« Dire et vivre l’Evangile dans nos établissements », interview d’Eric de Labarre

De Labarre Eric - Secrétariat général de l'Enseignement catholique

Mardi 29 septembre 2009, Eric de Labarre, secrétaire général de l’Enseignement catholique, a présenté à la presse les chiffres de la rentrée. Il répond à nos questions.

Pourquoi avoir adopté comme slogan d’année « Vivre la liberté pour éduquer à la liberté » ?

Il nous semble que ce thème vient bien compléter d’autres approches approfondies les années précédentes. Et curieusement, il n’avait jamais été traité en tant que tel. Or, il s’agit pour l’Enseignement catholique d’une question essentielle, pour trois raisons au moins : c’est le fondement de notre existence, c’est un moyen et c’est une fin. Fondement car les lois Debré de 1959, puis Rocard de 1984, permettent de garantir effectivement la liberté de conscience à travers l’organisation de l’exercice de la liberté d’enseignement ; nous sommes en effet persuadés – tout en restant parfois trop timides pour convaincre nos interlocuteurs- que la liberté de choix des familles et la liberté des équipes éducatives de proposer des projets éducatifs originaux sont des moyens essentiels de la liberté de conscience.
Au fond, que cherche-t-on à faire ? Que des jeunes deviennent des adultes capables d’exercer une liberté responsable. C’est certes plus exigeant que de satisfaire ses désirs immédiats ; mais il y a là un enjeu majeur pour faire comprendre aux jeunes générations qu’être libre, ce n’est pas faire n’importe quoi.
Cela exige que les adultes de nos équipes aussi soient capables de vivre cette liberté au quotidien, en créant des relations de confiance au sein de la communauté éducative et en s’efforçant à l’exemplarité tout en restant humbles. Le bon éducateur est celui qui ne promet que ce qu’il est capable de tenir lui-même.

En quoi l’enseignement catholique est-il un lieu d’espérance ?

Ce n’est pas un hasard si le leit-motiv des Assises a toujours été : « Eduquer, passion d’espérance ». Cette vertu théologale est au centre, au coeur de notre projet. Il n’y a pas d’enseignement possible s’il n’y a pas un regard espérant sur le jeune, une oreille attentive. « Espérer en l’élève, c’est aimer son avenir », disait volontiers mon prédécesseur Paul Malartre. Nous ne saurions renoncer à notre mission ; il nous faut donc trouver la voie pour faire progresser chaque jeune même lorsque lui-même ne le veut pas.
Il ne suffit pas d’être « bon » au sens le plus noble du mot, mais de dire aussi au nom de quoi nous sommes charitables, sur quoi se fonde ce pari sur la grandeur de l’homme. Nous retrouvons ainsi une autre vertu théologale, la foi, sur laquelle s’ancre notre projet éducatif. Nous accompagnons nos élèves au nom de cette conviction : tout élève proche ou éloigné de la foi a le droit d’entendre que Jésus-Christ peut être un chemin pour lui s’il exerce sa liberté responsable.


Quelle part prend l’enseignement catholique dans l’annonce de l’Evangile ?

Les établissements participent à la mission de l’Eglise de France et sont des éléments des pastorales diocésaines. Si des débats ont pu avoir lieu, au détour des années 80-90 pour savoir si nous étions dans ou de l’Eglise, la question est tranchée : nos établissements sont des institutions d’Eglise à part entière. On entend parfois affirmer que l’enseignement catholique ne serait plus catholique. Ces propos me font mal et récompensent bien mal nos communautés éducatives de l’énergie qu’elles dépensent, du travail qu’elles accomplissent, des savoirs-faire et de l’engagement dont elles font preuve dans le témoignage chrétien.
Il est vrai que les résultats ne sont pas forcément à la hauteur. Le témoignage est plus difficile dans les établissements qui accueillent des populations d’origines diverses ou en lycée professionnel qu’en primaire ; mais ce n’est pas en désespérant les éducateurs qu’on peut avancer. Nos établissements ont connu ces trente dernières années un choc culturel dont peu de gens ont conscience. Pour l’essentiel dirigés par des prêtres, des religieux et des religieuses, ils sont aujourd’hui pilotés, de façon quasi-exclusive, par des laïcs. Nous avons connu une sécularisation massive, une déchristianisation croissante de la société, une mise en cause de toutes les institutions, y compris et d’abord de l’Eglise.
Le texte, promulgué cet été, « L’annonce explicite de l’Evangile dans les établissements catholiques d’enseignement » montre une vraie prise de conscience de l’importance de satisfaire le droit des parents et des enfants à entendre cette annonce dans le respect des libertés de chacun. Dans le cas contraire, l’Enseignement catholique ne répondrait pas à la mission qui lui a été confiée.
Il ne suffit pas de vivre l’Evangile à l’intérieur de nos établissements, même si c’est bien et nécessaire. Il faut dire au nom de quoi nous vivons. Et c’est un défi !


Une rentrée positive
 
Avec 4403 élèves en plus alors qu’il en avait perdu 4600 l’an dernier, l’Enseignement catholique se porte bien. Grâce à un important travail de redéploiement des moyens sur l’ensemble du territoire, les effectifs sont de nouveau à la hausse, spécialement en Ile-de-France, dans l’arc méditerranéen, ainsi qu’en Bretagne et dans les pays de la Loire. C’est surtout le second degré avec les lycées, y compris les lycées d’enseignement professionnel et agricole, qui progresse. Une préoccupation demeure pour le premier degré, notamment avec une perte de 2700 élèves qui vient s’ajouter à une perte de 5300 élèves en 2008. Les explications sont diverses : coût de la restauration scolaire, ancienneté de nombreux locaux, érosion démographique. Au total l’Enseignement catholique reçoit plus de deux millions de jeunes. Il faut savoir que 30 à 40.000 élèves frappent à sa porte sans pouvoir être accueillis.

 

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