Pédophilie : une blessure pour les victimes, une épreuve pour l’Eglise

Interview de Mgr Antoine Hérouard, secrétaire général de la Conférence des évêques de France sur les affaires de pédophilie qui touchent l’Eglise.

Comment expliquez-vous ces affaires ?

Mgr Antoine Hérouard

On a vu apparaître dans les médias un certain nombre d’affaires de pédophilie, soit en Europe soit aux États-Unis, d’ampleurs variables. La situation est différente d’un pays à un autre. Parfois aussi, ce sont des affaires anciennes qui émergent aujourd’hui parce qu’il y a une recherche plus généralisée autour de ces problèmes. Il ne s’agit pas de minimiser les faits qui sont signalés mais de les remettre dans une juste perspective. En Irlande ou en Allemagne, les faits touchent des institutions : collèges, établissements d’enseignement, internats, etc. Jusqu’à présent, en France, les cas auxquels nous avons dû faire face sont des cas individuels. Ce qui explique peut-être une différence d’ampleur. On voit bien aussi qu’on assiste actuellement à une certaine campagne médiatique qui vise l’Église et la personne du pape, indépendamment d’autres institutions qui pourraient être concernées par la question. Ceci en soi est condamnable.

Quelle est la particularité de la France ?

En France, nous avons une histoire plus contrastée des relations Eglise-Etat, depuis l’époque de la séparation. Les institutions d’éducation sont sans doute moins fortes dans le fonctionnement de notre société qu’elles ont pu l’être dans d’autres sociétés occidentales. Plus ouvertes également. Nous avons peut-être aussi pris plus tôt que d’autres la mesure des problèmes et les chemins pour y faire face, en particulier depuis 2000. Il faut évidemment dénoncer les faits portés à notre connaissance et empêcher absolument les personnes qui en seraient coupables d’avoir une activité pastorale, qui plus est en lien avec des enfants. Il faut penser d’abord aux victimes et aux familles mais il ne faut pas non plus jeter l’opprobre sur l’ensemble des prêtres. Heureusement, statistiquement, cela reste une très, très petite minorité. La grande majorité des prêtres qui exercent leur ministère dans des conditions irréprochables n’a pas à porter le poids de l’opprobre de ceux qui se sont conduits d’une façon indigne.

Certains font un lien entre pédophilie et célibat des prêtres. Qu’en pensez-vous ?

Ce raisonnement ne tient pas. Statistiquement, il est clair que la grande majorité des cas de pédophilie a lieu dans les familles. Il ne viendrait à l’idée de personne, à cause de cela, de vouloir supprimer la vie familiale pour protéger les enfants. De la même manière, il est absurde de dire que le célibat entraînerait la pédophilie. Et ce serait injurieux, non seulement pour les prêtres fidèles à leur engagement, mais aussi pour les célibataires, qui ne sont pas forcément des prêtres et qui ont le droit aussi d’être respectés dans leur propre dignité. Il n’en reste pas moins vrai que le statut de célibataire peut servir de refuge à des personnes qui ont une structure psychique faussée et qui peuvent, par ce biais, avoir accès plus facilement aux enfants et aux jeunes. Les lieux où les adultes pédophiles ont accès à des enfants sont liés à l’éducation : l’école, les internats, les centres de loisirs, les clubs de sport, les chorales. Autant l’Église doit réagir fermement pour ce qui la concerne, autant elle n’est pas la seule institution concernée, loin de là. Dans le cas de l’école, on sait que malheureusement un certain nombre de cas s’y sont produits par le passé. Personne n’a, heureusement, mis en cause le bien-fondé même de l’école.

Jusqu’en juin 2010, l’Église célèbre les prêtres à travers l’Année sacerdotale. Quel est l’impact de ces affaires ?

C’est une épreuve pour l’Église. L’Église doit pouvoir encourager l’immense majorité des prêtres qui est fidèle à son engagement et vit son ministère dans le don, le désintéressement et l’attention à tous, adultes et enfants. Ensuite, il faut que l’Église puisse rappeler le sens du sacerdoce : donner sa vie pour amour pour le Christ et pour ses frères. C’est un chemin de bonheur, non pas une frustration ou une mutilation. Il est important aujourd’hui qu’on puisse entendre le témoignage de prêtres, en particulier jeunes, qui ont engagé leur vie dans cette voie, et qui ne le vivent pas d’abord comme une sorte de sacrifice surhumain mais bien comme un don d’eux-mêmes au service de l’Église et des autres, dans lequel ils trouvent leur épanouissement et leur chemin de bonheur. C’est évidemment possible ! Sinon, nous condamnerions aussi au malheur l’ensemble des personnes célibataires ou seules, qui, elles, ne l’ont pas forcément choisi.

Sur le même thème