« Nous avons sorti la solitude de sa solitude »

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« Pas de solitude dans une France fraternelle » a pris fin le 31 décembre 2011. Cette opération portée par un collectif d’associations s’est attachée à sensibiliser le grand public à cet enjeu de société. Bruno Dardelet, président de la Société de Saint-Vincent-de-Paul à l’initiative de la campagne, revient sur cette année au service de la fraternité.
 
Quelles impressions dominent après cette année ?

Pour reprendre une expression, nous avons « sorti la solitude de sa solitude » ! C’est un sujet dont on ne parlait pas, car méconnu et très divers. Un phénomène de culpabilité accompagne aussi celui de la solitude. « Pourquoi je suis seul ? Mon compagnon m’a abandonné, mes voisins sont des ronchons, mes enfants ne viennent plus me voir… » On ne se sent pas toujours très bien vis-à-vis de la solitude : « ce n’est pas ma faute, mais ça l’est car les gens ne viennent plus me voir. » Cette culpabilité fait que ceux qui la vivent sont mal à l’aise comme ceux qui y sont confrontés.

La campagne a-t-elle « fait le bruit » que vous espériez ?

Oui et non. Bien sûr, on aurait aimé qu’il y ait plus de retours, mais on s’aperçoit que l’on a fait du bruit. Nous avons eu des articles, des centaines d’opérations… Nous avions programmé douze temps dans douze villes, et d’autres choses se sont organisées sans avoir été programmées. Nous avons donné l’impulsion pour d’autres initiatives. Elles sont le signe concret de la réussite de la campagne, et ce mouvement se poursuit. L’une des réussites de l’opération est d’avoir pu faire travailler ensemble des organismes et des associations qui n’en avaient pas l’habitude et qui ont découvert qu’elles avaient des choses à réaliser ensemble.
A la fin de l’année, nous avons réalisé un sondage sur les personnes seules pour les fêtes dans le cadre de l’Observatoire que l’on vient de créer. J’ai été époustouflé par la répercussion de cette information. Cela a « buzzé » au-delà de ce qu’on pouvait espérer. Aujourd’hui, il y a un écho.

La campagne a-t-elle permis de toucher un public différent ?

Je crois que nous avons fait découvrir quelque chose au public. Nous n’avons pas transformé la société en un an, mais nous y avons participé. Nous souhaitions que les Français comprennent que la fraternité n’est pas seulement une vertu de la République inscrite aux frontons de nos bâtiments mais un programme. On nous parle de vivre-ensemble, évoquons d’abord la fraternité, vrai moyen du vivre-ensemble. L’important est de permettre aux personnes seules de découvrir qu’elles ne sont pas seules dans ce cas. L’exigence ou le soutien à avoir pour les personnes seules, qui s’en plaignent, en souffrent, est de les guider vers des lieux, des personnes, des associations qui prennent le temps de s’en occuper. C’est notre mission.

Quelle est la suite de cette campagne ?

Nous venons de lancer l’Observatoire de la solitude. C’est une grande aventure qui repose sur un accord passé entre la Société de Saint-Vincent-de-Paul, l’Institut catholique de Paris. Ce dernier va constituer des lieux de recherche et de travail avec des étudiants, des chercheurs, un comité scientifique, des associations. Le troisième acteur sera un organisme de sondage (Mediaprism). Notre objectif est de publier chaque année un rapport sur la solitude en France. Aujourd’hui, il semble que les études dont l’on dispose soient l’accumulation d’un certain nombre de chiffres, la suite de sondage permanent sur la démographie française, des statistiques de la Cnav. Il n’y a pas d’analyse venant du terrain. L’intérêt de l’opération est de disposer d’associations qui feront remonter leur vécu selon le sujet abordé et d’un organisme de sondage qui pourra consulter un grand nombre de contacts. L’étude par les chercheurs des chiffres et des remontées des associations permettra de faire un point sur l’avancée de la solitude.

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