Nanotechnologies et bioéthique : éléments de compréhension

Nanotechnologies

Que sont les nanotechnologies ?

Ce sont les technologies qui élaborent leurs produits à l’échelle du nanomètre (nm), c’est-à-dire d’un millionième de millimètre, la taille d’une grosse molécule. Ce qui est nouveau, c’est que, grâce au microscope à effet tunnel, inventé en 1981, on peut manipuler désormais les atomes un par un. Les nanotechnologies sont les recherches technologiques que permet cette nouvelle possibilité ; puis, on a appelé nanosciences l’étude de la matière et de phénomènes à l’échelle du nanomètre, c’est-à-dire une partie des domaines traditionnels que représentent la physique moléculaire, la chimie des amas, la biologie moléculaire,….qui sont directement en amont ou qui utilisent les nanotechnologies. Nanosciences et nanotechnologies sont ainsi fortement imbriquées

Qu’est-ce que la convergence des technologies ?

On appelle convergence le croisement des nanotechnologies avec les biotechnologies, avec les sciences informatiques et avec les sciences cognitives : c’est la convergence NBIC (Nano, Bio, Info et Cogno). Elle est possible car c’est à ce niveau commun de quelques nanomètres que les briques élémentaires de la physique, de la chimie et de la biologie sont constituées. Agir à cette échelle permet de faire interagir ces briques directement donc de coupler des technologies comme la science des matériaux, la microélectronique des ordinateurs, le génie cellulaire. Les neurosciences vont également profiter des nanotechnologies : la miniaturisation va faciliter l’implantation dans le cerveau (et dans le corps en général) de systèmes électroniques de stimulation, de stockage de données et d’imagerie ; le couplage avec les sciences cognitives permettra d’agir sur l’éducation et l’apprentissage, sur la formation des idées, voire sur la prise de décision.

Les nanotechnologies vont donc d’une part amplifier considérablement la puissance des technologies actuelles et d’autre part donner naissance à de nouvelles technologies croisées dont on mesure mal les énormes possibilités (celles des greffes de neurones et de transistors par exemple) car, outre les applications que l’on imagine actuellement, elles feront sans doute émerger des applications insoupçonnées.

La volonté de créer une nouvelle nature

Avant même les applications, les recherches fondamentales exploitant les technologies convergentes espèrent faire apparaître des propriétés nouvelles de la matière, des phénomènes inconnus qui nous surprendront : le chercheur aura réussi lorsqu’il sera surpris par le résultat ; ceci fait dire aux philosophes qu’on ne cherche plus, comme chez Descartes, la maîtrise de la matière mais la non-maîtrise ; on espère que le tout sera plus que ses parties, même construit à partir des éléments qui le constituent ; alors que la science traditionnellement réduit par nécessité le tout en ses composants pour pouvoir les étudier car le tout est trop complexe, la convergence des technologies permet de se mesurer avec la complexité de la réalité voire de la recréer ou d’en créer une nouvelle.

Et quoi de plus complexe que la vie ? Un des rêves de cette étude de la complexité est de voir apparaître la vie comme une propriété émergente à partir de constituants moléculaires. Une toute nouvelle discipline est née qui s’appelle la biologie synthétique et qui vise à synthétiser les briques élémentaires de la biologie à partir des atomes. Un virus artificiel a été ainsi synthétisé ; le virus n’est pas un organisme vivant mais il n’en est pas loin.

Début 2010, Craig Venter a annoncé avoir introduit avec succès un ADN entièrement reproduit artificiellement dans une bactérie. Certains sont aussi tentés d’inventer une nouvelle biologie, avec un ADN à cinq bases par exemple. Il faut alors se poser la question « existe-t-il des limites à la création ? »

Jacques Bordé, directeur de recherche au CNRS, membre du bureau du Comité d’éthique du CNRS, le COMETS.[/vc_column_text]

Sur le même thème

  • Science et Ethique

    L’Eglise a toujours été présente aux débats qui touchent, d’une façon ou d’une autre, à la dignité de la personne humaine. Cette présence est constitutive de sa mission au service de l’homme en tant que « route fondamentale de l’Église.[1] » Selon la belle expression du Concile Vatican II, « il n’est rien de vraiment humain qui ne […]