A Bangui, la population meurt en silence

Ancienne ministre du commerce en République Centrafricaine (RCA), Mme Béatrice Epaye était en France, début mai 2013, pour alerter sur la situation de son pays. Son association « La Voix du Coeur » vient en aide aux enfants de la rue à Bangui. Témoignage.
 
« Je suis venue pour être la voix de ceux qui ne peuvent pas parler, a dit Mme Béatrice Epaye en se présentant. J’ai accepté d’entrer dans le Conseil national de transition car je peux encore parler pour les autres et faire avancer le pays. Nous avons perdu espoir…Nous avons besoin d’aide face à la souffrance en Centrafrique ».

L’ancienne ministre du commerce en République Centrafricaine (RCA) dirige la fondation « La Voix du Coeur » qui a pour vocation l’accueil et la réinsertion des enfants de la rue. «Pour se défendre et se protéger de la violence, les enfants ont créé une société parallèle à celle des adultes », explique Mme Epaye qui, depuis 1994, veille à la santé, l’éducation et à la protection des enfants de 4 à 18 ans.

« Les gens vivent d’auto-subsistance. Déjà en temps de paix, ils ne mangent pas à leur faim. J’ai vu l’archevêque lui-même apporter de la nourriture aux enfants avec la fondation. Deux cents enfants dorment dans un dortoir prévu pour soixante places : nous devons les prendre en charge », décrit -elle. Près de trois mille enfants ont ainsi été accueillis durant l’année 2009.

L’aide humanitaire apportée en RCA sera être effective quand la sécurité sera rétablie, dans le pays et aux frontières. « En attendant, les gens meurent en silence », s’indigne Mme Epaye.
 

La capitale pillée en deux jours

Début décembre 2012, la pauvreté du pays et l’instabilité du gouvernement ont amené les rebelles Séléka à prendre les armes. Le 24 mars 2013, Bangui a été prise par la coalition Séléka : le président François Bozizé en fuite, le régime a changé.

Mme Epaye raconte le pillage de la plus grande ville de la République centrafricaine en deux jours, l’intervention de l’armée française puis de l’armée tchadienne. « Les combattants ne respectent plus leur chef. Nous avons vu une rébellion avec plusieurs têtes. Ils se sont déployés dans toutes les régions. Chaque rebelle qui arrive dans une ville vient pour recruter, pour être plus fort que les autres » explique-t-elle.

Viols, enrôlement d’enfants soldats, manque de moyens hospitaliers et alimentaires sont le lot du peuple centrafricain. Depuis le début de la rébellion, « certains sont perdus dans la brousse, sans connaissance agricole, sans eau potable », ajoute Mme Epaye.

Dans ce chaos, l’Eglise n’est pas épargnée : pillages et saccages, agressions physiques sur le clergé et les religieux(ses), entrave à la liberté de culte. « Les rebelles n’ont ni le respect du sacré, ni de l’être humain. Ils peuvent tuer pour rien, entrer dans les maisons, prendre tous les biens… » déplore Mme Epaye.

Le 23 avril 2013, la Conférence épiscopale Centrafricaine a interpellé les autorités sur l’importance de poser des actes concrets face à la violence.

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