« Notre foi doit être visible », interview de Mgr Lobkowicz

Mgr Frantisek Vaclav Lobkowicz

Mgr Frantisek Vaclav Lobkowicz, évêque d’Ostrava-Opava en République tchèque, représentait le président de la Conférence épiscopale tchèque à l’assemblée plénière du Conseil des conférences épiscopales d’Europe qui se tient à Paris du 1er au 4 octobre 2009. Quelques jours après la visite du pape Benoît XVI en République tchèque, il revient sur cette visite et illustre les relations entre Eglise et Etat dans un pays où l’Eglise catholique a longtemps dû vivre cachée. Entretien.

Quelles sont vos impressions suite à la visite du pape Benoît XVI dans votre pays ?
Le pape est une personne qui a une bonté d’âme, ce que tout le monde a remarqué, journalistes comme hommes politiques.

À quels aspects du message du pape les Tchèques ont-ils été les plus réceptifs ?

Le message du pape a été tellement clair et raisonnable que tous ceux qui voulaient le recevoir l’ont bien reçu. Il a évoqué au début de son séjour la révolution en douceur d’il y a vingt ans, et la canonisation de Sainte Agnès de Bohème qui a lieu au Vatican à la même époque. Le pape a déclaré que ces évènements marquaient le début de la fin du communisme. Le monde laïc, notamment les universités, ont pu percevoir la profondeur de la pensée du Saint-Père, qui a parlé de la recherche de la vérité, de la liberté dans la vérité, du sens de la vie, autant de questions qui concernent chacun.

Comment voyez-vous les relations entre l’Eglise et l’Etat vingt ans après la chute du communisme ?

Après le grand changement d’il y a vingt ans, les attentes de la population tchèque étaient très fortes mais elles n’ont pas été réalisées. C’est une société qui a souffert pendant 50 ans sous la pression du totalitarisme nationaliste, contre les chrétiens et les personnes de foi. On s’attendait qu’arrive de l’Ouest un certain libéralisme. La grande question était de pouvoir vivre en liberté, mais ce n’est pas simple. Concernant les relations entre Etat et Eglise vingt ans après la chute du régime communiste, on dit que la République tchèque est l’Etat le plus athée mais le pape a pu constater que ce n’est pas tout à fait vrai. En République tchèque, comme dans toute l’Europe, beaucoup de croyants n’expriment pas leur foi et ne vont pas à l’Eglise le dimanche, mais ils sont néanmoins croyants. La grande question par rapport à Dieu est que quelque chose doit exister. La visite du pape a beaucoup aidé à trouver un équilibre entre la société laïque et l’Eglise. Dans sa bonté, le pape a montré que l’Eglise est une institution qui peut apporter une aide concrète à la société, notamment grâce aux actions de Caritas qui réalise un très bon travail dans notre pays.

Quel est l’impact du christianisme dans des sociétés de plus en plus sécularisées comme la vôtre ?
Le rôle de l’Eglise est de montrer le sens du bien et d’apporter un sens à la vie. Souvent, il est très difficile de promouvoir cette pensée. Nous faisons tout ce que nous pouvons dans les écoles, les hôpitaux, auprès des organisations militaires, dans les prisons, auprès des scouts. Ce sont des activités très bien vues de la part des autorités. Il est important de travailler avec les jeunes. Même si peu d’entre eux sont concernés, ils constituent néanmoins un noyau dur. L’Eglise du futur, pas seulement en République tchèque mais dans toute l’Europe, ne sera pas une organisation de masse mais un noyau, le sel de la terre. C’est ce que nous a laissé Jésus-Christ, et que nous a rappelé le pape : l’Eglise est aujourd’hui ‘le sel de la terre’ (Math 5, 13).

Quel est le défi missionnaire auquel doit faire face l’Eglise catholique tchèque ?
Nous travaillons dans un territoire de mission. Nous ne serons jamais une organisation de masse, mais plutôt un petit groupe de fidèles et notre devoir est de témoigner. Le pape nous a incités à témoigner et à ne pas avoir honte d’être chrétien et de vivre en chrétien. Dans le régime communiste, les chrétiens ont vécu cachés, et nous avons encore cette habitude. Il faut que la foi devienne visible, c’est ainsi que nos voisins non croyants, dans nos villes et nos villages, pourront adhérer à la foi. Nous n’organiserons pas de grande manifestation, le principe est plutôt moins d’institutionnalisation dans l’Eglise et plus de prière.

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