Messe de prise de possession du titre de Sainte-Marie aux Monts

Sainte-Marie aux Monts

Messe de prise de possession du titre de Sainte-Marie aux Monts le dimanche 23 avril 2023 par Mgr Jean-Marc Aveline, cardinal-archevêque de Marseille.

Très chers frères et sœurs,

          Jésus, mort et ressuscité pour nous, a choisi de cheminer avec nous. A ces deux disciples fatigues, déçus et désespérés, le Seigneur donne la lumière de sa présence, une présence qu’ils n’ont pas remarquée immédiatement, alors qu’elle est toujours offerte. Nous aussi, à cause de notre dureté de cœur, nous peinons à discerner cette présence éternelle du Seigneur dans le tissu, parfois compliqué, de notre existence. Aujourd’hui, un évêque français, et même marseillais (et Marseille est une ville un peu particulière en France !), devient le titulaire d’une paroisse romaine par nomination de l’Évêque de Rome, le Pape François. Serait-ce un hasard ? La foi chrétienne nous empêche de le croire. L’événement que nous sommes en train de vivre me paraît même être un appel à « relire » et à « relier » (comme le rappelait hier à Sainte-Marie-Majeure mon cher frère ici présent, Mgr Joseph Ndi Okalla) les fils de la grâce divine et de notre liberté que tissent le Divin Artisan pour nous amener à former ensemble aujourd’hui, dans cette église, malgré nos différences, l’unique Corps de Jésus-Christ. En relisant et en reliant, me sont apparus quatre clins d’œil de Dieu qui me portent à discerner dans l’événement que nous célébrons le chemin du Christ avec nous.

         Premier clin d’œil : c’est Jean XXIII, le Papa buono, qui a créé ce titre cardinalice de Sainte-Marie-aux-Monts le 12 mars 1960. Avant de devenir patriarche de Venise puis Pape, Mgr Roncalli avait exercé la délicate charge de nonce apostolique en France, après la tragédie de la Seconde Guerre Mondiale : sa bonté et son sens diplomatique avaient beaucoup fait pour apaiser un pays blessé par tant de divisions. En neuf années de présence, Mgr Roncalli s’est rendu au moins deux fois à Marseille : la première en 1946 et la seconde, en 1948, pour l’élévation du siège de Marseille à la dignité archiépiscopale. En cette occasion, l’archevêque de l’époque, Mgr Delay, avait conféré à Mgr Roncalli le titre de chanoine honoraire de la cathédrale de Marseille, un titre qu’il n’a jamais oublié. Quand Mgr Lallier, le successeur de Mgr Delay, se rendit à Rome pour le couronnement de Jean XXIII, ce dernier, sans perdre son sens de l’humour et sa bonté naturelle, appela Mgr Lallier pour lui dire : « Dites à tous vos prêtres et vos diocésains que je suis toujours chanoine de Marseille ! ». Ce fioretto me semble être une première préparation et un premier lien, lointain mais ô combien significatif, entre le diocèse de Marseille et la paroisse de Sainte-Marie-aux-Monts, à travers cette figure si belle du Pape Jean XXIII, initiateur du Concile Vatican II et ami de la paix et du dialogue entre les hommes.

         Deuxième clin d’œil : la belle mémoire de la Madone des Monts avec laquelle nous venons à peine de cheminer à travers les rues du quartier. Quand, en avril 1579, les ouvriers, qui s’employaient à détruire un mur de la grange de la maison qui se dressait à la place de cette église, entendirent une voix étrange, « ne faites pas de mal à l’enfant », ils ne savaient pas que, bien des siècles auparavant, le Seigneur avait disposé cette image de sa mère, par laquelle il voulait nous donner tant de miracles et tant de grâces. Cette église a été voulue et édifiée pour servir d’écrin à l’image de la Vierge mais surtout à la prière confiante du Peuple de Dieu. En regardant la Madone des Monts, je ne peux que penser à Notre-Dame-de-la-Garde, le symbole de la ville de Marseille. Son sanctuaire est aussi situé sur un lieu élevé et tous, chrétiens comme non-chrétiens, montent pour confier à la Vierge, la Bonne Mère, tous leurs soucis et toutes leurs prières. De même qu’ici, le fondateur de l’église, un ermite du XIIIe siècle, n’avait pas pensé à toutes les grâces que le Seigneur voulait donner à son peuple, à travers la Vierge et son image. Autre lien, de lointaine préparation, entre nous !

         Troisième clin d’œil : Saint Benoît-Joseph Labre ! Quand j’ai su que ce grand saint, passé par un petit sanctuaire à proximité de Marseille, Saint-Jean-de-Garguier, était mort ici, le Mercredi Saint (16 avril 1783), après avoir écouté la Passion du Seigneur, et qu’il était inhumé dans cette église, je dois le dire, cela a été plus qu’un clin d’œil ! Cela a été un appel. Comme tant de jeunes aujourd’hui, Benoît-Joseph a cherché sa vocation, sachant seulement qu’il voulait être tout à Dieu. Il a finalement trouvé sa voie, justement en cheminant et en se laissant guider par le Seigneur Lui-même, en suivant les sanctuaires disposés sur sa route et trouvant son port dans l’adoration du Saint-Sacrement et la charité envers le prochain. « Vagabond de Dieu », il peut être considéré comme le patron des abandonnés et des migrants : il nous montre comment nous devons discerner dans le cœur de tout homme, même celui qui nous semble étrange, le trésor de cette présence du Christ qui chemine avec lui et en lui. En me souvenant que le Pape Benoît XVI, de vénérée mémoire, avait choisi ce nom de Pontife également parce qu’il était né le 16 avril 1927, jour du départ de Saint Benoît-Joseph Labre, je considère ce lien comme une lumière pour mon ministère et la mission de l’Église de Marseille qui m’a été confiée, dans une ville où tant de personnes arrivent à la recherche d’un peu de paix et de fraternité. Il me plaît de penser que le Saint-Père, qui a choisi ce titre pour moi, m’a ainsi donné un vrai programme de vie et de ministère.

