Mgr Hérouard : « Je pense que la justice écologique doit être au cœur du projet de relance européen. »

Mgr Antoine Hérouard est évêque auxiliaire de Lille mais également président de la commission aux affaires sociales à la COMECE (Commission des Episcopats de la Communauté européenne). Alors que le plan de relance européen est toujours en phase de pourparler, Mgr Hérouard précise le propos de la COMECE à ce sujet.

En tant que président de la commission des affaires sociales à la COMECE, quelle signification trouve cet important plan de relance européen alors qu’on entend un peu partout parler d’une intégration plus prononcée?

Il était important pour la COMECE de se prononcer sur les conséquences économiques et sociales de la crise et  pas uniquement sur l’aspect sanitaire et compassionnelle pour les victimes du virus et les soignants. Il fallait porter un regard sur ces autres conséquences. L’axe principal de ce regard était en effet la question de la solidarité en Europe qui avait manqué au début de la crise en particulier vis-à-vis de l’Italie.

On a pu observer entre les pays des actions peu glorieuses dans la gestion des masques par exemple. Les frontières se sont également fermées de façon unilatérale sans grande coordination entre les pays de l’UE. La question de la solidarité a été mise à mal alors qu’elle est la source même de la construction européenne.

Comment gérer les différences culturelles fortes au sein de l’UE notamment au niveau budgétaire ? Doit-on craindre une forme d’austérité imposée par les pays dits « frugaux » + Allemagne comme condition d’une aide de ces pays ?

C’est la grande nouveauté de cette proposition de la commission qui a été présenté au 27 et qui est issue directement de l’accord entre Angela Merkel et Emmanuel Macron. Il y a une prise de conscience que l’Allemagne ne peut faire cavalier seul et que les autres pays européens aient des économies qui se tiennent. Une des nouveautés est qu’on ne fonctionnera pas uniquement par des prêts à rembourser mais aussi par des dons qui vont être émis à partir d’un emprunt et donc d’une dette mutualisée.

Il s’agit d’un grand changement par rapport aux tenants d’une stricte orthodoxie financière et dont la finalité va au-delà de la simple bonne gestion. Cette décision vient réaffirmer au cœur la dimension de la solidarité. La difficulté réside dans le fait de bien distribuer cet argent pour qu’il ne soit pas gaspillé. A partir de quels critères sera-t-il distribué ?

Quel est l’influence de la COMECE au sein des institutions de l’Union Européenne ? La voix de la commission des affaires sociales trouve-t-elle un écho lors de ce type de décision ? 

Il faut rappeler que la COMECE n’est pas un organisme de l’UE mais à l’article 17 des traités européens, il est prévu qu’il y ait un dialogue régulier, ouvert et transparent avec les églises et de ce point de vue la COMECE est représentation de l’Eglise catholique auprès de l’UE. Il y a donc un dialogue institutionnel avec les représentants européens et ceux des différentes religions. Ce dialogue se produit aussi et souvent de façon informel. Nos textes sont communiqués à l’ensemble de nos correspondants au sein de la commission et du parlement européen. La COMECE fêtait d’ailleurs ses 40 ans cette année et a réaffirmé sa place particulière dans le paysage européen.

Elle est reconnue pour son sérieux et son engagement au service d’une Europe qui soit attentive aux hommes et à la justice sociale, écologique et fiscale. Concernant la justice écologique, la présidente de la commission, Ursula Von Der Leyen, a fait d’importantes propositions. Ainsi, un des points que nous avons souligné était que l’argent injecté dans le système économique européen devait pouvoir renforcer cette transition écologique. Nous avons également souligné que la crise que nous traversons est en réalité une crise socio-écologique beaucoup plus large.

Pour citer une phrase de Laudato si’ : « un homme fragile avec un être humain à qui tu en confies le soin interpelle notre intelligence pour reconnaître comment nous devrions orienter, cultiver et limiter notre pouvoir ». Je pense que cette perspective de justice écologique doit être au cœur du projet de relance européen.

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