David Djaïz, le nouveau modèle français

Fiche de l’Observatoire Foi et Culture (OFC) du mercredi 15 décembre 2021 à propos de l’ouvrage : « Le nouveau modèle français » de David Djaïz.

« Une nation sans modèle est une nation sans boussole, qui se condamne au déclin économique, au  délitement social et aux dissensions intestines. » David Djaïz introduit son propos sur la France  contemporaine par cette affirmation. Il ne fait pourtant pas partie des chantres du déclin français et il va  nous le prouver au long des pages de cet essai. Normalien, énarque, enseignant à Sciences Po, il décrit les  changements qui se sont produits depuis l’après-guerre (1944-1968) jusqu’à ceux qui surviennent dans notre  actualité (1968- 2020).

Globalement, à titre individuel, les Français sont satisfaits de leur situation et en même temps ils ont une  image sombre de leur condition collective. Cet écart vient du fait qu’ils ont de la peine à formuler un modèle  de société, un projet qui porte vers l’avenir. Il y avait, au lendemain de la Libération, un modèle qui a  reconstruit la France et l’a fait entrer dans la modernité. Mais ce modèle n’a fonctionné que trente ans. Alors  que sous la présidence de Georges Pompidou (fin des années 1960 et début des années 1970), certains  économistes prédisaient que la France deviendrait la deuxième puissance mondiale, le modèle de prospérité  d’après-guerre est entré dans une sorte de décomposition.

Rien ne sert de vanter les modèles d’autres pays (japonais, suédois, allemand…). Il est plus opérant de faire  preuve d’imagination et d’inventer un nouveau modèle français en tenant compte de la situation actuelle  marquée par le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, le vieillissement démographique, les  mutations liées au numérique. Quels sont les éléments qui peuvent façonner une communauté nationale et  la projeter dans l’avenir ? « Pris dans la mondialisation et désormais dans la catastrophe écologique, nous ne  pouvons pas revenir en arrière, mais nous devons trouver notre propre élan et une ardeur renouvelée »  (p. 13).

Partant du modèle des « Trente Glorieuses », David Djaïz exprime au passage son admiration pour Jean Monnet et ses collaborateurs qui ont mis en œuvre le Commissariat au Plan. Dans la seconde partie de son  essai, il traite de la fragmentation culturelle de la société française : « Pour schématiser, on pourrait dire que  la société apparemment unifiée, homogène et apaisée des années 1970, que louait Henri Mendras, s’est peu  à peu fracturée en trois France durant les décennies suivantes : celle des Autonomes, celle des Autochtones  et celle des Entre-Deux. » (p. 93).

Les Autonomes disposent d’un capital culturel et symbolique élevé et considèrent que la mondialisation leur  a plutôt profité. Ils ne sont pas confrontés à la pénibilité physique. Les Autochtones sont les travailleurs des  métiers de « la main » et du « cœur », métiers manuels et profession de soin. Les Entre-Deux sont ceux qui,  tout en ayant une aisance culturelle et des diplômes du supérieur vivent dans une grande précarité  économique. On trouve dans ces Entre-Deux des militants associatifs, des intermittents du spectacle ou  encore des chercheurs ou des enseignants précarisés.

David Djaïz explique ce que pourrait être dans cette société fracturée un nouveau modèle français. Trois  étapes semblent nécessaires à franchir. Il s’agit tout d’abord d’arriver à un « diagnostic partagé », de repérer  les facteurs de rassemblement sur lesquels bâtir ce nouveau modèle. David Djaïz en décrit trois : une  puissante aspiration à l’ancrage territorial ; l’écologie ; l’unité républicaine.

La seconde étape consiste à poser les bases d’un mode développement économique centré sur le bien-être.  David Djaïz consacre de belles pages sur l’agriculture de haute qualité environnementale, sur la santé  évoluant vers une plus grande prévention et prenant en compte les conditions de vie, sur l’éducation et la  formation enfin, troisième secteur clé de l’économie de bien-être.

La troisième étape aurait pour objectif de diffuser une nouvelle culture civique.

Les deux derniers chapitres de l’essai sont passionnants et fourmillent de bonnes idées pour construire le  nouveau modèle français. L’essai de David Djaïz est intéressant à plusieurs titres : d’abord par sa rétrospective historique remontant à  1944-45, quand le modèle français « actuel » fut élaboré, ensuite par ses suggestions pour en créer un  nouveau, sans oublier les enseignements de l’histoire passée. De plus, ce livre est concis, synthétique, clair  et bien écrit, et les perspectives qu’il ouvre ne manquent pas d’inventivité et de créativité.

+ Hubert Herbreteau

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