Pour un numérique au service du bien commun
Pour un numérique au service du bien commun, Odile Jacob 2/2022
Auteurs : Bernard Jarry-Lacombe, Jean-Marie Bergère, François Euvé, Hubert Tardieu
La transformation numérique ne cesse de produire ses effets dans nos sociétés, telle une vague déferlante qui n’en finit pas, comme l’illustre le livre Pour un numérique au service du bien commun paru en février 2022 chez Odile Jacob. Elle impacte les relations individuelles, les relations collectives, les relations entre Etats, la vie démocratique, l’information, le travail et l’emploi, la médecine…. Ce livre est le fruit d’un travail collectif mené par le groupe Innovation et société créé à l’initiative du Service national Famille et société de la CEF et ouvert à de nombreux contributeurs de compétences, parcours et horizons divers.
La technologie numérique, qui est très intéressante voire passionnante, est porteuse d’avancées et de promesses. Les smartphones, internet, les messageries, les réseaux sociaux, sont des outils précieux. Les confinements successifs en ont apporté la preuve tout en en mettant certaines limites en évidence. Mais la compétition économique et la volonté de domination la détournent assez largement des objectifs initiaux qui étaient de faciliter les relations et la communication. Certains usages des réseaux sociaux, le virtuel, l’intelligence artificielle, les « chatbots » (robots logiciels capables de dialoguer avec des humains), les objets connectés qui « discutent » entre eux sans nous, le big data et la collecte d’informations sur nos faits et gestes, modifient progressivement mais sûrement notre écosystème relationnel. Les Gafam captent massivement et à notre insu nos données personnelles à des fins de profilage et de revente, avec l’accord plus ou moins tacite des usagers en échange de la gratuité des services. De ce fait ils enregistrent une grande partie de nos déplacements, messages, navigations sur internet, goûts, informations de santé…
La manipulation de l’information menace notre libre arbitre. Les usages du numérique renforcent le désir et l’injonction d’immédiateté et un sentiment de toute puissance. La patience n’est plus une vertu et le court terme compte plus que tout. L’anonymat transforme les relations et contribue à libérer la parole voire l’agressivité. La montée de la haine en ligne et du harcèlement en témoignent. L’utilisation massive des jeux en ligne ou des réseaux sociaux créent de nouvelles addictions.
Les premiers signes d’un ébranlement anthropologique apparaissent, dans notre rapport au temps, à l’espace, dans la relation aux autres comme à soi-même, dans notre rapport au corps voire à la mort.
Comment réagir ?
D’abord en en prenant conscience et en se demandant comment adopter des comportements plus appropriés en tant que consommateurs, travailleurs, citoyens, parents, chrétiens. Comme pour l’écologie, nos excès peuvent-ils conduire à une mise en danger des humains ? Quel monde voulons-nous pour nous-mêmes et pour les générations à venir ? Des points de vigilance méritent d’être soulignés et posent de graves questions éthiques, comme le contrôle des individus, la manipulation des esprits et les nouvelles conflictualités.
Dorénavant les techniques de reconnaissance faciale sont très utilisées, y compris dans le domaine public. Un véritable contrôle social a ainsi été mis en place dans certains pays et tout comportement individuel ‘déviant’ est enregistré et sanctionné.
La manipulation des esprits a toujours existé, mais elle est beaucoup plus efficace et rapide grâce aux réseaux sociaux et aux sites internet. Le complotisme y a trouvé un moyen extrêmement efficace pour prospérer, dans tous les domaines, jusqu’à mettre la démocratie en danger.
Quant aux cyberattaques, elles sont de plus en plus nombreuses, sournoises et menaçantes, souvent liées à des organisations étatiques et pas seulement criminelles. Une généralisation de la culture de la cyber-sécurité est indispensable pour y faire face. Une nouvelle course aux armements, dans le champ très transversal du numérique, est lancée. Les Etats démocratiques sont conduits à créer de nouvelle structures, pour se défendre, si ce n’est pour mener des attaques en retour.
Finalement, une nouvelle donne est apparue en quelques années avec le numérique : d’abord des facilités nouvelles dont nous bénéficions, ce qui explique leur adoption si rapide dans le monde, et simultanément des risques potentiels sinon des dégâts déjà avérés sur le fonctionnement des sociétés humaines. Pourtant nous aurons besoin de la puissance d’innovation du numérique pour dépasser les crises énergétiques et climatiques. Bien utiliser le numérique pour le bien commun est donc un enjeu réel.
Recension du livre par Marc Hunyadi, Le Temps (Suisse), 26 février 2022
Recension du livre par Antoine Corman, revue Etudes No 386, mai 2022