Etre heureux en famille : éclairage de Mgr Perrier

Une prière de l’Ancien Testament demandait à Dieu : « Seigneur, qui nous fera voir le bonheur ? » et saint Augustin qui n’était pas franchement un auteur comique disait que même l’homme qui va se pendre ne cherche qu’une chose : le bonheur.
À ce que disent les gens, d’où peut venir ce bonheur tant désiré ? Les enquêtes répondent : en priorité, de la famille. Quelles que soient les générations interrogées et en sachant que la définition de la famille chez les personnes interrogées est plus que souple !

Les images de familles « heureuses » ne manquent pas dans les publicités, dès qu’il est question de la maison ou de la nourriture. Mais ces images ont souvent quelque chose de convenu et de mièvre. Le cinéma et, avant lui, le théâtre et la littérature nous content plutôt des histoires de familles malheureuses, voire carrément maudites. Peut-être ces histoires tragiques jouent-elles, finalement, un rôle positif : « Ma famille n’est peut-être pas parfaite mais elle pourrait être pire ».

Inversement, il faut reconnaître que le plus grand malheur, pour la plupart de nos semblables, c’est l’échec de leur vie familiale. Que ce soit au sein du couple ou – peut-être plus difficile encore à accepter – entre parents et enfants. Certains deuils se font ressentir durant toute une vie mais les ruptures, les brouilles, les abandons sont encore plus insupportables.

À la séparation, il faut trouver un coupable. Le plus souvent, c’est l’autre et le sentiment d’avoir été trahi peut se transformer en haine ou en cynisme. Parfois, la victime s’accuse elle-même et s’enferme dans un remords stérile. Pour être édifié sur ce sujet, il suffit d’aller visiter des personnes âgées dans des maisons de retraite : que de reproches et de remords !

De tout cela, il ressort que la condition principale pour le bonheur d’une famille, c’est la confiance. C’est la raison pour laquelle la famille reste la « valeur » n° 1. J’attends de la société certaines garanties : la liberté, la sécurité, les soins si je suis malade, la retraite quand l’âge viendra. Mais la société me laissera seul en cas de coup dur. Les amis sont précieux mais combien d’amitiés résistent à l’usure du temps et aux contre-temps de la vie ? Le refuge reste la famille. Que chaque famille cherche donc à vivre avec bonheur l’instant présent. Chacune a son style et une certaine dose d’humour est indispensable. Si tous les membres du groupe prenaient au tragique les inévitables incidents du quotidien, le climat deviendrait vite irrespirable.

Mais le plus important est de construire la confiance. Il faut exclure le mépris et le mensonge. Chacun doit pouvoir faire confiance aux autres mais aussi vérifier que les autres ont confiance en lui. Cela vaut aussi bien entre conjoints, entre parents et enfants, entre frères et soeurs. Les grands parents, quand ils existent, obtiennent facilement la confiance de leurs petits enfants parce qu’ils sont plus indulgents pour eux qu’ils ne l’ont été pour leurs propres enfants. Cela est bénéfique mais ne remplace pas la relation naturelle immédiate : celle des parents et des enfants.

Parler de confiance, c’est nécessairement parler de pardon. Nous ne méritons pas toujours que les autres nous fassent confiance : nous avons cherché notre propre intérêt et, pour cela, nous en avons pris à notre aise avec la justice et la vérité ; nous n’avons pas assumé nos responsabilités ; nous avons refusé d’entendre parce que nous ne voulions pas être dérangés dans nos occupations ou nos manières de penser… La confiance doit être sans cesse reconstruite.

Le chrétien sait cela depuis l’enfance. Toute l’histoire des rapports entre Dieu et les hommes est une histoire de confiance et de pardon. Le péché est de se fier davantage à soi-même qu’à Dieu. Mais Dieu, de nouveau, fait confiance à l’homme : il pardonne. Il renoue l’alliance. Il relance l’histoire de la relation. Jésus nous demande de faire de même entre nous. « Combien de fois dois-je pardonner ? Jusqu’à 7 fois ?», demande saint Pierre à Jésus. Jésus répond : «Jusqu’à 70 fois 7 fois». S’il y a un lieu où cette parole de Jésus peut s’appliquer à la lettre, c’est bien la famille : pardons répétés et, cependant, jamais automatiques.

Dernière remarque : il ne faut pas vouloir être seul à mériter la confiance. Il faut reconnaître ses limites et savoir passer le relais. Ce principe s’applique bien à la famille : tous ses membres doivent pouvoir se faire confiance les uns aux autres mais la famille dans son ensemble doit aussi savoir s’ouvrir sur l’extérieur. La famille qui s’enfermerait sur elle-même se déchirera quand, un jour ou l’autre, l’un de ses membres voudra respirer un air différent.

Source : Simples questions sur la vie

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