Dominique Lang, Forts dans la faiblesse. Au cœur de la non-violence évangélique

Fiche de l’Observatoire Foi et Culture du mercredi 15 septembre 2021 à propos de l’ouvrage de Dominique Lang : « Forts dans la faiblesse, au cœur de la non-violence évangélique ».

Une petite histoire de la sagesse amérindienne raconte qu’un vieux sage avait été chargé de former les  enfants et les jeunes de sa tribu. Il leur disait : « En chacun de nous, il y a deux loups : un blanc, généreux et  bon, et un noir, violent et sauvage. » Un jeune a posé alors la question : « Lequel est le plus fort ? ». Et le  vieux sage de répondre : « Celui que tu nourris. » Cette histoire rapportée par Dominique Lang pourrait servir  de fil conducteur à son remarquable essai sur la non-violence évangélique : « Puissances de mort et  puissances de vie : l’expérience spirituelle est le lieu d’un long discernement pour les reconnaître à l’œuvre  en nous » (p. 115). Comment chacun développe-t-il en lui la douceur, la bonté, la bienveillance plutôt que la  vengeance et la violence ? La non-violence est à contre-courant de ce que notre société nous impose : réussir  ce que nous entreprenons le plus rapidement possible et en étant les plus forts. Or « les artisans de paix  changent patiemment la donne, à force de persévérance et souvent de manière inattendue et inconsciente »  (p. 66). Le propos de Dominique Lang oblige chacun à se situer dans ce monde, en commençant par celui qui  l’entoure. Il est nécessaire de s’interroger sur la manière d’être ou de réagir devant l’événement : suis‐je violent  ou non-violent ? Puissant ou non-puissant ? Artisan de discorde ou artisan de paix ?

Pour montrer les différents aspects de la non-violence, le plus éclairant est de montrer quelques grandes  figures, plus ou moins connues, de l’histoire récente. Des hommes et des femmes indiquent des chemins  utiles en ces temps de grande violence.

Martin Luther King, choisira la non-violence active en mobilisant autour de lui. Jacques Ellul, penseur et  protestant réformé, invitera à toujours se mettre du côté des vaincus, « le côté de ceux qui bataillent avec le  réel en bons artisans de paix ». La résistante Noëlla Rouget demandera de surseoir la peine de mort requise

pour son bourreau nazi par une peine de prison afin de lui donner l’occasion de prendre conscience de ses  actes et « ranimer la petite flamme humaine qui doit tout de même bien subsister en lui ». Quant à  l’autrichien Franz Jägerstätter, il refusera de se soumettre à la folie nazie et fera le choix de la désobéissance  civile ; il sera béatifié en octobre 2007 par le pape Benoît XVI. Le pape François prône la non-violence comme  « style d’une politique de paix » et, dans son message pour la journée mondiale de la paix du 1er janvier  2017, il forme le vœu suivant : « Depuis le niveau local et quotidien jusqu’à celui de l’ordre mondial, puisse  la non-violence devenir le style caractéristique de nos décisions, de nos relations, de nos actions, de la  politique sous toutes ses formes ! »

D’autres grandes figures comme Bernard de Chartres ou François d’Assise aident à prendre de la hauteur  pour envisager les années à venir.

Dominique Lang connaît parfaitement le sujet dont il traite. Religieux assomptionniste, journaliste à  l’hebdomadaire Le Pèlerin, ancien aumônier de Pax Christi, il donne les fondements évangéliques de la non violence. Pour cela, il structure sa réflexion autour de quatre parties qui se répondent : violences – non violence, puissances – sans puissance. Le titre de son livre vient d’une parole du Seigneur à saint Paul. « Il  m’a déclaré : “Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse”. C’est donc très  volontiers que je mettrai plutôt ma fierté dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ fasse en moi sa  demeure » (2 Co 12, 9). Dans son livre, Dominique Lang met l’accent sur l’expérience d’une non-puissance  reconnue dans la manifestation même du Christ. Qui mieux que Jésus incarne la non-puissance d’un Dieu  Tout-Puissant. Le Christ « qui était Dieu a renoncé au rang qui l’égalait à Dieu » dit saint Paul. Un Dieu qui  s’abaisse pour élever, pour sauver l’humanité. Un Dieu qui, en se faisant homme, expose sa puissance de vie  à la puissance de mort des hommes.

Dominique Lang offre de précieux éléments anthropologiques et théologiques. On devine que cela est le fruit  d’une expérience. L’auteur nous la partage et nous invite non seulement à la réflexion mais à l’action. Une  éducation à la paix concerne aussi bien les plus jeunes que les adultes. Pour devenir artisan de paix, « il y a  un patient travail à faire… C’est le processus du geste quotidien répétitif qui, à force d’entraînement, devient  naturel et évident ».

Pour stopper la violence et l’injustice, la force non violente de la résistance pacifique est une bonne attitude.  Face aux conflits armés, l’important est de privilégier la mobilisation passive. L’objectif est de placer la non puissance comme dynamique de vie. Dominique Lang prend appui pour cela sur les récits évangéliques  (notamment la Visitation et le chant du Magnificat, les Béatitudes, les paraboles).

Ce livre « n’a pas pour ambition d’être un traité sur la violence ou sur la manière d’y résister » (p. 11), mais il  permet une prise de conscience en faisant effectuer un travail de déminage « pour interroger à la fois la  légitimité des désirs de violence qui nous assaillent et notre manière de gérer la puissance qui nous est  confiée » (p. 12). Un livre à lire dans cette période parfois violente que nous traversons.

+ Hubert Herbreteau

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