Tout le monde en parle, mais au moins, cette fois-ci, ce n’est pas une raison d’éviter le sujet. Tout le monde en parle dans les conversations, et dans les médias, et pas seulement les médias cathos. Oui, tout le monde parle du film à peine sorti de Xavier Beauvois, « Des hommes et des dieux ».

Vraiment ne l’évitez pas, allez-y même, si vous n’allez pas voir d’habitude ce qu’on vous recommande avec insistance !

Je laisse de côté le sujet lui-même et le récit, vous connaissez déjà tout cela : la prise en otage et l’assassinat de 7 moines, en Algérie, entre le 26 mars et le 21 mai 1996, l’affaire pour une part reste obscure, on le sait.

Ce qui n’est pas obscur, c’est le propos du film : des hommes ont choisi la vie, et la meilleure part, et manifestement elle ne leur sera pas enlevée. Explication de comportement : ces hommes ne choisissent pas un camp de violence contre un autre camp de violence. Ils marchent sur un fil, mais ils apprennent la confiance au milieu des ténèbres et du non-sens. Cela peut interroger nos contemporains et nous-mêmes qui vivons sous le régime du stress, de la volonté de maîtriser les événements qui doivent arriver.

Une scène me paraît très emblématique de ce conflit intérieur : c’est la deuxième rencontre des moines avec le préfet, dans son bureau. Celui-ci est affolé, nerveux en raison de la violence qui détruit et apeure une population qui est littéralement prise en otage, sans pouvoir quitter ce pays ; et complètement hors de lui-même, il ne comprend pas le choix des moines de rester sous ce déluge de feu et de sang : c’est comme si leur maintien ici allait augmenter la violence. Je rappelle que cette guerre civile a fait plus de 150 000 morts. Mais eux ils sont là, devant lui, parfaitement calmes et devenus clairs avec leur choix. C’était déjà fou de devenir moine, ça ne l’est pas plus de rester ici, et de contribuer par la fidélité à ce choix à l’apaisement qu’on espère.

Quel est donc le secret de ces hommes ? Il est vraiment très difficile de montrer, au cinéma, au théâtre, le chemin de la vie spirituelle, et la profondeur où s’enracinent les choix de vie. Il me semble que dans ce film c’est très réussi. Dans le contexte dramatique de ces événements, on voit surtout se dérouler la vie ordinaire, le quotidien de la vie fraternelle, des services rendus alentour, et de la vie de prière qui le rythme.

C’est là que mûrissent les choix, et la fidélité à Celui qui les rend possibles, le Christ présent si discrètement mais si sûrement.

Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Lille
sur RCF radio T.O, le 11 septembre 2010