Immersion totale chez les migrants avec Justice et Paix

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Du 2 au 9 mai 2011, douze personnes venues de toute l’Europe ont participé à un programme d’immersion et de dialogue sur le thème : « Interculturel et interreligieux : chances et défis pour la cohésion sociale ». Une proposition de la Conférence européenne des commissions Justice et Paix, en partenariat avec les diocèses de Saint-Denis et d’Evry-Corbeil-Essonnes.
Les objectifs de la session étaient de recueillir la parole des migrants et de partir de leur expérience. Pendant 3 jours, Dalia Puidokiene (Justice et Paix Lituanie), Dr. Barbara Krause (Vice-Présidente Justice et Paix Allemagne) et Sigrid Schraml (Comité central des catholiques allemands, Allemagne) ont ainsi été accueillies dans des familles issues de la migration. Des visites avec des acteurs de terrain ont complété leur compréhension des réalités appréhendées.

A partir de leurs observations, les participants – venus aussi d’Ukraine, d’Italie, de Suède, de Croatie ou d’Albanie – ont ensuite défini des problématiques, dans l’optique d’actions de plaidoyer.

En regardant des enfants jouer à Grigny, Barbara a réalisé que les groupes ethniques ne se mélangeaient pas et qu’il n’y avait pas d’enfants français parmi eux. « Comment l’intégration est-elle possible si tous les migrants se retrouvent ensemble et qu’il n’y a pas de Français ? » s’interroge-t-elle. Invitée à une réunion paroissiale à Livry-Gargan, Sigrid a entendu l’histoire d’un groupe de jeunes qui s’est rendu à Taizé. Minoritaires, les « Gaulois » s’étaient sentis exclus. Mais arrivés dans la communauté des frères, c’est tout le groupe qui a éprouvé un sentiment de rejet. « Ils portaient l’étiquette du 93 » explique la  participante à propos de l’a priori négatif dont sont victimes les jeunes de banlieue. « Comment arrive-t-on à supprimer ces préjugés pour donner vraiment une chance à ces personnes ? » demande-t-elle. Dalia, elle, a été marquée par la visite d’un camp de Roms à Antony. Elle décrit la pauvreté et la saleté. Alors que le camp est installé à la frontière de trois municipalités, aucune ne prend en charge la collecte des ordures…
 

Des enseignements pour toute l’Europe

« Il faut que le logement des immigrés permette leur intégration » insiste Barbara en pensant à la situation de Berlin. Pour Sigrid, ce qui est commun aux pays européens, c’est l’attitude des services d’aide aux migrants : un accueil inconditionnel de la personne. « Comment sensibiliser la population d’accueil pour que les partis populistes, d’extrême droite, n’aient pas le succès qu’ils ont déjà connu dans plusieurs pays ? » s’inquiète-t-elle. Tout en condamnant le racisme, elle ajoute la nécessité de prendre au sérieux les craintes de la population qui accueille. Quant à Dalia, qui traite plutôt des questions de prostitution, elle fait le lien avec les flux migratoires. « La Lituanie est un pays de départ et de transit. C’était très utile pour moi de voir les difficultés auxquelles sont confrontées les migrants. Nous devons informer plus largement sur les réalités concrètes de l’immigration » conclut-elle.

Pourquoi l’Eglise catholique s’intéresse-t-elle aux migrants ? C’est « la dignité de l’homme » et « l’universalité de l’Eglise » qui sont en jeu rapellent les premières. « Exode 22, 20 : « Tu ne maltraiteras point l’immigré qui réside chez toi, tu ne l’opprimeras point, car vous étiez vous-mêmes des immigrés en Égypte » répond la dernière.
 

Mgr Defois : « Travailler à la rencontre des hommes et des femmes de ce temps »

Plus qu’une session académique, ce rendez-vous a été construit de façon à ce qu’il soit « un contact les uns avec les autres ». Les participants ont pu prendre conscience du mode d’urbanisation français et des problèmes des banlieues en rencontrant différents acteurs. « Les politiques pensent avec des chiffres, nous, nous pensons avec des visages » analyse Mgr Gérard Defois, archevêque émérite de Lille. « Comment des hommes et des femmes parachutés dans notre société de consommation peuvent-ils communiquer ? Comment pouvons-nous avoir envers eux, non pas une attitude paternaliste ou d’assistance, mais une attitude de fraternité humaine ? J’entendais le pape Benoît XVI dire à Venise qu’il ne fallait pas entretenir la peur de l’autre. Je crois qu’il y a beaucoup de peurs : celles des Français face aux étrangers et celle des étrangers de ne pas être reconnus chez nous ». Mgr Defois en appelle à un « changement de mentalité », à « une conversion ». « C’est un défi à relever pour l’Eglise catholique de l’avenir d’accepter de construire le monde sur l’apport de la différence et non pas uniquement en imposant notre culture comme si elle était la seule valeur au monde ». Et de citer la Première Lettre de Saint Pierre : Dieu « ne fait pas de différence entre les hommes » (1 P 1,17).

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