Bâtisseurs de ponts de paix au Rwanda
J’y suis retournée en 1992 pour une session avec des personnes des deux ethnies, mais désireuses de paix. Là encore, il s’agissait de créer les conditions pour que ces gens se découvrent entre eux, avec leurs forces vitales humaines, avec leur amour en actes. J’ignorais que le génocide allait éclater et frapper plusieurs des personnes présentes à la session. Je ne faisais pas une analyse de la société rwandaise. Je ne cherchais pas à situer l’Église au Rwanda. Je voyais l’urgence que les personnes se regardent comme des personnes, au-delà de leurs ethnies et des autres différences. C’était le chemin de la paix.
En 1994, au début du génocide, j’ai voulu rejoindre nos anciens étudiants qui étaient au Rwanda. Leur signifier notre soutien au cœur de ce drame. Je n’ai pu avoir qu’un contact téléphonique mais il m’a permis de découvrir comment réconforter les personnes qui vivent des expériences traumatiques. Il y a le drame, mais aussi la personne qui y fait face. Si elle est ouverte, elle tentera de protéger la vie, de sauver la vie. Au moment où l’on met en lumière cette participation active et engagée de la personne au cœur du drame, elle se relève.
Ibakwe, au secours de la paix
Dès 1995, j’ai fait appel aux supérieures majeures pour que des sœurs rwandaises approfondissent leur formation dans notre Institut et deviennent des « Bâtisseurs de ponts de paix ». Plusieurs rwandaises et quelques prêtres se sont formés. Mais les femmes avaient un rôle particulier à jouer dans la reconstruction de leur peuple et de chacun. Une expérience de profonde maternité psychique les attendait. Des religieuses engagées allaient se former et repartir vers leur pays meurtri. Un groupe est né de ce cheminement. Il se nomme Ibakwe. Depuis 2001, il forme des « secouristes de paix », des « bâtisseurs de ponts pour la paix ». Ce choix est devenu une source d’espérance. Les faits parlent. Des murs tombent. Des ponts se construisent. Des familles de paix naissent et témoignent.
Le drame du Rwanda a révélé des contre-forces cachées et alimentées collectivement. Mais il a aussi mis en lumière l’amour en actes de centaines de personnes rwandaises. »