Prière, paix et contemplation au sommet du Mont-Saint-Michel

Pour fêter les mille ans de la pose de la première pierre de l’église abbatiale du Mont-Saint-Michel, le Centre des monuments nationaux et l’Établissement public national du Mont Saint-Michel proposent un programme artistique et culturel d’exception depuis la fin mai jusqu’en novembre 2023. Ces célébrations sont aussi l’occasion d’évoquer la présence priante des Fraternités monastiques de Jérusalem au sein de l’abbaye de la Merveille de l’Occident. Par Florence de Maistre.

baie Mont Saint Michel“Je rends grâce de vivre en ce lieu, qui s’inscrit dans une longue histoire, tout en étant en plein cœur du monde. Aujourd’hui, le Mont-Saint-Michel est avant tout un site touristique. Mais les visiteurs ont cette possibilité réelle de faire un pas de plus vers le Seigneur”, indique sœur Claire-Annaël, prieure de la communauté des sœurs de la Fraternité monastique de Jérusalem (FMJ) présente à l’abbaye du Mont-Saint-Michel. Le site unique, Merveille de l’Occident, reçoit chaque année près de 3 millions de visiteurs. Son abbaye, fondée par Hildebert II en 1023 est la propriété de l’État et gérée par le Centre des monuments nationaux. Elle accueille depuis 2001, à la suite de l’appel de Mgr Jacques Fihey alors évêque de Coutances et Avranches, deux communautés de moines et de moniales des Fraternités Monastiques de Jérusalem.

C’est très fort pour moi d’être un témoin privilégié de ces clins d’œil du Seigneur

Des hommes et des femmes de prière

Quatre frères de 45 à 75 ans, et sept sœurs de 32 à 62 ans, vivent actuellement pleinement leur vocation de contemplatifs avec ce désir d’être un oasis de paix au cœur de cet îlot rocheux où les foules affluent. Leur mission ? Prier avec et pour tous ceux passent ! La prière se fait intercession pour tous les pèlerins qui s’ignorent et communion pour tous ceux qui désirent et osent participer à un office de la liturgie du jour. “Nous menons d’abord une vie monastique de prière, mais dans un lieu d’accueil. À chaque célébration, nous nous tenons à la porte pour accueillir les visiteurs”, précise frère Théophane, prieur de la communauté des frères. Les offices célébrés des laudes, des vêpres, ainsi que la messe au milieu du jour sont ouverts et accessibles à tous, gratuitement. Ils peuvent compter trois à quatre personnes comme plusieurs centaines ! “Ce lieu atypique est très exigeant pour nous en termes de disponibilité. Mais c’est un lieu de première annonce pour de nombreuses personnes et d’une manière toute simple : en ouvrant la porte pour la prière. Il y a des convaincus, des personnes qui viennent pour saint Michel et savent ce qu’elles font. D’autres ne savent plus faire un signe de croix tout en souhaitant transmettre quelque chose à leurs enfants. L’enjeu ? Être une présence fraternelle. L’abbaye, comme tout clocher, montre le ciel. Nous sommes aussi un signe : quatre frères et sept sœurs au milieu de 3 millions de personnes ! Nous sommes là pour que les gens se laissent entraîner vers plus de bien, qu’ils repartent en ayant fait une expérience différente. C’est très fort pour moi d’être un témoin privilégié de ces clins d’œil du Seigneur, souligne sœur Claire-Annaël.

Une mission partagée

L’accueil à l’abbaye se traduit aussi en une petite hostellerie dans le village, confidentielle par sa taille, pour les personnes qui souhaitent vivre un temps de retraite spirituelle et viennent goûter autrement ce lieu magnifique. Mais il faut être en forme pour venir au Mont-Saint-Michel et grimper les quelque 350 marches ! Les frères et les sœurs sont particulièrement attentifs aux étudiants et jeunes professionnels qui s’y retrouvent, percevant la nécessité de partager ce qui les fait vivre : la Parole de Dieu, le combat spirituel, etc. Face aux jeunes, ils peuvent s’investir dans des enseignements ou dans un accompagnement personnalisé. Quant aux grands groupes de scouts ou d’aumôneries, ils sont orientés vers le prieuré du Mont-Saint-Michel à Ardevon, à 5 km du Mont. Ce lieu, fondé à la fois par les diocèses de Coutances et Avranches, de Rennes, Dol et Saint-Malo, et par le groupe de presse Bayard a une grande capacité d’accueil. “Nous sommes tous partenaires, l’abbaye, le prieuré, et le sanctuaire dédié à saint Michel avec l’église Saint-Pierre au cœur du village, récemment confiés à la communauté Saint-Martin. Il s’agit de pourvoir aux différents besoins spirituels et de proposer du choix. Nous vivons une belle collaboration dans notre diversité : c’est une chance ! Cette mission commune portée ensemble est une très belle expérience”, relève la prieure des moniales.

Mont Saint MichelAinsi, les différentes demandes des groupes, témoignages ou interventions thématiques, sont relayées auprès des trois structures ecclésiales qui y répondent selon leurs disponibilités et contraintes propres. Au quotidien, elle se traduit encore par l’animation par les moines et moniales chaque jeudi soir d’une veillée d’adoration en l’église Saint-Pierre ou encore la présence de frère Théophane deux jours par semaine, toujours en l’église du sanctuaire, pour un temps d’accueil et de confession. Les jours de fête sont également célébrés de concert. “Les pères de la communauté Saint-Martin ont choisi de nous rejoindre en l’église abbatiale pour le Triduum pascal : nous n’allions pas célébrer chacun le nôtre à 50 m de dénivelé d’écart !”, s’exclame le prieur. Le prochain programme des festivités est également construit en synergie, en particulier le pèlerinage du millénaire de l’abbatiale en la fête de saint Aubert les 9 et 10 septembre, et le triduum de la Saint Michel, archange de la paix, du 28 septembre au 1er octobre.

