3. Ambivalences et paradoxes
Notre société est riche de potentialités, de diversités, qui pourraient être autant de chances si elle ne vivait pas dans des paradoxes qui, souvent, l’étouffent. Elle est à la fois sans cesse à réclamer des protections supplémentaires en tous domaines, prête à dénoncer toute insuffisance supposée des autorités, et en même temps se plaint, souvent à juste titre, des contraintes de plus en plus grandes qui corsètent la vie de chacun, et découragent beaucoup d’initiatives. La juridicisation croissante de notre société est une évolution marquante de ces dernières années. Alors que d’un côté on dénonce légitimement des zones de non-droit où la loi n’est pas appliquée, nous sommes un pays qui ne cesse de produire des normes et des règlements supplémentaires, souvent dans la précipitation et le contexte de l’émotion, constituant des mille-feuilles juridiques souvent inopérants ou contradictoires. Jamais les normes juridiques, réglementaires, administratives en tous domaines n’ont été aussi nombreuses, et cela malgré les promesses répétées de simplification. Il est nécessaire de sortir du « tout juridique », et de la logique exclusive du contrat qui prévoit tout, pour retrouver des espaces de créativité, d’initiative, d’échanges, de gratuité… Ainsi, le principe de précaution, utile en soi, n’est pas sans effets pervers quand il devient une norme rigide et sans souplesse. Il faut cesser de croire qu’il est possible d’arriver à un risque zéro dans nos vies personnelles et collectives. Se projeter dans l’existence suppose toujours des choix réfléchis qui comportent une part de risque et d’inconnu. Il y a donc un équilibre à trouver entre une sécurité maximale illusoire, et une protection des libertés qui est fondamentale.
La France a un potentiel important de dynamisme. On le voit en tous domaines. C’est le cas en matière économique où, par exemple, de plus en plus de start-up innovantes voient le jour. Mais on le voit aussi à travers les nombreuses initiatives de solidarités souvent intergénérationnelles, avec des sans-abris, des réfugiés… Il y a de la créativité, de l’inventivité, de la générosité dans notre pays. Pourtant, la difficulté de réformer est une autre bonne illustration des paradoxes de notre pays. Tout le monde s’accorde à dire que notre pays a un besoin très grand de réforme, mais tout projet en ce sens est a priori disqualifié. C’est toujours l’autre qui doit faire l’effort en premier. Notre pays réagit par corporatisme et intérêts particuliers, et personne n’arrive à insuffler un esprit qui emporte l’élan de tous. Le potentiel de dynamisme et de solidarité patine, sans arriver à trouver le point d’appui, l’élément catalyseur qui lui permettra de se développer et de porter tous ses fruits. Le bien commun semble difficile à dessiner et plus encore les moyens pour s’en rapprocher. L’autorité de l’Etat se disqualifie peu à peu, et beaucoup de gens ont le sentiment de n’avoir plus prise sur le cours des évènements.
Le contrat social, le contrat républicain permettant de vivre ensemble sur le sol du territoire national ne semble donc plus aller de soi. Pourquoi ? Parce que les promesses du contrat ne sont plus tenues. Il a besoin d’être renoué, retissé, réaffirmé. Il a besoin d’être redéfini.
Piste pour échanger
- Quels paradoxes vous marquent le plus ?
- Croyez-vous au potentiel de créativité et de dynamisme de notre pays ?
Table des matières
« Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique »
Le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France aux habitants de notre pays
- Retrouver le politique
- Une société en tension
- Ambivalences et paradoxes
- Un contrat social à repenser
- Différences culturelles et intégration
- L’éducation face à des identités fragiles et revendiquées
- La question du sens
- Une crise de la parole
- Pour une juste compréhension de la laïcité
- Un pays en attente, riche de tant de possibles