Le sort des chrétiens en Birmanie

Birmanie

Il s’appelle David Michael de Penha. Ce prêtre birman originaire du diocèse de Mandalay est aujourd’hui exilé dans le diocèse de Wichita, au Kansas (États-Unis). De passage en France, pour la veillée de prière organisée par l’Aide à l’église en détresse (AED), il relate les derniers actes commis par la junte militaire à Char Than (nord-ouest de la Birmanie), et témoigne de la répression violente que celle-ci mène dans son pays. Les chrétiens, minorités en Birmanie, sont discriminés et persécutés.  Et des cibles de choix.

Eglise de Mandalay« La violence en Birmanie augmente de jour en jour », se désole le Père David Michael Penha, originaire de Mandalay. « Jusqu’à l’incendie de la basilique de Notre-Dame de l’Assomption la semaine dernière sans raison valable par la junte militaire. » Dimanche 15 janvier 2023, l’église de Chan Thar, située dans un village catholique dans l’archidiocèse de Mandalay, a été incendiée. « Les villages environnant Mandalay ont tous été abandonnés par ses habitants qui ont trouvé refuge à la ville, soit dans les paroisses soit dans des bâtiments de fortune », explique-t-il. « Ma maman qui vit encore là-bas a recueilli pas moins de onze personnes chez elle, cinq enfants et six adultes, issues de plusieurs attaques ».

Après cette nouvelle flambée de violence, le pape François, très touché a pris position sur ce conflit. « Ma pensée, va en particulier avec douleur à la Birmanie, où l’église Notre-Dame de l’Assomption a été incendiée et détruite dans le village de Chan Thar, l’un des lieux de culte les plus anciens et les plus importants du pays. Je suis proche de la population civile sans défense, qui dans de nombreuses villes, est soumise à de graves épreuves. », a-t-il confié lors de l’Angélus du 22 janvier 2023, depuis le place Saint-Pierre de Rome.

Une répression violente

Deux ans après le coup d’État militaire en Birmanie, du 1er février 2021, la répression est très forte à l’intérieur du pays, en particulier envers les minorités ethniques notamment les Rohingyas mais aussi envers les chrétiens d’ethnies : kachin, chin, karen et Shan soupçonnés d’être hostiles au gouvernement. Sur 54,8 millions d’habitants (estimation 2021), les chrétiens représentent 8% dont 750 000 religieux, 2000 religieux et 800 prêtres. Principalement situés dans le nord-est de la Birmanie, les karens ont fui dans les pays voisins notamment en Thaïlande dans des camps de réfugiés ou en Inde. « La cause des Rohingyas a été très médiatisée au niveau international. Mais les karens, ethnies chrétiennes vivent aussi un génocide. Implantés dans les montagnes, ils ont pu fuir plus facilement car ils étaient situés géographiquement près des frontières thaïlandaises et indiennes. »

Des actions à la communauté birmane depuis les États-Unis

Père de PenhaLe diocèse de Mandalay, le Père David Michael de Penha le connait bien. Aujourd’hui exilé aux États-Unis, il est né en 1974 à Mandalay en Birmanie, il est entré au petit séminaire salésien en 1987. De 2000 à 2005, il suit des cours de théologie au Sacred Heart Th. College à Shillong dans le nord-est de l’Inde. Ordonné prêtre salésien de Don Bosco le 17 janvier 2004 à Aniasakhan, il devient le vice-recteur du séminaire Saint Jean Bosco en 2005-2006. De 2007 à 2010, il est prêtre à Mandalay avant de rejoindre trois années l’archevêché de Rangoon. En décembre 2013, il est envoyé comme missionnaire à Saint Thomas Aquinus Whichita aux Etats-Unis pour une mission de trois ans. Cela fait plus de dix ans qu’il n’a pas foulé le sol birman. A son grand désarroi, il ne peut plus retourner dans son pays pour des raisons de sécurité, parce qu’il « a pris des positions contre le gouvernement dans ses sermons et ses homélies ». Il risquerait d’être emprisonné.

Depuis Wichita (Kansas), le Père de Penha est le porte-voix des exilés. ll s’investit auprès de la Conférence nationale des catholiques américains birmans (NCBAC) en tant que directeur spirituel et devient directeur de la communication de la Commission Justice et paix (BACPJ), une organisation qui aide l’Eglise catholique en Birmanie.

Être un bon chrétien, c’est être un bon citoyen

Son leitmotiv, il le tient de Saint Jean Bosco « Être un bon chrétien, c’est être un bon citoyen. » Et pour lui, être un bon chrétien, cela passe aussi par l’engagement. À distance, il a alors mis en place des formations en ligne sur YouTube pour les laïcs birmans, où il enseigne des cours de « leadership ». L’objectif ? Que les citoyens chrétiens birmans, souvent analphabètes,  deviennent eux-mêmes des relais pour affronter le pouvoir.

En parallèle, il s’entretient régulièrement avec son ami, Mgr Marco Tin Win, l’évêque de Manadaly pour lui faire part de ses divergences de point de vue. Sur le terrain, « les évêques birmans veulent à la fois préserver leur relation avec le pouvoir et leurs fidèles. Sauf que ces derniers ont l’impression de ne pas être soutenus. » En Birmanie, le principal interlocuteur avec la junte militaire est l’Archevêque de Rangoon, le Cardinal Charles Maung Bo. « Il demande seulement que la paix revienne. Les catholiques sont en colère car ils auraient souhaité une prise de position plus nette. D’un l’autre côté, il est certainement contraint car les militaires exercent des moyens de pressions sur lui », reconnait-il.

Des violences dans l’indifférence

« Aucun autre de nos témoins birmans n’ont pu venir en France pour la soirée car ils redoutaient de ne pas pouvoir retourner en Birmanie », précise Natalie Chambon, responsable évènementiels, partenariats et relation presse de l’association Aide à l’Eglise en détresse (AED), organisateur de sa venue.

Il y a deux ans, la photo de Sœur Ann, religieuse birmane à genoux devant les policiers pour les empêcher de tirer sur les manifestants avait fait le tour du monde. Le gouvernement censure et contrôle l’information. Pour la Nuit des Témoins, Mgr Marco Tin Win, l’évêque de Mandalay, « souhaitait trouver un interlocuteur pour parler de la situation du pays. Il faut rompre le silence et que la communauté internationale se mobilise », souligne le Père de Penha. Un exercice auquel le Père se prête facilement.

Même si le conflit en Birmanie s’inscrit dans des décennies de tensions, de violences et de persécutions, le Père Penha ne perd pas pour autant espoir. « Après 73 ans de persécutions, nous espérons que la justice triomphera ! », conclut-il.

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