Réflexion sur la crise financière

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Le 8 octobre, le conseil pour les questions familiales et sociales de la Conférence des évêques de France fait part de son inquiétude face à la crise financière. « Nos sociétés sont ébranlées. Et comme toujours, en pareil cas, les plus pauvres sont les premières et bien innocentes victimes », souligne-t-il dans un communiqué.

 

Réunis les 6 et 7 octobre, les évêques du conseil ont travaillé avec des experts extérieurs issus du monde la finance, du journalisme et de l’analyse économique sur la situation actuelle et sur la parole que l’Eglise pouvait avoir dans ce contexte. « Quand la finance prétend être sa propre fin et n’est plus animée que par le désir exclusif du profit, elle perd la tête » déplorent-ils, appelant au souci de l’homme qui s’il redevient prioritaire, fera renaître la confiance. Les évêques invitent chacun à s’interroger sur son rapport à l’argent, sur ses manières de faire fructifier son épargne et de recourir au crédit.

A l’avenir, Mgr Jean-Charles Descubes, président du conseil épiscopal pour les questions familiales et sociales, souhaiterait que l’Eglise poursuive sa réflexion sur l’éthique financière. « Nous portons ce souci depuis longtemps, sans en avoir bien sûr le monopole. Pourquoi ne pas être le catalyseur d’une réflexion plus large associant dirigeants d’entreprise, responsables politiques… » s’interroge-t-il.

 

 

Au coeur de la crise : faire crédit, faire confiance…

La crise que nous traversons témoigne de l’importance de la finance pour l’économie et la paix sociale.

La financiarisation de l’économie a accéléré la mondialisation dont il serait injuste de dire qu’elle n’a que des effets négatifs. Elle a facilité le transfert des richesses et des technologies. Elle a été un levier puissant pour des projets d’investissements dans des pays en voie de développement.

Le marché libre, à condition de respecter certaines exigences, demeure sans doute l’instrument le plus efficace pour utiliser les ressources et répondre aux besoins des hommes et des sociétés de façon efficace.

Mais la crise nous révèle nombre de conséquences négatives lorsque les logiques financières poussées à l’extrême sont déconnectées de l’économie et ont pour seule fin la recherche d’un profit immédiat.

Nos sociétés sont ébranlées. Et comme toujours, en pareil cas, les plus pauvres sont les premières et bien innocentes victimes.

Cette crise nous invite tous à nous interroger sur nos modes de vie, sur notre rapport à l’argent, sur nos manières de faire fructifier notre épargne et de recourir au crédit.

Nous ne pouvons que saluer les efforts des gouvernements et des responsables politiques pour faire face à la situation.

Il est essentiel que les mesures préconisées se donnent une autre fin que le seul maintien d’un système financier qui a révélé ses faiblesses et leurs conséquences humaines.

Ceci ne pourra se faire :
– sans une coopération entre les Etats et naturellement pour nous en Europe,
– sans la mise en place d’institutions nationales et internationales efficaces d’organisation des marchés financiers,
– sans se donner les moyens de réorienter nos économies pour qu’elles soient au service des personnes et non du seul profit.

Ceci suppose une réflexion éthique et un engagement :
– pour que l’on s’interroge sur des pratiques spéculatives visant la rentabilité maximum à court terme,
– pour que l’on revoie les systèmes de rémunération et de gratification des dirigeants d’institutions financières surtout quand ils ont contribué à la crise ou pourraient en tirer profit de manière inconsidérée,
– pour que soient mis en place les moyens d’une plus grande traçabilité de l’argent et d’une meilleure identification des risques,
– pour que l’économie développe un recours plus raisonné au crédit,
– pour que le marché financier, par des investissements socialement responsables, soit réorienté au service d’une économie productive et modulée par les exigences environnementales.

La crise actuelle peut être l’occasion de resserrer notre lien social.

Quand la finance prétend être sa propre fin et n’est plus animée que par le désir exclusif du profit, elle perd la tête.

Quand le souci de l’homme, de tout l’homme et de tous les hommes redevient prioritaire, la confiance renait.

Les évêques du Conseil pour les questions familiales et sociales

Jean-Charles Descubes, archevêque de Rouen
Michel Dubost, évêque d’Evry
Michel Guyard, évêque du Havre
François Jacolin, évêque de Mende
Michel Pansard, évêque de Chartres

 

Dès 2005, l’Eglise catholique invite à réfléchir sur le fonctionnement des marchés financiers

L’attention de l’Eglise catholique et ses interrogations sur le fonctionnement du système financier ne date pas d’aujourd’hui : en 2005 les évêques de la Commission sociale ont attiré l’attention sur les déséquilibres du système, notamment sur la disjonction entre la finance et l’économie. Ils soulignaient, avec réalisme, que les marchés financiers, qui jouent un rôle essentiel dans le développement de l’économie, devaient impérativement faire l’objet d’une régulation appropriée. Cette réflexion a été actualisée en mai 2008 avec le document intitulé « La face cachée de la crise financière ». Trois séries de mesures étaient ainsi proposées : une meilleure réglementation des marchés financiers, des acteurs financiers recentrés sur l’économie réelle, des épargnants qui résistent aux sirènes du rendement maximum.

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