Charles Pépin, la rencontre, une philosphie

Fiche de l’Observatoire Foi et Culture (OFC) du mercredi 16 juin 2021 à propos de l’ouvrage :  » La rencontre, une philosophie » de Charles Pépin.

Ce livre propose une réflexion philosophique originale où s’entremêlent des références à des grands philosophes comme Hegel ou Levinas, des écrivains comme Camus ou des artistes comme Bowie ou Lou Reed, Picasso ou Pierre Soulages, des poètes comme Bobin ou Éluard… Charles Pépin puise aussi dans la réalité quotidienne et analyse, dans une première partie, les premiers signes de la rencontre : le trouble, la curiosité, la reconnaissance. Puis, il décrit les effets de cette rencontre : découverte de l’altérité, changement de vie, responsabilité et expérience de salut.
Une deuxième partie présente les conditions de la rencontre : sortie de chez soi, se rendre disponible, tomber le masque. Ce que nous pouvons mettre en oeuvre pour faciliter nos rencontres conduit à la confiance en ce qui semble inconnu et incertain.

Dans la troisième partie, Charles Pépin montre que nous avons besoin de nous rencontrer. Il poursuit une réflexion commencée avec son livre précédent La confiance en soi, une philosophie. La rencontre est « un élément essentiel, consubstantiel à notre vie même, nécessaire à notre réalisation » (p. 195). Chaque rencontre est indispensable à la vie semble nous dire Charles Pépin. Nous pouvons en faire différentes lectures : anthropologique, existentialiste, religieuse, psychanalytique ou dialectique.

Ce livre demande un temps d’assimilation, parfois d’une phrase à l’autre. Il fait l’éloge de la rencontre, de toute rencontre. Certaines affirmations vous trottent dans la tête au cours de vos journées. C’est le signe d’une belle réussite. Charles Pépin transmet ses connaissances avec chaleur et enthousiasme. En ces temps de confinement et de déconfinement où les masques et la distanciation sociale sont exigés et limitent nos relations humaines, le thème la rencontre, ou plutôt des rencontres prend une autre dimension. Cet essai pousse, incite à la spontanéité, à l’ouverture, à la discussion. Il suggère de relire les rencontres passées, celles qui ont compté et qui ont changé nos vies brutalement peut-être ou lentement mais sûrement.

« Rencontrer quelqu’un, c’est être bousculé, troublé. Quelque chose se produit, que nous n’avons pas choisi, qui nous prend par surprise : c’est le choc de la rencontre. Le mot « rencontre » vient du vieux français « encontre » qui exprime « le fait de heurter quelqu’un sur son chemin ». Il renvoie donc à un choc avec l’altérité : deux êtres entrent en contact, se heurtent, et voient leurs trajectoires modifiées » (p. 15). La rencontre ne se commande pas mais elle peut être provoquée. La rencontre est agir ; pour réussir à sortir de soi, il faut commencer à sortir de chez soi.
De quelles rencontres s’agit-il ? On pense bien sûr aux rencontres amoureuses ou amicales, professionnelles ou intellectuelles. Mais il y a aussi des rencontres artistiques, littéraires et même animales. Un chat affectueux devient le confident et donne de l’assurance quand on est solitaire. L’amour des livres, d’un film, d’une peinture peut aussi faire advenir à l’expérience de l’altérité.
Une rencontre, c’est deux différences qui se côtoient, deux points de vue qui s’abordent. L’autre est différent de moi et c’est dans cette différence que l’on grandit. Il y a les rencontres qui nous permettent de nous dévoiler, les rencontres qui nous aident à progresser, les rencontres qui vous « sauvent la vie ». Charles Pépin ne manque pas de souligner que certaines rencontres « peuvent être dévastatrices, en un sens négatif ou positif. En balayant tout sur leur passage, ces rencontres exceptionnelles nous arrachent à une version de nous qui ne nous épanouit pas, à une vie de souffrance ou d’ennui, une existence en deçà de ce à quoi nous aspirons » (p. 196).

Nous pouvons croiser quelqu’un sans qu’il y ait rencontre, ce moment délicieux où de nouveaux horizons nous apparaissent, où le partenaire d’une minute, d’une heure ou d’une vie révèle une part insoupçonnée de nous-mêmes. La rencontre nourrit, ravit, questionne.
Charles Pépin a le don de vulgariser les auteurs philosophiques. Son propos est alerte, documenté et chaleureux. Son écriture est très agréable. La rencontre est décrite avec clarté, érudition sympathique et enthousiasme.

Charles Pépin montre la valeur des contacts humains, vécus avec curiosité, intensité, amitié, amour. Une rencontre rend visible ce qui attend d’être éveillé par la parole de l’autre, son rayonnement, son empathie. De nombreux exemples de vraies rencontres sont présentés. Ainsi le film de Sydney Pollack Out of Africa et celui de Clint Eastwood Sur la route de Madison sont analysés avec précision. Il s’agit de la rencontre d’une riche propriétaire d’une exploitation agricole et d’un pilote d’avion épris de liberté : « Rencontrer quelqu’un, c’est se trouver projeté au seuil d’un monde nouveau, happé par l’envie d’explorer ; c’est une invitation au voyage » (p. 36). Un autre exemple est l’amitié de Picasso et de Paul Éluard. Deux univers très différents se rencontrent et la vie de l’un et de l’autre se trouve complètement changée (p. 81-86).

Trois bonnes raisons de lire le livre de Charles Pépin :

• Il redonne le goût de la rencontre, qu’elle soit amicale, professionnelle, amoureuse ou même artistique. « Quand on prend la mesure de l’importance des rencontres, on porte un autre regard sur les oeuvres qui nous nourrissent, sur notre vie même. Nous sommes dépendants des autres. La rencontre n’est pas un agrément, une alternative accessoire, elle nous est essentielle, elle modèle notre personnalité ; elle est au cœur de l’aventure de notre existence » (p. 9)
• Il fait découvrir que des talents peuvent se révéler ou se renforcer grâce à une rencontre décisive. Il nous invite ainsi à plus de disponibilité pour vivre l’aventure de notre vie par la collaboration et l’échange. La rencontre ne se commande pas mais elle peut être provoquée. La rencontre est action ; pour réussir à sortir de soi, il faut commencer à sortir de chez soi.
• Il offre une place importante à la rencontre avec une œuvre d’art, combien un coup de foudre pour un tableau, une musique, une sculpture, un livre, peuvent bouleverser notre vie. Il souligne le côté essentiel de la culture dans notre vie.
Ce livre est un bel éloge de la rencontre ! À lire !

+ Hubert Herbreteau

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