Les manuscrits de Qumrân et la transmission de la Parole

Marie Noëlle Thabut

« Qumrân. Le secret des manuscrits de la mer Morte » est une exposition de la Bibliothèque nationale de France, à Paris, jusqu’au 11 juillet 2010. Décryptage de Marie-Noëlle Thabut, bibliste.

Que nous révèlent les 200 manuscrits bibliques du site de Qumrân ?

Ces manuscrits nous apprennent beaucoup sur le Judaïsme de cette époque, sur son attente messianique, sur les Esséniens qui étaient une des composantes importantes de la spiritualité juive. Nous y apprenons aussi beaucoup sur le contexte dans lequel le Christianisme est apparu. Par contre, je suis prête à défendre mordicus la thèse selon laquelle Jean-Baptiste n’a rien à voir avec les Esséniens et Jésus non plus.
 

« Les divergences entre les textes de Qumrân et le texte qui sera fixé par les Massorètes * sont souvent minimes » dit le catalogue…

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C’est très impressionnant, cette fidélité dans la transmission. Avant cette découverte, les textes de la Bible les plus anciens que l’on connaissait étaient le Codex du Caire daté de 895, incomplet ; le Codex d’Alep daté de 910 à 930, incomplet, et le Codex de Leningrad, daté de 1008. Les textes de Qumrân comblent donc plus de mille ans d’un coup or les différences sont minimes. Cela révèle sur plus de mille ans une fidélité étonnante dans la copie des textes. Cela prouve la révérence des Juifs pour la Parole de Dieu ! Les copistes juifs avaient des méthodes de comptage des lettres et des mots. A la fin de chaque livre, ils comparaient le nombre de lettres et de mots entre l’original et la copie, afin de vérifier qu’ils ne s’étaient pas trompés. Si on est resté sans Bibles intermédiaires durant des siècles, c’est que l’on n’avait pas le droit de conserver une Bible fatiguée ni de la jeter, donc on la brûlait ou on l’enterrait ! Quand on installait une nouvelle Bible dans la synagogue, on entamait aussitôt l’écriture de la suivante. Quand nous voyons le manque de respect que nous avons parfois, nous Chrétiens, pour le texte biblique et la manière dont nous le traduisons de manière un peu accommodante !
 

Que nous apprennent ces rouleaux sur la spiritualité juive à cette époque ?

Nous apprenons par exemple l’importance de la figure de Melchisedech à Qumrân. C’était une figure du Messie. A Qumrân, étaient attendues deux figures du Messie : un roi et un prêtre. C’est pourquoi il est intéressant de voir Paul l’évoquer dans la Lettre aux Hébreux. En revanche, les textes de la secte de Qumrân sont irrespirables de dureté et d’orgueil. Nous sommes très loin de Jésus et de Jean-Baptiste. C’est vraiment : « nous sommes les bons, les fils de la lumière, les autres sont les fils des ténèbres ». C’est extrêmement sévère et orgueilleux alors que le Dieu d’Amour est juif d’abord, avant d’être chrétien. Vous percevez un bel idéal mais très orgueilleux.

* Massorètes : Dès le VIIème siècle ap. JC, , à Tébériade, ces savants grammairiens ont fixé définitivement l’orthographe, la grammaire, la prononciation et le découpage en paragraphe du texte biblique.
 

Exposition « Qumrân, le secret des manuscrits de la mer Morte »

Jusqu’au 11 juillet 2010, la Bibliothèque nationale de France propose aux visiteurs de découvrir des fragments de manuscrits vieux de plus de 2000 ans, découverts à partir de 1947 dans 11 grottes situées au bord de la mer Morte. L’exposition présente plusieurs hypothèses sur « les gens des rouleaux » qui ont rassemblé ces manuscrits. Elle fait le point sur un demi-siècle de recherches concernant ces 900 rouleaux, dont 200 sont des manuscrits bibliques, rédigés entre le IIème siècle av. J.C. et le milieu du 1er siècle ap. J.C.

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