S’émerveiller

Un lieu plein de contrastes ! Les moines et moniales sont unanimes sur la caractéristique première de leur lieu de vie. Contrastes entre les marées, avec la mer qui s’en va à perte de vue ou qui vient baigner le rocher. Panorama à l’horizon très large ou très étroit si le regard se tourne vers les ruelles du Mont. Variations lumineuses aux milles reflets selon l’ensoleillement ou la course des nuages. Océan humain et foule qui se presse entre 10 et 18 heures conjugué à ce sentiment de solitude que l’on peut ressentir les matins et les soirs. “Nous nous tenons disponibles à ce qui arrive”, sourit sœur Claire-Annaël. Au cœur de ces changements continuels, la vie monastique apparaît elle-même en fort clair-obscur. Elle offre en réalité des points d’ancrages salutaires. “La prière, la médiation de la Parole de Dieu nous apporte une stabilité, qui nous met en capacité d’épouser le mouvement, d’accueillir l’imprévu de la journée. Sans la dimension monastique, nous serions ballottés en tous sens”, assure fr. Théophane.

Dans ce haut-lieu d’art, d’histoire et de spiritualité, les contemplatifs n’ont de cesse de s’émerveiller, y compris dans les regards pleins d’étoiles des visiteurs. Ce quotidien aux multiples facettes nourrit de belles méditations. Soeur Claire-Annaël partage : Ici, dans cette baie et cet environnement sublime, au cœur de la Création, je prends la mesure du don gratuit de Dieu pour nous. Avec la construction de l’abbaye sur ce rocher, je vois aussi ce que l’homme peut faire de beau en donnant le meilleur de lui-même. Il y a certes, les difficultés de l’histoire, mais cette prouesse architecturale traverse les siècles ! Créature devant le Créateur, je trouve ma juste place devant le Seigneur et cela m’entraîne dans une dynamique à vouloir toujours davantage le beau et le bon, tout en restant humble.”

Dans l’action de grâce

oraisonL’initiative des célébrations du millénaire de l’église abbatiale du Mont-Saint-Michel revient au Centre des monuments nationaux. De nombreuses conférences, des concerts et autres spectacles vivants accompagnent l’exposition phare intitulée “La demeure de l’archange : 1000 ans d’histoire et de création à l’abbatiale du Mont-Saint-Michel”, qui y prendra place du 20 mai au 5 novembre 2023. Dès son élaboration, les communautés monastiques ont été interpellées pour mieux être intégrées au projet. “Je me réjouis du grand travail réalisé par cette exposition et de toutes les découvertes qu’elle va permettre. Je pense en particulier à la dimension architecturale et à cette projection de ce que l’on suppose de l’église médiévale. Il y a aussi tout un volet sur l’histoire des pèlerinages, le trésor de l’abbaye, une maquette du XVIIe du Mont-Saint-Michel conservée au musée des Plans-Relief restaurée pour l’occasion sera présentée, sans oublier le reliquaire du chef de saint Aubert qui est à l’origine de l’abbaye”, détaille fr. Théophane. Si l’exposition est bien une manifestation culturelle, elle s’appuie complètement sur des éléments cultuels. Et peut également permettre à tous ceux qui adoptent une attitude d’ouverture de se réapproprier sensiblement l’intuition originelle de la construction de l’abbaye et de son église. “C’est une joie de célébrer ce millénaire en collaboration avec le Centre des monuments nationaux. Même si le choix de la programmation artistique peut surprendre, je crois que le ferment est présent. Il va prendre”, ponctue sœur Claire-Annaël.

Ce qui nourrit ma prière, c’est de voir comment cette église a la réalité d’un corps vivant, comme le corps du Christ

Les communautés ecclésiales locales se saisissent aussi de cette année-évènement pour proposer un cycle de rencontres au prieuré d’Ardevon, approfondir encore la connaissance et la spiritualité de ce site hors du commun. À noter, les moines et les moniales ont participé à la rédaction du nouveau Guide spirituel du Mont-Saint-Michel qui vient de sortir aux Éd. Salvator. Pour son lancement le 16 mai, plusieurs tables rondes ont été animées, dont une “saint Michel : qu’a-t-il à nous dire aujourd’hui ?” avec la participation d’une moniale et du recteur du sanctuaire du Mont-Saint-Michel. Frère Théophane confie à son tour ce qui l’habite en ces jours : “Le flot humain peut être déstabilisant, mais je suis davantage marqué par les différentes dimensions complémentaires de ce lieu : écrin naturel incroyable, richesse de l’Histoire de France, rendez-vous hautement spirituel avec la figure de saint Michel. Ce qui m’interpelle le plus avec ce millénaire, c’est de réaliser que le monument a une vie en lui-même. À travers l’histoire, les périodes de croissance et de décadence, des pans de murs s’effondrent et sont reconstruits. Nous nous trouvons face à une église abbatiale qui grandit au fur et à mesure de l’évolution des styles : la façade est classique, la nef romane, le chœur gothique ! Sa silhouette reconnaissable entre toutes, qui s’inscrit dans un triangle isocèle, semble la même depuis toujours. Or la flèche de Viollet-le-Duc ne date que du XIXe siècle !” Il ponctue : “Ce qui nourrit ma prière, c’est de voir comment cette église a la réalité d’un corps vivant, comme le corps du Christ. Chaque pierre est indispensable. Il y a des pierres plus abîmées que d’autres, mais toutes tiennent ensemble. Continuons à prendre soin !”

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