Michael Edwards « Pour un christianisme intempestif »

Fiche de l’Observatoire Foi et Culture (OFC) du mercredi 9 septembre 2020 sur l’ouvrage de Michael Edward :  » Pour un christianisme intempestif, savoir entendre la Bible  »

9791032102343-wpcf_180x261Une conviction traverse ce très beau livre de Michael Edwards : le christianisme contredit toute l’orientation, – ou mieux, l’occidentalisation – de notre pensée. Il est urgent de le retrouver comme une Personne à connaître, grâce à la révélation biblique. Quoi de plus intempestif que l’inspiration de la Bible ? Jésus bouscule nos habitudes. Comment ne pas être sourds à l’altérité de la parole évangélique, à la troublante singularité de la foi chrétienne ?

• Michael Edwards s’interroge alors sur le rapport entre le christianisme et la culture. La culture dans une perspective chrétienne témoigne par la littérature, la peinture, la musique, du bonheur de vivre mais aussi du malheur de vivre. Prenant la mesure de la catastrophe, elle s’attache à imaginer un changement profond. La culture est tout ce par quoi nous essayons de louer notre monde, de comprendre sa déchéance et d’y remédier.

Que nous le reconnaissions ou non, que nous le voulions ou non, le Christ est au cœur de toutes nos cultures. Cependant nous savons bien que la culture contemporaine s’oppose au christianisme, autant par son hostilité que par son indifférence. Le moment semble peu propice à l’évangélisation. Mais existe-t-il un moment propice ? Michael Edwards prend position en disant : l’inquiétude ambiante semble si grande que notre époque pourrait bien être, la plus propice à l’évangélisation.

Il donne l’exemple de Paul devant les Athéniens qui étaient friands des « dernières nouveautés » et sont passés à côté de la nouveauté apportée par le Christ. Paul semble avoir échoué dans sa prédication et pourtant le récit se termine par la mention de plusieurs conversions dont Denis l’Aréopagite et d’une femme nommée Damaris. Ce qui montre que ce ne sont pas en premier lieu les cultures qu’il faut évangéliser, mais des personnes.
Michael Edwards souligne aussi combien la joie est la caractéristique la plus importante du christianisme. La poésie est la plus apte à suggérer la joie qui dépasse la simple émotion. La poésie hébraïque avec les psaumes évoque la joie extraordinaire éprouvée par toute la création. La joie est dite partout dans les psaumes : « J’exulte et me réjouis en toi » (Ps 9 ; « En ta présence, plénitude de joie » (Ps 16). L’auteur du psaume 43, s’adresse directement au « Dieu de ma joie ».

Dans le psaume 98, le poète veut que Dieu soit loué par les sons de la harpe, de la trompette et du cor, mais il associe plus largement toute la création : « Gronde la mer et sa plénitude, le monde et son peuplement ; que tous les fleuves battent des mains et les montagnes crient de joie. » Il exhorte la nature à se joindre aux hommes dans l’oeuvre de la louange, à seconder leurs efforts pour que la terre entière s’anime de reconnaissance.

Le psalmiste devine partout dans le monde créé une grande joie. La création entière, et pas seulement les hommes, est enthousiaste.

• Michael Edwards fait aussi un beau commentaire du Notre Père (Mt 6, 9-13). Les passages qui précèdent et qui suivent cette prière demandent à être pris en considération pour l’étudier ; ils peuvent l’enrichir lorsque nous la disons. Le Notre Père est un poème court qui puise dans ce qui le précède et qui irradie ce qui le suit. Le nom de Dieu est sanctifié. Comme au commencement de tout grand poème, une porte s’ouvre sur un autre monde, ou un monde autre. Pour les juifs à qui Jésus s’adressait, vouloir que le nom de Dieu soit sanctifié n’avait rien d’inhabituel. Cette sainteté doit rayonner dans toutes les créatures de Dieu. Et nous entendons le chœur incessant des habitants du ciel et de la terre qui glorifient déjà Dieu.

Les demandes du Notre Père nous éduquent. Elles montrent qu’il ne faut pas vouloir que, par exemple, la volonté de Dieu soit faite uniquement parce que cela paraît juste, mais parce que Dieu est Père et que nous l’aimons. Dire régulièrement cette prière, chez soi ou au cours de la liturgie, est formateur. Demander du pain nous concentre moins sur nous-mêmes que sur notre confiance en Dieu. Implorer le pardon nous dirige vers la miséricorde de Dieu et vers les autres dont nous pardonnons les offenses, prier pour être délivré du mal nous oriente vers le Dieu sauveur.

• Un autre chapitre du livre de Michael Edwards traite de la parole de Jésus dans l’évangile de Matthieu qui ressemble à un poème : Demandez et l’on vous donnera ; Cherchez et vous trouverez ; Frappez et l’on vous ouvrira. Car quiconque demande reçoit ; Qui cherche trouve ; Et à qui frappe on ouvrira. (Mt 7, 7-8 et Lc 11, 9-10). C’est une promesse étonnante et tonique, parce que Jésus ne dit pas que si on cherche, on aura de bonnes chances de trouver. Il parle avec l’autorité du Fils de Dieu, avec assurance. Pour les disciples de Jésus et pour les chrétiens, la vie devient une quête ininterrompue de ce qu’ils ont déjà trouvé, un désir d’entrer par la porte ouverte par Jésus. Quelle est la manière évangélique de chercher ? Quels sont les chemins où l’on risque de se fourvoyer ?

Michael Edwards montre les nombreuses façons aberrantes de chercher, les chemins qui ne permettent pas de trouver. Par exemple, la soif d’absolu. C’est une manière de se rattacher, au cœur même de la réalité, à une transcendance, à une permanence stable étrangère au flottement présent. Mais il est facile de glisser dans l’illusion d’un moi accompli dans la drogue, le sexe ou la violence. On peut vouloir tuer pour une bonne cause, ou se projeter dans la chimère d’une énergie cosmique, d’intermédiaires spirituels.

Autre exemple : la recherche du souverain bien. Poursuivre le souverain bien c’est agir comme le négociant qui a trouvé une perle de grand prix et qui vend tout ce qu’il possède pour acheter le perle (Mt 13, 45-46). C’est reconnaître qu’il existe un but suprême à atteindre. On identifie cela au bonheur. Or Jésus ne nous promet pas de nous rendre heureux, mais il offre des choses éminemment désirables : la vue aux aveugles, la guérison au lépreux. Il offre à la Samaritaine une « source jaillissant en vie éternelle » (Jn 4, 14). Il ne convient pas de chercher le souverain bien dans les plaisirs, les honneurs, l’étude…

Dans son livre, Michael Edwards évoque l’art comme témoignage et manière de « rendre compte de l’espérance qui est en nous » (1 P 3, 15). Il cite à ce sujet le conseil de Jacques Maritain dans Art et scolastique : « Si vous voulez faire œuvre chrétienne, soyez chrétien, et cherchez à faire œuvre belle, où vous mettriez votre cœur, ne cherchez pas à “faire chrétien”. » C’est un encouragement à tous ceux qui sont artistes. Le livre de Michael Edwards contribue à cela avec un accent mis sur la Bible et la poésie.

+ Hubert Herbreteau