Présentation du document « Vers une présence totale » du Dicastère de la communication

Le Dicastère de la communication a publié le 29 Mai 2023 un document intitulé « Vers une présence totale, une réflexion pastorale à propos de l’engagement sur les réseaux sociaux ».

Si l’objectif est « d’évoquer certaines des principales questions concernant la manière dont les chrétiens devraient aborder les réseaux sociaux » et n’est pas censé « donner des lignes directrices précises » on peut néanmoins en souligner quelques enseignements.

Partant de l’ambition de « Favoriser des relations pacifiques, significatives et bienveillantes sur les réseaux sociaux » les auteurs énoncent quelques questions d’ampleur : « Quel genre d’humanité se reflète dans notre présence dans les environnements numériques ? Dans quelle mesure nos relations numériques sont-elles le fruit d’une communication profonde et véridique, et dans quelle mesure sont-elles simplement façonnées par des opinions incontestées et des réactions passionnées ? Quelle part de notre foi trouve des expressions numériques vivantes et réconfortantes ? Et qui est mon « prochain » sur les réseaux sociaux ? ».

Ils proposent tout d’abord de rechercher constamment le contact avec la personne plutôt que des échanges sur les opinions. Se battre contre l’indifférence qui prend le pas « Lorsque les gens ne se traitent pas mutuellement comme des êtres humains mais comme de simples expressions d’un certain point de vue qu’ils ne partagent pas ». Cette attention à l’autre doit se traduire aussi, voire d’abord ou surtout, envers le plus faible, d’où la référence constante dans le texte à la parabole du Bon Samaritain : « Comme dans la parabole, où nous sommes informés de ce que l’homme blessé a vu, le point de vue des marginalisés et des blessés numériques nous aide à mieux comprendre le monde de plus en plus complexe d’aujourd’hui. »

La première attitude proposée pour agir en ce sens est « l’écoute ». Les auteurs citent Saint Jacques pour qui  « il faut être prompt à entendre, lent à parler, lent à se mettre en colère », ce qui est sans doute le plus difficile sur les réseaux sociaux, lieu de l’immédiateté et de l’expression superficielle et débridée. « L’écoute intentionnelle dans le contexte numérique appelle à une écoute avec « l’oreille du cœur » » disent-ils.

Les auteurs insistent ensuite sur la nécessité d’agir « en communauté », en évitant autant que faire se peut l’action individuelle. « Au lieu d’agir en tant qu’individus, de produire du contenu ou de réagir aux informations, idées et images partagées par d’autres, nous devons nous demander: comment pouvons-nous co-créer des expériences en ligne plus saines où les gens peuvent engager des conversations et surmonter les désaccords dans un esprit d’écoute mutuelle? ». On peut toutefois noter une ambigüité entre cette nécessité de faire communauté, et, dans le même temps, de se méfier de l’effet bulle amplifié par les algorithmes des opérateurs de réseaux sociaux comme ils le soulignent également.

Pour éviter les affrontements stériles les auteurs nous proposent d’utiliser le narratif des histoires. Histoires si possible personnelles qui nous permettent aussi d’agir en témoin : « chaque chrétien doit veiller à ne pas faire de prosélytisme, mais à témoigner » .

Ce message est un message d’espoir et une invitation à agir pour « aider à corriger un environnement numérique toxique » en affirmant « le web social n’est pas immuable. Nous pouvons le changer. Nous pouvons devenir des moteurs de changement, en imaginant de nouveaux modèles fondés sur la confiance, sur la transparence, l’égalité et l’inclusion ».

Ce texte riche et fourni développe de nombreux autres aspects et aurait aussi pu mentionner deux autres recommandations : d’une part proscrire l’anonymat pour les chrétiens s’exprimant sur le net, qui est la négation de la personne en tant que personne, d’autre part appuyer des démarches plus institutionnelles de règlementation ou de modération, dans la continuité de ce qui a été fait en Europe avec le DSA (Digital Service Act) et le DMA (Digital Marketing Act). Mais il tient toute sa promesse de « promouvoir une réflexion commune sur nos expériences numériques, en encourageant les individus et les communautés à adopter une approche créative et constructive qui peut favoriser une culture de bon voisinage ».

Thierry Sergent