« Peut-on encore attendre quelque chose de la politique ? » par Mgr Wintzer
Réflexion de Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers, ancien Président de l’Observatoire Foi et Culture (OFC), à l’approche du colloque 2016 intitulé « Dignité du politique et christianisme » et qui aura lieu le 3 décembre 2016 à Paris.
L’archevêque que je suis doit résister à joindre ses plaintes à celles qui dénoncent la médiocrité des politiques ou bien à se faire l’écho de ces petites phrases qui, si nombreuses, parviennent à remplir les 672 pages d’un livre à succès.
Presque de manière désespérée, prenant la forme d’une prière dont l’on se demande si elle sera non pas exaucée, mais simplement entendue, le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France plaidait, le 14 octobre dernier, pour que l’on retrouve le sens du politique. En contrepoint à ce livre, l’Observatoire Foi et Culture de la Conférence des évêques de France organise son 7ème colloque autour de la question politique. Cette rencontre de 2016 prend la suite de celle organisée le 28 novembre 2015. Elle avait pour intitulé : « Le désenchantement du politique est-il irréversible ? » et les actes en sont publiés (aux Editions Parole et Silence). Je redoute qu’un an après, les causes du désenchantement demeurent fortes et ne soient même accentuées.
Les évêques, avec maints catholiques et avec beaucoup de nos concitoyens, ne peuvent ni s’en réjouir, ni en prendre leur parti. C’est alors au motif de la foi qu’ils professent et qu’ils servent que les membres de l’Observatoire Foi et Culture, avec l’Académie catholique de France, choisissent de donner la parole à des hommes et des femmes, historiens, intellectuels, journalistes, théologiens, évêques aussi, qui ont le projet d’affirmer, non seulement la dignité du politique, mais aussi la vocation que la foi chrétienne lui désigne. La volonté du colloque est de désigner quelques lieux d’un possible renouvellement du politique.
Les intervenants, personnes qui partagent ou non la foi chrétienne, sont Jean-Luc Marion, de l’Académie française, Marie-Annick Duchêne, Isabelle de Gaulmyn, François d’Aubert, Jean Birnbaum, le P. Philippe Capelle-Dumont, Guy Coq, Jean-Dominique Durand, Pierre Manent, Jean-François Mattei, Florian Michel, Dominique Potier, Eric Roussel, Jean-Louis Schlegel, Henri Tincq, NN.SS. Hubert Herbreteau, Eric de Moulins-Beaufort et Pascal Wintzer. Les débats seront modérés par le P. Matthieu Rougé et M. Jean Duchesne.
Parmi ce qui manque à notre pays, et sans doute à d’autres en Occident ou ailleurs, c’est avant tout une énergie, un sens. Certains jeunes le trouvent dans des projets internationaux, professionnels ou associatifs, d’autres, hélas, dans une radicalisation de pratiques religieuses, pouvant aller jusqu’à la violence. Si les politiques ne semblent préoccupés que d’occuper une place, d’assurer leur réélection, de profiter d’avantages divers, ils semblent bien incapables de formuler un projet vraiment fédérateur.
Cependant, est-ce leur rôle ? Tout attendre du politique, en particulier qu’il désigne un sens ultime à l’existence, c’est lui faire porter une responsabilité qui, s’il l’assumait, conduirait à confondre, pour faire bref, le religieux et le politique. On comprend alors qu’il y a une laïcité qui serait périlleuse pour tous : interdire aux religions, comme aux philosophies et aux sagesses de prendre leur part à la vie de la cité, de s’exprimer dans l’espace public, conduirait à priver la société du concert des projets, ou bien réserver au politique d’en être le seul porteur, ce qu’il ne peut ni ne doit.
Pourtant, cette question, dont on mesure l’urgence, se retrouve à chaque époque, même si c’est de manière différente. Balzac rappelle ainsi que des attentes exprimées aujourd’hui l’étaient déjà dans la première partie du XIXe siècle. « Les nations, de même que les individus, ne doivent leur énergie qu’à de grands sentiments. Les sentiments d’un peuple sont ses croyances. Au lieu d’avoir des croyances, nous avons des intérêts. Si chacun ne pense qu’à soi et n’a de foi qu’en lui-même, comment voulez-vous rencontrer beaucoup de courage civil, quand la condition de cette vertu consiste dans le renoncement à soi-même ? » (Ebook, p. 54).
C’est la vertu, ou si l’on veut le courage qui sont attendus. De la part du politique qui doit aller jusqu’au bout de sa responsabilité, mais aussi des religions qui doivent, dans une attitude de conversation mais aussi de conviction, dire ce qui les fait vivre et les richesses qui portent les croyants, si tant est que leur foi ne soit pas que nominale.
Mgr Pascal Wintzer
Archevêque de Poitiers
« Dignité du politique et christianisme »
Samedi 3 décembre 2016, de 9h30 à 17h
Maison de la Conférence des évêques de France (58, avenue de Breteuil Paris 7e)