« Cette distinction est une façon de transmettre cette mémoire aux jeunes générations »

Antoine HEROUARDLa Fondation internationale Raoul-Wallenberg a remis début mai le titre de « Maison de vie » au Séminaire pontifical français de Rome pour avoir caché des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.

Entretien avec…

Monseigneur Antoine Hérouard, ex-recteur du Séminaire français de Rome, récemment ordonné évêque auxiliaire de Lille.

Le Séminaire pontifical français de Rome a été honoré mardi 9 mai pour avoir caché des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Que signifie cette reconnaissance ?

La Fondation internationale Raoul-Wallenberg engagée dans la promotion des personnes ou instituions qui sauvèrent les juifs pendant la Shoah m’a contacté en 2016, car ils avaient réalisé une étude historique qui reconnaissait que le Séminaire pontifical français de Rome remplissait les critères d’attribution pour obtenir le titre de : « Maison de vie ». Je leur ai répondu que j’étais honoré de cette distinction et que nous l’acceptions. La fondation new-yorkaise a identifié plus de 300 lieux de vie (églises, couvents, monastères) dans le monde entier. Le Séminaire français est le troisième lieu de vie français reconnu après l’Institut Notre-Dame de Sion et le temple protestant de l’Oratoire du Louvre à Paris.

Que révèlent les archives du Séminaire pontifical français de Rome ?

Liste des réfugiés du séminaire

Liste des réfugiés du Séminaire.

Plusieurs documents attestent que des prêtres catholiques du séminaire ont caché de nombreux réfugiés : une liste de juifs réfugiés pendant la guerre 1939-1945, un livre-comptable qui détaille les cotisations des juifs hébergés. Nous disposons aussi d’un document qui indiquait qu’il ne devait pas y avoir de perquisitions sans un accord de la Congrégation rédigé en italien et en allemand.

A-t-on une liste très précise des personnes qui ont été cachées dites « Hors la loi » ?

Dans une note confidentielle du Journal de Communauté (journal interne NDLR) datant du 5 juin 1944, il est mentionné que des prêtres catholiques du Séminaire français de Rome ont hébergé en deux temps pendant huit mois (1943-1944) un certain nombre de réfugiées dont 50 personnes de confession juive, un capitaine américain, un lieutenant d’aviation français, six jeunes Français, deux Polonais, quelques Italiens refusant de se battre aux côté des Allemands et l’abbé Battmann, déserteur Alsacien.

Est-ce le Pape Pie XII qui a demandé aux communautés romaines de cacher des juifs ?

Le Pape Pie XII a demandé aux communautés religieuses de Rome d’accueillir tous ceux qui étaient dans la détresse : tous les réfugiés et en particulier les juifs. Je pense qu’il est important de rappeler cet épisode car on a reproché à Pie XII de ne pas avoir des positions assez nettes par rapport au drame de la déportation des juifs et de la Shoah. Il a vraiment encouragé l’accueil des juifs dans les communautés religieuses. Pie XII a essayé – via la secrétairerie d’état – de protéger les communautés : les couvents et les maisons religieuses de Rome. A ce titre, ces lieux ne pouvaient faire l’objet d’une perquisition sans un accord préalable du Vatican. Il semblerait que cette consigne n’a pas été respectée puisqu’il y a eu une perquisition.

Un document du Vatican explique que ce sauvetage comportait aussi des risques puisque la Gestapo a perquisitionné les lieux… Pouvez-vous nous raconter cet épisode ?

La Kommandantur était installée juste en face du Séminaire français de Rome, de l’autre côté de la rue, Via Di Santa Chiara pendant la guerre. Au cours d’une perquisition, en 1943 par les Allemands, les réfugiés ont pu être cachés dans les faux plafonds.

Où la plaque commémorative « Maison de vie » a-t-elle été posée ?

Ma première idée était de l’installer à l’extérieur dans la rue, près de la porte d’entrée de manière à ce que les passants puissent la lire. La fondation avait proposé qu’elle soit écrite en anglais, j’avais suggéré que ce soit écrit en italien et en français. Finalement, nous avons décidé avec les responsables de la fondation de la poser dans le hall d’entrée du Séminaire sur le chemin qui mène à la chapelle. Ainsi, tous les visiteurs qui viennent au séminaire passeront devant et pourront la lire.

Qu’est-il écrit dessus ?

« Conformément à l’héritage de son fondateur, la Fondation internationale Raoul Wallenberg a l’honneur de décerner le titre de « Maison de vie » au Séminaire pontifical français, en hommage aux Pères de cette maison qui, par leur bravoure, ont fait preuve d’un comportement civique et fraternel exemplaire. »

Vous quittez vos fonctions au moment où le Séminaire français de Rome reçoit cette reconnaissance, y voyez-vous un signe ?

Non, pas vraiment car il s’est écoulé un an entre le moment où la fondation m’a contacté et la cérémonie. J’ai rencontré le responsable italien de la Fondation Raoul-Wallenberg à deux reprises. Nous avons choisi ensemble la date du 9 mai pour l’installation de la plaque, je ne savais pas alors que j’allais quitter Rome. Cette distinction est un beau signe, une façon de transmettre cette mémoire aux jeunes générations.

Propos recueillis par E. Delanoë

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