« Dire et vivre l’Evangile dans nos établissements », interview d’Eric de Labarre
Cela exige que les adultes de nos équipes aussi soient capables de vivre cette liberté au quotidien, en créant des relations de confiance au sein de la communauté éducative et en s’efforçant à l’exemplarité tout en restant humbles. Le bon éducateur est celui qui ne promet que ce qu’il est capable de tenir lui-même.
En quoi l’enseignement catholique est-il un lieu d’espérance ?
Ce n’est pas un hasard si le leit-motiv des Assises a toujours été : « Eduquer, passion d’espérance ». Cette vertu théologale est au centre, au coeur de notre projet. Il n’y a pas d’enseignement possible s’il n’y a pas un regard espérant sur le jeune, une oreille attentive. « Espérer en l’élève, c’est aimer son avenir », disait volontiers mon prédécesseur Paul Malartre. Nous ne saurions renoncer à notre mission ; il nous faut donc trouver la voie pour faire progresser chaque jeune même lorsque lui-même ne le veut pas.
Il ne suffit pas d’être « bon » au sens le plus noble du mot, mais de dire aussi au nom de quoi nous sommes charitables, sur quoi se fonde ce pari sur la grandeur de l’homme. Nous retrouvons ainsi une autre vertu théologale, la foi, sur laquelle s’ancre notre projet éducatif. Nous accompagnons nos élèves au nom de cette conviction : tout élève proche ou éloigné de la foi a le droit d’entendre que Jésus-Christ peut être un chemin pour lui s’il exerce sa liberté responsable.
Quelle part prend l’enseignement catholique dans l’annonce de l’Evangile ?
Les établissements participent à la mission de l’Eglise de France et sont des éléments des pastorales diocésaines. Si des débats ont pu avoir lieu, au détour des années 80-90 pour savoir si nous étions dans ou de l’Eglise, la question est tranchée : nos établissements sont des institutions d’Eglise à part entière. On entend parfois affirmer que l’enseignement catholique ne serait plus catholique. Ces propos me font mal et récompensent bien mal nos communautés éducatives de l’énergie qu’elles dépensent, du travail qu’elles accomplissent, des savoirs-faire et de l’engagement dont elles font preuve dans le témoignage chrétien.
Il est vrai que les résultats ne sont pas forcément à la hauteur. Le témoignage est plus difficile dans les établissements qui accueillent des populations d’origines diverses ou en lycée professionnel qu’en primaire ; mais ce n’est pas en désespérant les éducateurs qu’on peut avancer. Nos établissements ont connu ces trente dernières années un choc culturel dont peu de gens ont conscience. Pour l’essentiel dirigés par des prêtres, des religieux et des religieuses, ils sont aujourd’hui pilotés, de façon quasi-exclusive, par des laïcs. Nous avons connu une sécularisation massive, une déchristianisation croissante de la société, une mise en cause de toutes les institutions, y compris et d’abord de l’Eglise.
Le texte, promulgué cet été, « L’annonce explicite de l’Evangile dans les établissements catholiques d’enseignement » montre une vraie prise de conscience de l’importance de satisfaire le droit des parents et des enfants à entendre cette annonce dans le respect des libertés de chacun. Dans le cas contraire, l’Enseignement catholique ne répondrait pas à la mission qui lui a été confiée.
Il ne suffit pas de vivre l’Evangile à l’intérieur de nos établissements, même si c’est bien et nécessaire. Il faut dire au nom de quoi nous vivons. Et c’est un défi !