L’Enseignement catholique se sent libre d’assurer sa mission de service commun

Ecole Notre-Dame

A l’occasion des anniversaires des lois Debré (1959) et Rocard (1984), un colloque organisé à Paris le 17 décembre 2009 par l’enseignement catholique a permis d’éclairer les avancées de ces textes historiques. Il a surtout ouvert un chantier d’engagement pour l’avenir.
Déjà le titre du colloque animé par Pierre-Luc Séguillon, « Liberté d’enseignement et participation aux politiques publiques d’éducation » donnait un ton consensuel. Quant au cadre, le grand amphithéâtre de la Sorbonne, avec les statues de Robert de Sorbon et du cardinal Richelieu encadrant le public, il le symbolisait. « Le temps est venu pour tous de travailler ensemble […] L’éducation ne devrait pas être un sujet qui divise mais une passion qui réunit », déclarait en préambule le recteur de l’académie de Paris, Patrick Gérard. Tandis qu’Eric de Labarre, Secrétaire général de l’enseignement catholique, après avoir rappelé que « les plus opposés à la loi Debré admettent désormais qu’elle est une étape ineffaçable », situait l’enjeu de la journée: « comprendre le présent et préciser les défis à relever dans l’avenir ».

Du passé, bien entendu, il en fut question. Guy Carcassonne, professeur de droit public à l’université Paris X-Nanterre, témoigna comme juriste de la période de négociations de la loi Rocard, qualifiée de « conspiration vertueuse ». Christian Nique, recteur de l’académie de Nice, résuma avec brio en tant qu’historien les grandes dates de la guerre scolaire au cœur des relations mouvantes entre l’Etat et l’Eglise, avant que « Michel Debré n’imagine quasiment seul une solution originale » tout à la fois « étonnante, habile et fragile » pour clore 227 ans de querelles.

Un désir d’enseignement catholique

Aujourd’hui, le contexte a changé. C’est la grande leçon d’un sondage CSA/La Croix/APPEL(Association des Parents d’Elèves de l’Enseignement Libre) communiqué aux participants du colloque. Ainsi, à la question « La possibilité de choisir entre l’enseignement privé et l’enseignement public est-elle une bonne chose ? », 84% de Français répondent oui et 55% sont prêts à scolariser leur enfant dans l’enseignement privé, ceci dépassant les clivages tant politiques que sociaux. « Il y a un désir d’enseignement catholique », celui-ci étant vécu comme « un lieu fort de transmission des repères », a commenté Pascal Perrineau, professeur des universités, directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po Paris (CEVIPOF). C’est bien sûr, affirme-t-il, parce que « la laïcisation a fait son œuvre et que la religion ne fait plus partie de l’identité collective », mais c’est aussi parce qu’avec la crise « l’école est vécue comme le meilleur placement ». D’autant plus dans une société française plus inquiète que ses homologues européens de la réussite de ses enfants.

Un des mauvais résultats du sondage ressemble surtout à un regret : 30% seulement de Français estiment que l’enseignement privé est accessible aux populations défavorisées. D’où un appel à être davantage présent aux catégories et aux quartiers populaires.

Une Ecole signe de l’amitié du Christ
Evoquant cette société « si fragmentée » et ce monde si « fragile à cause des ruptures de tradition », Mgr Claude Dagens, évêque d’Angoulême et membre de l’académie française (au fauteuil de Michel Debré !), a affirmé : « L’Eglise catholique partage les défis auxquels toute notre société est confrontée ». Ajoutant que l’éducation « constitutive de l’identité chrétienne » invite à « s’inscrire à l’intérieur d’un monde commun dont on désire le développement », il a précisé les missions qui attendent l’enseignement catholique dans ce contexte. Il a insisté sur la priorité « à ce que les enseignants osent exercer un ministère de confiance avec les jeunes en leur transmettant « la grammaire élémentaire de l’existence ». Tandis que Véronique Margron, doyen de la faculté de théologie de l’UCO (Université Catholique de l’Ouest) a dit « espérer que l’école catholique soit serviteur de l’amitié, signe de l’amitié du Christ pour chacun ».

Transformer une exception en modèle

« Nous nous situons au carrefour de cinq crises, a complété Jean-Baptiste de Foucauld, « celles du sens, du lien social, de l’exclusion, de l’écologie et de l’économie ». D’où, pour l’ancien Commissaire au Plan, président de Démocratie et Spiritualité, quatre missions éducatives pour « plus de sobriété, de justice, de créativité et de sens ». Et ces missions, ajoute-il, sont à porter à la fois par l’enseignement catholique et par l’enseignement public ; « à chacun de travailler sur les racines de sa culture pour apporter le meilleur ».

« Le contrat d’association qui fonde désormais les relations de l’enseignement catholique avec l’Etat signifie qu’il n’y a pas deux systèmes d’enseignement contradictoires », avait souligné le Patrick Gérard en ouverture. François Perret, haut-fonctionnaire de l’Education nationale, a souhaité ce rapprochement : « On a l’impression que chacun vit sa vie. Ce n’est pas dans le domaine de la loi qu’on doit progresser, mais dans le domaine de la pratique.»

En conclusion, Eric de Labarre a réaffirmé cette compatibilité entre le « caractère propre » de l’enseignement catholique, avec une « opinion publique en droit de nous demander d’être plus en cohérence » et la volonté de « se situer à l’intérieur de la société commune ». « La loi Debré a permis de solder un passé de querelles. […] Serons-nous capables de transformer cette exception française en modèle ? L’Histoire est devant nous. »

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