Père Jean-Yves Calvez, un intellectuel de terrain avec une expérience extraordinaire

Le père Jean-Yves Calvez, s.j., s’est éteint le lundi 11 janvier 2010 à Paris d’un œdème pulmonaire. Ce jésuite âgé de 82 ans était un grand spécialiste du marxisme et a exercé des responsabilités au sein de la Compagnie de Jésus. Nous avons interviewé le père Pierre de Charentenay, s.j., rédacteur en chef de la revue  »Etudes », dont le père Calvez fut rédacteur en chef de 1989 à 1995.
 
Comment réagissez-vous au décès du père Jean-Yves Calvez ?
Nous sommes bouleversés car c’est un des nôtres dont nous sommes très proches et en même temps, c’est un homme ayant accompli sa vie qui part à 82 ans de manière aussi rapide, comme si tout était achevé. Nous sommes très tristes mais nous rendons grâce car il a eu un parcours extraordinaire. Il allait en Argentine tous les étés pour donner des cours car il estimait que c’était important d’aider l’Eglise d’Argentine à progresser, inventer, à réfléchir davantage. Il connaissait tous les responsables de l’église orthodoxe à Moscou où il s’était rendu à de nombreuses reprises. Il avait de multiples relations internationales dans l’Eglise, dans la plus grande discrétion.

Que retenez-vous de lui ?
Je retiens tout d’abord que c’est un grand intellectuel, qui a publié un ouvrage capital en 1956 sur la Pensée de Karl Marx, à 29 ans. Il a ensuite constamment publié des travaux, notamment sur l’enseignement social de l’Eglise, sur les philosophes allemands, sur l’économie, la politique, etc. Il a donné beaucoup de conférences dans le monde entier, c’était un très grand voyageur, et il connaissait l’espagnol, l’anglais, l’allemand, l’italien. Il passait d’une langue à l’autre et donnait des conférences dans toutes ces langues. Sa pensée avait une grande répercussion intellectuelle dans l’Eglise.
Le deuxième aspect est qu’il a été un grand serviteur de la Compagnie de Jésus par ses fonctions, puisqu’il a été provincial de France en 1967, à 40 ans, puis assistant du père général Arrupe de 1971 à 1983, dans des conditions difficiles du débat entre Paul VI et les jésuites de l’époque. Ce débat concernait des décisions à prendre autour des congrégations générales et le caractère sacerdotal de la compagnie de Jésus. L’ensemble de la congrégation générale avait émis des idées qu’elle voulait soumettre à Paul VI qui a marqué son désaccord avec quelques-unes de ces positions. Le père Calvez fut également conférencier à Notre-Dame de Paris à la demande du cardinal Lustiger, pendant trois ans, de 1985 à 1987. Il a été un consultant informel de beaucoup de cardinaux et d’évêques à Rome ou à Paris.
Le troisième point concerne sa personne. C’est un homme d’une extrême modestie. Il ne s’est jamais mis en avant, a toujours refusé les distinctions, décorations, doctorats honoris causa, en disant que ce n’était pas sa vocation comme jésuite de recevoir ce genre d’honneurs. Il était dans son service de l’Eglise, un religieux de terrain ayant une expérience extraordinaire mais très simple dans sa vie courante.

A-t-il des héritiers aujourd’hui ?

Il est dans le sens de l’activité de la Compagnie de Jésus dans son rapport entre l’Evangile et le monde d’aujourd’hui, au service de la foi et de la justice. Il a donc tous les héritiers jésuites d’aujourd’hui. Il est un de ceux qui ont formé l’esprit de la Compagnie de Jésus dans les années soixante-dix, qui ont donné ce sens de la foi très forte dans l’Evangile et du service à rendre pour la justice dans le monde.
 

Ses obsèques auront lieu le jeudi 14 janvier en l’église Saint-Ignace à Paris à 14h30.
 
Le père Jean-Yves Calvez a publié de nombreux ouvrages, dont :
Eglise et société (avec A. Krassikov): Un dialogue orthodoxe russe – catholique romain, Cerf, 1998
Les silences de la doctrine sociale catholique, L’Atelier, 1999
Eglise et économie: la doctrine sociale de l’Eglise, L’Harmattan, 1999
Compagnon de Jésus: un itinéraire, DDB, 2000
Changer le capitalisme, Bayard, 2001 – Histoire et politique en Allemagne au XIXe siècle.
La pensée politique des historiens allemands au XIXe siècle, PUF, 2001
Chrétiens penseurs du social (Maritain, Mounier, Fessard, Teilhard, de Lubac), Cerf, 2002
Essai de dialectique, L’Harmattan, 2003
Source : Site du Centre d’études de recherche et d’action sociale (Ceras)

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