La Vaccia, le mauvais chemin

Fiche de l’Observatoire Foi et culture du mercredi 18 décembre 2019 sur le film « La Vaccia, le mauvais chemin ».

imagesAvec La Viaccia (1), tourné en 1961 et qui ressort aujourd’hui sur les écrans, c’est un peu un Casque d’or à l’italienne que nous propose Mauro Bolognini. Fils rebelle d’une famille d’agriculteurs toscans passionnément attachés à leur terre et indéfiniment spoliés, le jeune Amerigo, joué par Jean-Paul Belmondo, descend à Florence pour tâcher d’y vivre sa vie. Il ne tarde pas à tomber amoureux de la splendide Bianca (Claudia Cardinale), prostituée consciente de sa propre bassesse mais pas insensible à son charme. Histoire d’une passion et d’une déchéance inéluctable dans l’Italie du XIXème siècle, le film est tiré du roman éponyme d’un écrivain vériste, Mario Pratesi, mais se révèle bien plus qu’une adaptation.

Deux atouts essentiels en font une œuvre hors norme. D’abord la splendeur d’une photographie noire et blanc et d’une mise en scène qui restituent tant l’ambiance harassante de la campagne toscane que les mœurs impitoyables d’une Florence provinciale noyée dans les brouillards d’hiver : l’esthétique, très proche de la peinture italienne de l’époque, permet à la fois de suggérer des arrière-fonds contrastés et de suivre au plus près la progression et l’état d’esprit des héros. Ensuite et peut-être surtout, le magnétisme incandescent du couple d’acteurs principaux, tous deux au sommet de leur beauté et de leur charisme.

Claudia Cardinale, tour à tour sensuelle, dure, tendre, réaliste, injuste, déterminée et manipulée, trouve ici sans doute son plus grand rôle. Belmondo, dans un mélange de virilité juvénile et de faiblesse enfantine, est irrésistible. Même si Bolognini, à l’époque, s’était plaint du relâchement sur le plateau, l’attraction évidente qui existe entre les deux protagonistes agit comme un aimant sur le spectateur envoûté.

Il ne faudrait pourtant pas imaginer un film simplement sentimental ou esthétisant. De nombreux thèmes sont traités avec hardiesse et parfois crudité, qu’il s’agisse de la mort et de la sexualité, de l’éclatement de
la famille et de l’avidité moderne, de l’affrontement entre campagne et ville, voire des espoirs et des désenchantements inhérents à la politique. Un régal non seulement pour les yeux et le cœur mais aussi
pour l’intelligence.

Un seul regret : les dix dernières minutes sont de trop. Le réalisateur n’a pas osé conclure de façon abrupte et succombe à la tentation d’une fin mélodramatique, fermant une à une des portes que nous savions déjà closes. Sans être un chef d’œuvre totalement abouti, donc, La Viaccia reste un film admirable qui fera la joie des amateurs de cinéma.

Denis Dupont-Fauville

En français : Le mauvais chemin. Le nom, en réalité intraduisible dans ses assonances (le grand chemin, le chemin rural, le chemin sans retour, le pré aux vaches ?), est aussi celui de la propriété familiale du héros. Le film a été tourné par Bolognini un an après Le bel Antonio, récemment ressorti sur les écrans.