“Cette journée, c’est un peu la récré pour ces mamans d’enfants malades ou handicapés qui ont pu poser un jour de congé quand elles travaillent ou ont réussi à faire garder les enfants, leur quotidien étant toujours très compliqué, voire extravagant”, indique Marie-Laure Bouchard, référente de la journée des mamans à la Fondation OCH (Office chrétien des personnes handicapées). Depuis le début du printemps, cette journée a été organisée dans onze villes de Nantes à Besançon, de Toulouse à Lille en passant par Limoges, et a rassemblé dans chaque lieu vingt à trente de mères de famille. Avant le dernier rendez-vous prévu à Marseille le 15 juin, une rencontre en visio est organisée le 15 mai de 20 h 30 à 22 h 30 pour celles qui ne peuvent se rendre disponibles autrement. Toutes les mamans concernées par le handicap quel qu’il soit, quel que soit leur âge ou leur confession sont invitées.

L’initiative est née en réponse aux cris des femmes recueillis et rapportés par l’équipe d’écoutants de la Fondation OCH. La première journée s’est tenue à Paris en 2012 avec plus d’une centaine de participantes. Depuis, l’idée s’est développée dans toutes les villes où des bénévoles de l’OCH sont prêts à la mettre en œuvre. Une première pour cette onzième édition, au-delà des réseaux locaux habituels, des associations et structures amies, un courrier officiel a été adressé aux MDPH (maison départementale pour les personnes handicapées) pour les informer de la proposition et la transmettre à leurs usagers, nombreux. “Cette année, le thème est : Ma vie : un jardin à cultiver ! À chaque fois, le sujet tourne autour des questions cruciales que nous nous posons quant à l’équilibre de notre vie, l’équilibre conjugal et familial. Il y a quatre ans, la question Où est ma liberté ? m’avait particulièrement touchée. J’avais enchaîné les coups de stress, Cyprien avait failli nous quitter et j’avais passé un an enfermée à le surveiller”, indique Mireille Ceyrac, maman de trois enfants dont Cyprien, lourdement handicapé, organisatrice de la journée des mamans de l’OCH à Marseille avec Caroline Azéma, maman de six enfants dont Jean-Karol, porteur de handicap.

Oser une parole en vérité

Le témoignage d’une maman et les discussions en petits groupes sont les premiers temps forts de la rencontre. Dans chaque lieu, les équipes bénévoles choisissent une mère de famille qui accepte, après discernement, de partager son témoignage sur le thème. Cette année pour le rendez-vous en visio, Marie-Laure Bouchard a sollicité Laetitia Laurent, maman de Jean-Baptiste et Augustin, tous deux atteints de maladie génétique rare, le second étant en soins palliatifs à domicile. Son mari, militaire, et Jean-Baptiste ont participé au documentaire Lourdes, réalisé en 2019 par Thierry Demaizière et Alban Teurlai. À Marseille, c’est son intervention en vidéo qui sera également proposée aux participantes. “J’ai été tellement émue par cette famille après la diffusion du film Lourdes. Nous proposerons ensuite un temps de silence pour que chacune puisse se réapproprier les propos, avant les discussions en petites équipes”, confie Mireille. En visio ou en présentiel, des groupes de partage sont ensuite effectivement constitués, accompagnés d’écoutantes qui veillent à ce que la parole circule bien entre toutes. Les mamans peuvent réagir librement à la suite du témoignage, partager sur ce qui les rejoint ou les touche, évoquer leurs difficultés : regards des autres, accueil ou rejet par la famille, les amis, etc. “C’est très fort ce qui se passe dans les groupes en termes d’émotions, de vraies souffrances sont déposées”, souligne Mireille. C’est aussi l’occasion de faire davantage connaissance, d’échanger des conseils, des bonnes adresses ou des astuces de la vie quotidienne. “C’est un moment essentiel de la journée et de la visio. Il n’est aux dires des mamans jamais assez long !”, sourit Marie-Laure Bouchard.

Se détendre avec d’autres

À Marseille, avant le déjeuner convivial à la décoration soignée où les bénévoles s’efforcent de chouchouter et d’être attentives à chacune, les mamans peuvent se rendre à la messe célébrée sur place au couvent des Dominicains, ou bien prolonger les discussions dans l’agréable jardin du centre Cormier. L’après-midi se poursuit par un choix d’ateliers qui alternent réflexion et détente. “À Limoges, l’équipe a fait appel à la spécialiste de l’art floral du diocèse, en lien avec notre thème du jardin. Elle est arrivée avec plein de fleurs de toutes les couleurs et en a expliqué les significations. Chaque maman est repartie avec sa propre composition, c’était vraiment extra ! Une année à Lyon, des visiteuses de prison ont apporté différents tissus de couleur pour un atelier colorimétrie, et permettre à chacune de découvrir la palette de couleurs qui correspond le mieux à son teint”, rapporte Marie-Claire Bouchard. Au centre Cormier le 15 juin, un prêtre du diocèse de Marseille proposera un atelier spirituel, des psychologues et des conseillères conjugales se rendront disponibles. Côté loisirs, des séances de manucure, de sophrologie et de chant sont prévues. L’idée de l’atelier floral fait également son chemin. “À chaque fois, ces ateliers permettent de libérer la parole autrement, plein de choses se disent dans cette ambiance détendue”, révèle Mireille Ceyrac.

Le grand drame de notre vie : c’est la solitude

Reprendre son souffle

Il y a chaque année des mamans qui reviennent, d’autres qui n’en ressentent pas le besoin tous les ans, et des nouvelles qui osent franchir le pas. La première fois que Mireille a participé à cette journée, elle se rappelle bien que c’était franchement à reculons. Une amie l’avait invitée. Mais le matin même, son mari a dû encore la pousser. Elle n’avait aucune envie de se retrouver dans un groupe pour parler du handicap, avec cette fausse étiquette des cercles des alcooliques anonymes. Elle avait trop la tête dans le guidon. “En réalité, j’ai vécu cette journée comme une libération. Le grand drame de notre vie : c’est la solitude. Même si l’on est bien entourée, nous nous sentons différentes. Au-delà du handicap et de la fragilité de nos enfants, nous nous sentons incomprises. Discuter avec d’autres mamans, certaines plus expérimentées, permet de sentir moins seules dans nos galères et ça fait énormément de bien. La démarche est difficile, mais ça vaut le coup”, assure Mireille. Les mamans viennent avant tout faire une pause dans un quotidien fatiguant. Elles se rencontrent, rient et pleurent. De nouveaux liens se créent, des amitiés fidèles aussi. Certaines mamans qui ont fait connaissance à la journée de l’OCH prennent l’habitude de se retrouver pour parler du handicap, mais pas uniquement. C’est ainsi que deux mamans Lilloises ont créé l’association Cœur de maman : des groupes de parole et de partage des joies et espérances de chacune. Une façon de prolonger la journée des mamans. Mireille Ceyrac précise encore : “La question de l’équilibre conjugal et familial nous préoccupe beaucoup. C’est pour ça qu’ici nous avons aussi lancé l’après-midi des frères et des sœurs d’une personne malade ou handicapées pour qu’ils aient des temps à eux, entre eux. Et puis, je recommande vivement la Session pour tous à Paray-le-Monial. Elle est pour toute la famille, une joie immense ! Elle nous booste pour tout l’été voire toute l’année !”.