Le Secours catholique veut plus de dialogue avec l’Etat

Président du Secours catholique, François Soulage a reçu pour mission d’être porte-parole pour la société civile de l’Année européenne de lutte contre la pauvreté. Pour favoriser le dialogue avec les pouvoirs publics, il a adopté la tactique de la « coalition ». Etat des lieux.
 

Quels enseignements retenez-vous de l’Année européenne de lutte contre la pauvreté ?

De mon point de vue, deux choses ont bougé. La première est l’idée que nos processus de lutte contre la pauvreté ne sont pas assez personnalisés et qu’ils buttent tous sur des durées limitées. Marc-Philippe Daubresse, Ministre de la jeunesse et des Solidarités actives, l’a d’ailleurs reprise en conclusion d’une récente conférence à laquelle participait les principales associations. Le deuxième point est que ce n’est plus tellement des politiques nationales qu’il faut mettre en œuvre, mais des politiques de « territoires », qui s’appuient sur les moyens financiers des pouvoirs publics mais qui mettent ensemble sur un territoire donné des acteurs différents pour une approche globale. Un « territoire » peut correspondre à une ville, un bassin d’emplois dans certaines régions, une communauté de communes… Les territoires peuvent être très différents : ruraux ou urbains, industriels avec ou sans potentiel. Par exemple : une communauté d’agglomérations, en lien avec les partenaires – la région, le département – prend les moyens pour qu’il y ait sur son territoire une politique d’insertion correspondant aux besoins repérés sur ce territoire. Sur ce territoire déterminé, on peut avoir un « chef de file ». Sans ces deux données, tout le monde fait tout.
 

Comment lutter contre la pauvreté en France ?

L’augmentation des minima sociaux pour permettre aux personnes en situation de grande pauvreté de pouvoir disposer d’un petit peu plus de souplesse dans leur budget a été écartée par M. Daubresse, au profit de mesures plus ponctuelles et plus ciblées telles que la garde d’enfants, les moyens de transport pour mieux accéder à l’emploi. Ceux qui en sont le plus éloignés ne sont pas dans cette logique. La grande pauvreté reste donc notre souci. Le risque aujourd’hui est que l’Etat baisse les bras et dise aux associations : « C’est à vous de jouer ». Sauf que nous ne disposons absolument pas des mêmes moyens financiers ! Ce qu’on peut espérer comme évolution positive serait que l’Etat dise : « J’ai de l’argent mais je ne sais pas faire ». La crainte, c’est qu’il demande plutôt : « Je n’ai pas d’argent, faites ».
 

Quelle est votre stratégie pour faire valoir vos idées et vos savoir-faire ?

J’ai pris exemple sur les Etats-Unis. Nous essayons de ne pas rester seuls et de faire des coalitions. Sur des faits précis, comme les minima sociaux, nous essayons de mettre avec nous des associations vivent avec les mêmes populations que nous – la Fondation Abbé-Pierre, ATD-Quart Monde, Emmaüs ou la Croix Rouge -pour qu’ensemble, nous ayons une revendication à partir de nos pratiques. Autre exemple avec l’hébergement : 42 associations sont rassemblées au sein du « Collectif uni des associations pour le logement ». L’Etat est obligé d’en tenir compte.
 

L’action du Secours catholique fait l’actualité : Roms, immigration, Haïti…

Nous avons une action à double entrée. La première est que nous essayons de résoudre avec nos moyens des situations telles qu’on les vit. Qu’il s’agisse des Roms ou des sans-papiers, nous sommes dans la règle de l’accueil inconditionnel. Dans un deuxième temps, nous plaidons en faveur d’un dialogue politique avec les pouvoirs publics, pour qu’à partir des constats, nous dégagions ensemble des solutions. Sur l’immigration, la question porte aujourd’hui sur la part d’étrangers que nous devons prendre dans l’Union Européenne. A condition que la discussion ait lieu au niveau de l’Union Européenne, sur ce qu’on peut raisonnablement accepter comme politique, après un débat humaniste. C’est que j’appelle « Dégager la juste part », en référence à une déclaration célèbre de Michel Rocard : « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais on doit prendre notre juste part ». Ce débat n’a pas eu lieu, or il est nécessaire. C’est la même chose pour les Roms et les Gens du voyage. En ce qui concerne Haïti, nous intensifions nos actions en dehors de Port-au-Prince. Nous faisons le constat – et probablement la perspective – que l’argent va arriver sur Port-au-Prince et qu’une fois de plus, les provinces vont être complètement oubliées. Or énormément de gens sont arrivés de la capitale, notamment des familles. Là, il faut absolument que nous lancions l’ouverture d’écoles, de centres communautaires, la reprise de la production agricole pour que ces familles puissent vivre là et ne pas retourner à Port-au-Prince.
 

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Le service du frère, un enjeu pour nos communautés chrétiennes

François Soulage salue la générosité des bénévoles et des donateurs de l’association. « J’ai vraiment le sentiment d’une maison qui n’hésite pas à bouger » souligne-t-il. Grâce aux orientations prises en 2006, la dimension spirituelle commence à tenir une place « vraiment importante », d’autant plus que l’engagement au Secours catholique est pour certains membres « leur seule pratique d’Eglise ». Grand projet à venir, « Diaconia 2013 » veut interpeller les chrétiens sur « le service du frère, lieu source de la foi » et enjeu pour l’Eglise.

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