Marie-Françoise Baslez, L’Église à la maison. Histoire des premières communautés chrétiennes au 1er et IIIème siècle

Fiche de l’Observatoire Foi et culture du mercredi 19 janvier 2021 à propos de l’ouvrage de Marie-Françoise Baslez sur L’histoire des premières communautés chrétiennes au 1er et au 3e siècle.

À partir de sources plurielles, Marie-Françoise Baslez nous offre une histoire des premiers chrétiens, du  1er au IIIème siècle. Les écrits du Nouveau Testament, les textes des Pères de l’Église, l’apport récent de  l’archéologie, les apocryphes, les Actes des martyrs sont autant de données documentaires précieuses pour  comprendre les débuts du christianisme. Le risque est pourtant « d’écrire une histoire rétrospective et  anachronique en remontant le temps et en projetant sur le passé le regard et les exigences du présent »  (p. 7). L’objectif de ce livre est de classer toute une documentation disponible et de montrer le rôle joué par  la famille et la maisonnée, cellule de base de la société dans l’Antiquité.

Marie-Françoise Baslez essaie de donner un contenu sociologique au concept d’Église domestique, d’Église  de maisonnée. « Replacer la première mission chrétienne dans son cadre authentique conduit à inventorier  les potentialités de la maisonnée antique, avec toujours le même souci d’éviter les anachronismes » (p. 14).

Agrégée d’histoire, Marie-Françoise Baslez a travaillé sur le christianisme ancien, les romans grecs et l’histoire  du judaïsme de langue grecque. Elle est spécialisée dans les questions sociales des périodes hellénistique et  romaine. Elle s’applique notamment à l’analyse des relations entre hellénisme et judaïsme, depuis la  traduction de la Septante jusqu’à l’émergence du christianisme. Au fil des pages de nouvel essai, elle fait  particulièrement référence à l’expérience de Paul qui a réinterprété des notions empruntées au monde  gréco-romain en développant une réflexion qui lui est propre. Dans le Nouveau Testament, l’évangéliste Luc  présente l’Église de maisonnée comme un lieu de la convivialité, le lieu de la fraction du pain après le dernier  repas de Jésus et le lieu de l’enseignement. La toute première communauté, dans les Actes des Apôtres est  décrite comme un idéal d’unanimité. La maison est aussi le lieu des professions de foi et des conversions qui  aboutissent à un baptême familial collectif (cf. La conversion du centurion Romain en Ac 10). La prédication de Paul se déroule rarement en public, mais plutôt dans une maison. Elle vise la fondation de communautés  stables comme c’est le cas avec le baptême de la maisonnée de Lydia, ou encore avec celui du gardien de la prison de Philippes.

Parmi les thématiques abordées par Marie-Françoise Baslez, il y a celui de la maison, espace privé,  fonctionnant comme un refuge naturel lorsque les chrétiens rencontraient l’hostilité. La maisonnée était-elle  devenue un lieu caché et confiné imposé par les circonstances ou par le choix de préserver l’identité  chrétienne ? L’archéologie récente a mis fin au mythe des catacombes. Celles-ci ne furent pas une invention  des chrétiens pourchassés, qui s’y seraient frileusement réunis pour célébrer l’eucharistie, y tenir leurs  réunions d’Église. Les catacombes n’ont jamais eu le rôle de cachettes : « L’Église souterraine est un fantasme  romantique, nourri au XIXème par des réminiscences de messes clandestines et de prêtres cachés issus de la  Révolution française » (p. 46). Il est vrai cependant que les chrétiens se réunissaient dans les cimetières pour  y honorer leurs morts.

La place de la femme dans la maisonnée et son influence dans l’Église au cours des trois premiers siècles est  à remarquer. Le travail domestique fournissait aux femmes une certaine indépendance économique. Parmi  les femmes ayant eu une certaine autorité, il faut citer Lydia (Ac 16, 14-15), Phoibè (Rm 16, 1-2), Chloé  (1Co 1,11).

Le modèle du couple n’existe pas dans les évangiles à l’exception de la Sainte famille. En revanche, Paul  présente plusieurs couples engagés dans l’évangélisation : Philémon et Apphia (Phm 1, 2), Aquilas et Prisca  (Ac 18, 1), Andromicos et Junia (Rm 16, 7).

Quant aux esclaves, ils sont associés à la vie de la maisonnée qui leur assure protection et attachement. Les  premières communautés chrétiennes ont développé une réflexion sur l’esclavage en mettant en valeur l’idée  de service et la notion de rachat. « Engagés dans un processus d’identification au Christ depuis leur baptême,  les chrétiens ont le devoir de racheter ceux des leurs qui ont perdu leur liberté… » (p. 81). L’Église de  maisonnée ne s’est pas uniquement construite sur des rapports de domination.

Après un chapitre sur l’évangélisation portée par des réseaux marchands et commerciaux, par des figures  d’intellectuels itinérants (cf. l’introduction du christianisme à Lyon par Irénée), et aussi par des familles de  soldats, Marie-Françoise Baslez expose comment les échanges épistolaires ont permis une organisation de la  communication chrétienne. La capacité des Églises à faire des réseaux est ainsi démontrée au IIIème siècle.  Apparaissent aussi les synodes pour examiner des questions théologiques et structurer l’Église au niveau  « catholique » et régional. Marie-Françoise Baslez met en évidence la dynamique de christianisation à  l’œuvre au cours des trois premiers siècles. Elle montre comme « l’Église à la maison » s’est ouverte peu à  peu à la dimension de l’universel.

Cette recherche historique peut être utile pour comprendre certains aspects de l’évangélisation et  l’expérience de synodalité que les chrétiens sont appelés à vivre aujourd’hui.

Monseigneur Hubert Herbreteau

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