La solidarité de proximité, tremplin pour la solidarité internationale

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Fin janvier 2013, « Justice et Paix » a tenu sa rencontre annuelle avec les Instituts Religieux. Consacrée à la « Présence religieuse en banlieue : de la solidarité de proximité à la solidarité internationale», cette journée de travail a rassemblé plus d’une centaine de participants à Paris. Elena Lasida, chargée de mission pour ce service de l’Eglise catholique, revient sur les enjeux de la rencontre.
 
Pourquoi avoir retenu cette thématique qui lie présence religieuse en banlieue et solidarité internationale ?

Le groupe « Nouvelles solidarités Nord-Sud » de « Justice et Paix France », que je coordonne, aborde depuis longtemps des dossiers en lien avec les congrégations religieuses (autonomie financière des communautés du sud, relations interculturelles dans les congrégations religieuses, lien entre congrégations et associations, etc.). Cette année, il a souhaité profiter de cette journée annuelle pour démarrer une nouvelle réflexion. Beaucoup de congrégations ont une expérience importante de vie dans les milieux populaires ; nous voulions savoir si cette présence en banlieue, où il y a en général une population multiculturelle, et cette solidarité de proximité peuvent être une manière de penser la solidarité internationale. Celle-ci est pensée sous la forme de projets de développement, de bailleur de fonds, de financement de projets. Or, il y a une autre manière de penser la solidarité sur place via les habitants des banlieues installées en France qui tissent souvent des liens avec les populations de leur pays d’origine et avec lesquels nous nouons des relations particulières.

Cet angle d’approche est plutôt inédit.

Jusqu’à présent, on abordait la question à partir du lien Nord-Sud. Cet angle est nouveau car il part de la proximité de ce qui se vit ici pour penser le lien avec ce qui est loin. Après avoir entendu plusieurs témoignages qui vont dans ce sens, on s’est dit qu’il y avait quelque chose à creuser.

Quels échos importants sont remontés de la rencontre organisée fin janvier ?

On a beaucoup parlé d’une manière différente de faire Eglise, de vivre l’universalité de l’Eglise. Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre et président du Conseil Famille et Société, a évoqué la différence entre Eglise instituée et Eglise instituante. Cette dernière ne fait pas de catéchèse, mais elle partage la vie des gens au quotidien. On a cherché à identifier et caractériser cette autre forme d’être Eglise et le lien entre cette Eglise plus à la marge -« celle de la rue plus que celle des bâtiments »- et l’Eglise plus institutionnelle.

Une autre réflexion a porté sur la relecture de ces expériences. Les témoignages entendus révèlent que des choses très fortes se vivent. Parfois, on ne se donne pas le temps ou les moyens d’une relecture pour faire ressortir ce qui se vit de nouveau dans ces lieux.
Autre idée apparue : se penser en réciprocité avec ces populations. Souvent, la relation avec la population immigrée ou du Sud repose sur le donner. Etre solidaire avec elles, c’est les aider et leur offrir ce qui leur manque. Or, les personnes qui vivent ces expériences dans les banlieues disent : « Ils nous apprennent beaucoup, nous révèlent des choses sur notre foi, sur le fait de croire, la manière de prier. Il se dit des choses qui interrogent notre foi chrétienne. » Comment peut-on alors affirmer plus encore cette réciprocité dans des lieux où l’on pense plutôt aider que vivre quelque chose en commun ?

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Quatre témoins d’une présence religieuse en banlieue

Soeur Martine, petite soeur de Jésus, a témoigné d’une solidarité qui prend forme dans la rencontre des familles de religion musulmane, dans une cité à La Courneuve. C’est à travers la reconnaissance réciproque de la foi de chacun et de son envie de vivre, que la différence devient lieu de dialogue.

Soeur Marie-Thérèse, petite soeur de l’ouvrier, vivant en communauté à Echirolles, a fait part également d’une solidarité qui prend forme à travers la simple présence dans ces lieux considérés à la marge de la société et à travers la participation dans les différentes activités du quartier.

Le Père Christian, jésuite, vivant en communauté à Seine-Saint-Denis, a évoqué le projet du CISED (photo) où se vite accompagnement et soutien aux étudiants étrangers pour les aider dans la réalisation de leurs travaux universitaires. Il a parlé du besoin de travailler sur la mémoire, une mémoire blessée par la colonisation.

Frère Bernard, frère des Ecoles Chrétiennes, ayant vécu 10 ans dans une cité HLM de La Grand Combe après 25 ans en Afrique (villes de Djibouti et Ndjaména au Tchad), et actuellement à la cité des Doucettes de Garges- lès-Gonesse, a souligné la créativité qui jaillit quand on ose faire confiance à l’autre, et notamment à cet autre dont habituellement on se méfie.

« Dans tous les cas, c’est la rencontre de celui qui est proche mais qui vient de loin, qui crée une possibilité de relation nouvelle entre Nord et Sud », analyse Elena Lasida.
 

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