Petite philosophie des oiseaux de Philippe J. Dubois et Élise Rousseau

Fiche de l’Observatoire Foi et Culture (OFC) du mercredi 22 mai 2019 sur « Petite philosophie des oiseaux » de J.Dubois et Elise Rousseau.

Petite philosophie des oiseauxPris dans l’agitation de nos vies, nous ne savons pas toujours observer ce qui nous entoure. Avec les beaux jours, les oiseaux nous émerveillent. Dès le matin, nous entendons leurs vocalises d’allégresse. Ils annoncent joyeusement à la terre entière qu’un événement considérable se produit : le lever du soleil, le retour de la lumière, la naissance du jour. Merveilleux messagers, malheureusement peut-être en voie d’extinction !

Dans un livre intitulé Petite philosophie des oiseaux, Élise Rousseau, philosophe et Philippe Dubois ornithologue nous offrent 22 leçons de vie que peuvent nous inspirer les oiseaux, dans leur observation quotidienne. Il s’agit de retrouver ce qu’ont à nous dire les hirondelles, les goélands, les rouges-gorges, les tourterelles, les sternes, mais aussi bien sûr… les poules ! Que nous apprennent-ils sur le voyage, le bonheur, l’amour, les habitudes, le bien et le mal, la peur, la beauté ? En les observant, ils nous apprennent plus que nous n’imaginons. Plusieurs leçons de sagesse seraient à méditer :

• Une leçon de courage, tout d’abord. Nous découvrons par exemple que de petits oiseaux, plumes gonflées, ailes agitées, savent faire reculer avec succès d’autres oiseaux plus impressionnants qu’eux. Ainsi on peut voir une sterne poursuivre violemment un goéland qui vient survoler les nids à la recherche de poussins. Les sternes élégantes, grandes voyageuses pratiquent, par ailleurs l’entraide et la défense commune.

De même, le petit rouge-gorge sait tenir tête à ses congénères ou expulser un intrus de son territoire. Quant à la chevêche d’Athéna, la plus petite des chouettes, elle n’hésite pas malgré sa petite taille à agresser les prédateurs. Alors que les humains ont tendance à confondre la force et le courage, de petits oiseaux nous apprennent ce qu’est la vaillance, la résistance face au danger.

• Une leçon d’orientation. La barge rousse est capable, par exemple, de franchir d’un trait la distance entre l’Alaska et la Nouvelle Zélande, soit plus de onze mille cinq cents kilomètres. Et après sept jours de vols, à
une vitesse de soixante-dix kilomètres à l’heure, elle se pose à l’endroit exact où elle a niché l’année précédente. Et nous les humains, lorsque nos GPS et nos portables tombent en panne, nous sommes perdus. Nous ne savons plus lire le paysage, les étoiles, la nature. Nous apprécions les acquisitions technologiques, mais « ne perdons-nous pas, de ce fait, la chose la plus importante du voyage (…) la capacité fondamentale de s’orienter, d’avancer par nous-mêmes dans la bonne direction ? » (p. 34).

• Une leçon de tendresse. « Sans doute les oiseaux ne connaissent-ils pas toutes les nuances et les subtilités de l’amour humain (de même a contrario, ils ne connaissent pas non plus de haines tourmentées telles qu’en sont capables les hommes). » (p. 56) Pourtant, quel bonheur d’observer deux tourterelles sur un fil, au printemps, tout à leur tendresse, se témoignant respect, bienveillance et complicité. Pourquoi ne pas s’inspirer des douceurs délicates des tourterelles ?

• Tout n’est pas exemplaire chez les oiseaux. Certains de leurs agissements nous étonnent. Prenons le cas du coucou gris ! La femelle pond son oeuf dans le nid d’une autre. Elle dépose même chacun de ses oeufs dans des nids différents. À charge pour les oiseaux-hôtes de nourrir un petit qui n’est pas le leur. En clair, la femelle coucou ne met pas tous ses œufs dans le même panier. Chez un certain nombre d’oiseaux, le père n’est là que pour procréer. La chose faite, il laisse la mère couver et élever la progéniture. Les canards fonctionnent de cette manière. Les oiseaux ne sont pas toujours des partenaires fidèles. L’accentueur mouchet (mâle ou femelle) est un vrai cavaleur, adepte de la polygamie et de la polyandrie (une femelle s’accouplant avec plusieurs partenaires pendant la période de reproduction).

Il faut cependant surtout s’attarder aux leçons de sagesse : Les oies cendrées sont des modèles d’entraide. Le geai des chênes nous apprend la clairvoyance. Le pinson nous invite à la gaieté. Les flamands roses qui vivent en colonie mutualisent l’élevage des plus jeunes. Ceux-ci, quelques jours après l’éclosion rejoignent d’autres poussins et constituent une « crèche », etc. Les oiseaux nous offrent par ailleurs le spectacle de nombreux moments de bien-être, de jeux, de quiétude, d’insouciance. « Voir une poule prendre un bain de terre donne une idée de ce que peut être l’un des plus grands bonheurs du monde. » (p. 61).

Le secret que nous confie le livre de Philippe J. Dubois, et d’Élise Rousseau, avec bienveillance et douceur, est qu’il nous faut réapprendre à observer ce qui nous entoure. Et quoi de mieux pour cela que d’arrêter un moment le tempo infernal de nos vies et d’entendre ce qu’ont à nous dire les oiseaux ? Par leur mode de vie et leur façon d’être au monde, ces petits maîtres à penser proposent un art de vivre plus respectueux
de nos rythmes, plus profond aussi.

Pour les deux auteurs, religions et mythologies tiennent une place de choix dans leurs réflexions parce qu’elles ouvrent le chemin parfois obscur de nos destinées. Au terme de leur livre, ils nous laissent sur cette interrogation : « Dans notre monde en pleine mutation, entre réchauffement climatique et destruction des milieux naturels, de nombreuses espèces d’oiseaux sont en train de disparaître. Et nous ? Survivrons-nous au monde artificiel que nous sommes en train de créer ? » (p. 149). Philosopher, c’est apprendre à mourir, disait Montaigne. Peut-être que cette Petite philosophie des oiseaux nous apprend-elle à vivre tout simplement ?

Hubert Herbreteau