Volontaire, au service des jeunes migrants

Après cinq ans d’études en droit à Paris, Camille, 24 ans, a choisi de partir en volontariat avec les Religieuses du Sacré-Coeur de Jésus (RSCJ). Au lieu de s’envoler pour les Philippines comme initialement prévu, elle vit depuis trois mois et demi sa mission à Salvert, près de Poitiers, au sein d’un foyer de jeunes migrants. Témoignage. Par Florence de Maistre.

L’envie de partir

Camille volontaire“J’ai un grand projet de vie professionnelle : devenir avocate ! J’ai passé l’examen du Barreau avec succès en septembre 2019, mais avant d’intégrer l’école, je souhaitais prendre une année de pause et vivre un autre grand rêve : consacrer du temps aux personnes dans le besoin. Me donner aussi, après mes cinq années de droit, un temps de recul, de réflexion sur moi-même, sur mon identité d’être humain. J’étais initialement attirée par l’Afrique, avec ce que je croyais en connaître, des couleurs et de la joie partout. Je souhaitais aller à l’autre bout du monde et expérimenter une vraie déconnexion avec mes proches. Les Religieuses du Sacré-Coeur ont choisi pour moi les Philippines, j’ai accepté à cœur ouvert. Je m’y sentais attendue. À cause de la pandémie, les frontières se sont fermées juste avant mon départ. Finalement, la mission de sept mois à Salvert dans la Vienne m’a convaincue.”

Choisir de se donner

“En discernant le projet de volontariat international, le côté un peu fou de l’aventure, “exotique” et “fun” était très motivant. C’est ce qui m’a été enlevé. Choisir d’aider la pauvreté dans son propre pays n’a rien de beau, mais je crois que cela rend la mission plus sincère. J’ai été bien préparée au choc interculturel en suivant la formation de la DCC (Délégation catholique pour la coopération). J’ai aussi vécu une semaine de retraite spirituelle en silence avec les RSCJ. Moi qui ne voyais pas l’intérêt du vide, j’ai compris dans l’écoute et la prière que c’est précisément là que tout se passe ! J’ai appris à bien vivre la solitude. Le confinement m’a aussi aidée. Avec le premier projet tombé à l’eau et toutes mes attentes qui y étaient liées, j’ai commencé à lâcher prise. C’est la posture qui me semble indispensable à tout missionnaire : être présent gratuitement, être prêt à tout lâcher.”

Auprès des jeunes migrants

“Salvert est un lieu fantastique ! Depuis deux cents ans, les Filles de Notre-Dame de Salvert, accueillent toute la misère du monde. Aujourd’hui, la communauté compte une trentaine de religieuses. Elles ont développé une ferme bio, une école Montessori, une maison d’accueil pour les enfants placés par l’aide sociale, et depuis quelques années un foyer de quatorze migrants de 16 à 21 ans. Ils viennent de Côte d’Ivoire, du Pakistan, du Bangladesh, d’Europe de l’Est, du Maroc, de l’Algérie. Tous les matins, je suis au service de l’école et les après-midis auprès des migrants. J’ai une chambre au sein du foyer, c’est là que je dîne, je dors, je passe mes week-end. Je suis disponible : temps de discussion et d’échange avec les jeunes, soutien scolaire, accompagnement à un rendez-vous médical, aide à la recherche d’un emploi, etc.”

La posture d’accompagnant

“Ce qui se passe ici est assez particulier. Il y a beaucoup de tensions. Les jeunes demandent d’être accueillis, tout en étant gênés par cette position de demande ressentie comme une faiblesse. Ils cherchent souvent la confrontation. D’autant qu’à leurs âges, ils ont besoin de se mesurer aux autres pour mieux se connaître, mieux grandir. Je reste frappée par le double mouvement de rejet et de besoin. Qu’ils vivent une rupture amoureuse ou un échec dans leurs démarches d’intégration, toutes leurs frustrations tombent sur nous ! Je découvre la complexité du métier d’éducateur, un métier de passionné ! Et la posture d’accompagnant, à côté et non en face, des troubles et des douleurs ! Chaque jeune adopte une attitude différente à mon égard. Certains ont clairement du mal avec ma présence de jeune femme épanouie. D’autres me voient comme une grande sœur, viennent se confier, demandent à jouer aux cartes. D’autres prennent soin de moi comme de leur petite sœur. D’autres encore cherchent mon amitié, voire testent leur talent de séducteur ! Je découvre dans la richesse de ces relations leur honneur, leur beauté intérieure.”

Des blessures à respecter

Camille volontaire“À Salvert, dans ce cadre familial et spirituel, avec l’équipe des éducateurs, la communauté de sœurs, les fermiers, les familles de migrants qui aiment revenir ici, nous nous adaptons sans cesse aux besoins de chacun des jeunes. Chaque parcours est très différent, toutes les blessures sont à respecter. Nous ne visons pas une intégration parfaite, mais ajustée à leur vécu. Celui-là n’apprécie pas la présence des femmes, on évite de le laisser seul avec une éducatrice. Celui-ci a un problème avec la nourriture, on l’autorise à cuisiner. Nous essayons de répondre au cas par cas. Oui, je vis dans le concret les mots du Pape Contraints de fuir comme Jésus-Christ : Accueillir, protéger, promouvoir et intégrer les déplacés, ainsi que le thème proposé à l’occasion de la Journée mondiale du migrant et du réfugié Fais-moi connaître ta route (Ps. 24). Encore une fois, chaque histoire est très différente, complexe. Certains ont un vécu extrêmement violent, d’autres non. Certains taisent ce qui est trop dur. D’autres désirent tant être aimé qu’ils se jettent dans les bras du premier venu. D’autres encore ont fait leur deuil à leur arrivée, en larmes jusqu’à 3 h du matin avec un éducateur, et ne parleront plus jamais. Accueillir l’étranger, force à se questionner sur l’identité française et sur le Français que nous souhaitons être. Nous devenons alors à notre tour un peu étranger en s’amusant de la différence, en se nourrissant du voyage, en prenant goût à une identité plus communautaire que celle de la France, en adoptant la notion du temps africaine… En s’écœurant aussi ensemble de la misère du monde. Accompagner la migration finalement c’est joindre deux routes étrangères et être humains ensemble, au delà des nationalités et des histoires personnelles.”

Disponible pour aimer

“Si je veux que ça aille bien, il me faut être moteur du bonheur : telle est ma nouvelle conviction ! J’ai décidé de rester confiante pour être réceptive aux nouveaux bonheurs à vivre. J’ai choisi d’être disponible pour les jeunes. Même s’il m’arrive de trouver l’un ou l’autre odieux à un moment donné, je sais que ses colères ne sont pas réglées et je sais qu’il y a toujours un chemin de croissance. Je reste présente, à l’écoute ! Au terme de ma mission, j’espère qu’ils garderont le témoignage d’une jeune femme heureuse, investie gratuitement. De fait, je le suis ! Je ne vise d’autre objectif que de vivre dans la contemplation. Je ne savais pas m’arrêter : je suis comblée de grâces !”

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