2013 : un monde tortionnaire

Le 23 janvier 2013, l’ONG française ACAT, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, publie son troisième rapport. L’ACAT enracine son combat dans sa foi, en référence à l’Evangile, et dans la déclaration universelle des droits de l’Homme. Chaque année, plus de 200 personnes voient la fin de leur calvaire grâce à son action.

 

« Notre but est l’éducation aux droits de l’Homme et la prise de conscience de l’opinion publique sur la torture. Sortir d’une situation d’indifférence vers une indignation », explique François Walter, président de l’ACAT.

Cette étude est en deux parties : l’une est une description de la pratique tortionnaire dans 19 pays de 4 continents dont 3 en Europe, la Biélorussie, l’Italie et la Slovaquie ; l’autre est une analyse du phénomène de la torture. 45 autres pays ont été examinés dans deux tomes précédents en 2010 et 2011.

« Une pratique endémique et tenace dans un pays sur deux »

Anne-Cécile Antoni, membre de la commission nationale consultative des droits de l’homme, insiste sur le fait que « le nombre de régimes de torture reste stable bien qu’il y ait une lente progression des engagements internationaux. Pour une centaine d’Etats, ce sont des agissements ordinaires et systématiques. » Il est donc nécessaire de « dévoiler le visage et la réalité de la torture ».

Françoise Sironi (photo), psychothérapeute et experte auprès de la Cour pénale internationale, s’engage dans le soin des victimes et des bourreaux dont les séquelles sont inévitables. « C’est l’articulation entre l’histoire singulière et l’histoire collective qui créent les bourreaux », nous informe-t-elle, « les mensonges politiques dans le recrutement sont une instrumentalisation du besoin d’appartenance et de la perte de repère identitaire des personnes, par un processus de déshumanisation individuelle. Réhumaniser les tortionnaires est une nécessité de prévention. ».

Serge Slama, maître de conférences en droit public, alerte sur le fait que les démocraties ne sont pas exempts de ces pratiques : « Le droit d’asile en Europe est un paradoxe : elle est très protectrice mais concrètement a d’énormes carences dans ses textes et sa politique. La « torture par ricochet », renvoi d’une personne exposée dans son pays à des menaces contre sa vie ou sa personne, l’état de la détention et le faible taux de reconnaissance des demandeurs d’asile, » sont des points de vigilance de l’ACAT.

Un regard œcuménique

La Commission Théologie de l’ACAT rappelle à la fin du rapport que « la foi chrétienne confirme la dignité humaine et l’élève » et que « la torture revient à nier l’humanité profonde. » Avant de rappeler l’importance de l’Eucharistie pour l’unité et l’amour de l’autre, la commission souligne sa position par trois refus : « non à toute situation d’injustice et de violence, non à la parole inhumaine, non à la prise de pouvoir sur l’autre ». Elle affirme que « chaque personne humaine est irremplaçable en ce qu’elle correspond à un appel unique de Dieu à exister […] créé comme un être dynamique, l’homme est appelé à s’accomplir dans la ressemblance à Dieu, dont l’amour est sans condition ». Cette analyse chrétienne nous interpelle : « En Jésus, Dieu est devenu l’un des nôtres et nous invite à la miséricorde et au pardon, allant jusqu’à demander l’amour des ennemis ».
 

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De la fiction à la réalité

Jean-Etienne de Linares, délégué général de lʼACAT, alerte l’opinion publique sur le film Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow. Selon lui, ce film n’amène pas à une prise de recul. La torture est montrée comme une pratique banale pour combattre le terrorisme. Les victimes apparaissent comme co-responsables et la vengeance prime sur la dignité humaine. »
 

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