne puisje pas parler ouvertement de ma foi et de l’Evangile avec mes collègues de faculté ou de travail ?

Autant de questions qui se bousculent dans la tête du migrant africain à son arrivée en France. Mais il faut du temps pour mieux comprendre cette différence de culture et de pratique religieuse. Certes une seule foi, un seul Seigneur et un seul et même Esprit ; mais des expériences de vie chrétienne différentes. L’expérience de la migration nous a permis de mieux comprendre cette parole de Paul : un seul corps mais des membres différents, chacun ayant sa propre expression. Et il en faut des notes différentes pour faire une symphonie !

La migration nous a permis de comprendre que le chrétien est en marche et qu’il lui faut faire plusieurs rencontres pour évoluer, changer son regard et grandir dans sa foi et dans sa vie personnelle. Il en faut des rencontres pour accepter sa nouvelle communauté et pour s’y engager et y apporter sa propre richesse et témoigner par sa vie. Au fil des rencontres, le migrant se laisse apprivoiser doucement jusqu’à rentrer dans un vrai échange fraternel avec les autres.

La migration nous a permis de découvrir que nous croyons au Christ, non pas parce que nos parents et notre communauté nous ont fait baptiser, mais parce que la foi est bien au contraire un choix libre et un engagement personnel. L’acte de foi est bien une relation personnelle au Christ. La migration nous permet aussi de mieux comprendre nos frères en difficulté et de découvrir un autre visage de l’Eglise. Ce sont toutes nos diversités qui traduisent la catholicité de l’Eglise. Plutôt que de nous enfermer sur nous-mêmes ou sur notre communauté africaine, nous nous ouvrons à la grande famille de l’Eglise et participons à son témoignage au coeur de la société.

La migration nous a aussi appris que la foi est un combat de tous les jours.Malgré les difficultés liées à la migration (problèmes de papiers, défense des droits, problèmes matériels et sociaux, problèmes de logement, etc.), nous devons persévérer dans notre foi et faire confiance au Christ. Lutter pour choisir la vie de foi sans se laisser tenter par la facilité et l’argent trop facile. La nouvelle évangélisation est avant tout pour nous de porter témoignage de tout ce que le Seigneur a fait pour nous. Migrant, je ne suis pas un chrétien à part dans l’Eglise de France, je suis un membre à part entière de cette Eglise au sein de laquelle je continue de partager avec les autres croyants ma vie de foi, mais aussi la joie et le bonheur que j’éprouve à témoigner de l’espérance qui habite en moi aujourd’hui en terre de migration.
 

Manuel et Augusta Pinheiro, Portugais

Nous avons quitté le Portugal dans le but d’offrir unemeilleure vie à notre famille.

Nous sommes venus avec la certitude que notre foi, enracinée au Portugal, nous accompagnerait dans ce nouveau pays.

Les difficultés ont commencé très vite sur le chemin de l’immigration et lors de notre installation en France : la séparation familiale, l’adaptation à une nouvelle société, à une autre manière de vivre, à une nouvelle culture et à une langue différente.

Le ciel paraissait être lemême tout comme la terre, et pourtant tout était différent.

Nous demandions beaucoup à Dieu, comme de trouver unemaison pour faire venir nos deux enfants que nous avions laissés au Portugal. Parfois cela prenait du temps comme pour mettre à l’épreuve la foi qui nous donnait la force d’avancer, mais ce qui est certain c’est qu’Il ne nous a jamais oubliés.Nous donnions beaucoup de valeur au peu avec lequel nous avions appris à vivre. Nous sentions souvent le désespoir s’emparer de nous et c’était dans ces moments-là que Dieu se manifestait à travers un ami ou une personne dans le besoin comme pour nous dire : « l’autre a besoin de vous ».

Avec le temps, nous avons appris à valoriser les difficultés, puisqu’elles nous rendaient plus proches de Dieu et des autres.

Nous avons traversé de nombreuses difficultés, mais nous n’avons jamais eu peur, nous avions une grande espérance parce que nous sentions toujours la présence Dieu qui nous donnait la force d’avancer et de nous mettre au service des autres migrants. Nous sentions que tout ce que nous avions au fond de nous avait beaucoup plus de valeur quand nous le partagions avec les autres.

La prière en famille était un moment très fort,mais nous sentions aussi la nécessité d’alimenter et d’approfondir notre foi, de chercher toujours plus. Nous communions, participions à des groupes de réflexion biblique avec des Français, malgré la barrière de la langue.

D’autresmigrants arrivaient, venant du centre du Portugal, peu cultivés, pleins de foi mais en même temps si fragiles, confrontés aux difficultés de l’adaptation. Nous sentions que nous devions agir. Nous avions besoin de nous retrouver, d’affronter les difficultés ensemble, de partager et vivre notre foi.

Avec l’aide de l’Eglise locale et de prêtres lusophones, des communautés portugaises se sont formées pour accueillir les migrants et les aider à vivre
leur foi.

Peu à peu sont apparus des conflits générationnels, entre nous qui avions reçu une éducation portugaise et nos enfants qui grandissaient au sein de cette nouvelle société. Non sans difficulté, la situation nous a obligés à évoluer.

La formation d’un groupe pour les couples afin de lire et partager la parole deDieu, nous a fait nous sentir plus forts et nous a aidés à continuer d’avancer.

Notre expérience de migrants nous fait aujourd’hui voir et comprendre les autres migrants comme des êtres méritant notre respect. Nous comprenons leur souffrance. Ils ont une autre culture, ils sont différents, mais ils sont fils dumême Dieu.

Aujourd’hui, nous ressentons une certaine crainte et nous sommes un peu déçus de n’avoir pas cueilli tous les fruits escomptés. Cependant nous continuons de croire que nous sommes responsables de l’espérance que Dieu a placée en nous et elle nous incite encore à agir.
 

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