         Et enfin quatrième clin d’œil : devenir prêtre titulaire de cette église et, donc, collaborateur du Saint-Père à travers votre (je peux dire aujourd’hui « notre ») paroisse. « Cardinal », comme vous le savez bien, provient du latin cardo, c’est-à-dire gond. Sainte-Marie-aux-Monts devient aujourd’hui le gond qui lie ma vocation et mon ministère à ceux du Saint-Père et à la mission catholique de l’Église de Rome. Dans cet appel, je considère comme une lumière ce fait, rappelé par Pier Angelo Piai, dans sa brève mais très belle biographie de Saint-Benoît-Joseph Labre : « Benoît avait choisi le Colisée comme demeure, dormant sous la 43e arche, à la cinquième station du chemin de croix : peut-être pas par hasard, puisque c’est celle où Simon de Cyrène aide Jésus à porter la croix ». Nous savons le poids que porte avec courage et tant de dévouement le Pape François : encore hier, il nous a demandé de prier pour lui car, comme il a l’habitude de le dire, « faire le Pape n’est pas un métier facile ! » Je dois me tenir maintenant à la 43e arche du Colisée et à la cinquième station du chemin de croix, comme un petit Simon de Cyrène pour aider le Successeur de Pierre à porter la croix que lui a confiée le Seigneur. Je sais que je peux compter sur votre prière et votre aide, de même que Saint Benoît-Joseph Labre avait pu compter sur celle de vos ancêtres.

         Avec ces quatre clins d’œil, je suis convaincu que le Christ nous manifeste sa présence. Il nous permet de discerner comment il a préparé notre rencontre et notre lien. Il a cheminé, discrètement mais réellement, avec nous. Et il lui a plu, pour un avenir que nous ne connaissons pas encore, de lier nos vocations et de nous appeler à une mission commune. Je suis profondément heureux de recevoir aujourd’hui le devoir d’être votre cardinal-prêtre. Tout cela constitue pour moi une nouvelle étape dans mon chemin vocationnel et il me revient à l’esprit ces paroles de Saint Paul VI, si cher à notre curé, don Francesco. Le 17 avril 1970, célébrant son cinquantième anniversaire d’ordination presbytérale, il disait : « Jaillit ainsi de la conscience sacerdotale, à mesure qu’elle se fait plus mûre et plus profonde, le chant de la Vierge : fecit mihi magna qui potens est. Le Seigneur a fait pour moi de grandes choses ». Je commence à peine à apprendre à être cardinal et je n’ai pas fini d’apprendre à être prêtre. Désormais, ce sera avec vous que je pourrai le faire parce que notre lien nous unit pour être un seul corps avec notre unique Chef, le Christ Jésus. Je me sens déjà « à la maison », comme m’y invitait don Francesco, que je remercie encore pour son accueil si fraternel. Nous sommes une famille. Hier, le Saint-Père s’est réjoui de rencontrer encore une fois mes parents, ici présents, et il m’a encouragé à honorer le quatrième commandement : « Honore ton père et ta mère ». Je peux voir en eux la longue préparation de ma vocation, qu’ils ont toujours comprise et servie, sans chercher à me retenir pour eux. Le Seigneur nous a fait la grâce d’être réunis ici et je profite de cela pour dire à mes parents : merci, papa et maman !

La création du titre de Sainte-Marie-aux-Monts par le Pape Jean XXIII […] constitue les petites lumières du dessein de Dieu sur nous

         Très chers frères et sœurs, le Seigneur chemine avec nous et illumine notre vocation. La création du titre de Sainte-Marie-aux-Monts par le Pape Jean XXIII, la belle histoire de la Madone des Monts, la présence de Saint Benoît-Joseph Labre et le devoir cardinalice, dont vous êtes le gond, tout cela constitue les petites lumières du dessein de Dieu sur nous. Le ministère de l’Église consiste à servir la révélation de ces lumières pour accompagner le pèlerinage de Dieu vers tous les peuples et chaque être humain. C’est notre mission et notre responsabilité, sous la conduite du Successeur de Pierre. Tout cela dépasse nos pauvres forces mais nous pouvons faire nôtre la prière de Saint Paul VI, lors du même anniversaire de son ordination presbytérale : « O Seigneur, ta voix nous a encore appelés, nous timides et incapables, à être plus proches de toi, de ta croix, en nous disant : celui qui donne le poids donnera la force pour le supporter ; et la réponse jaillit de notre cœur : en ton nom, Seigneur : qu’il soit fait selon ta parole ». Que cette confiance, la confiance de Marie qui conservait tout en son cœur, illumine notre chemin ! Que soit loué Jésus-Christ

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