Mont Sainte-Odile, la montagne sainte d’Alsace

« Un bateau posé sur un rocher en surplomb de la plaine d’Alsace », voilà la belle image utilisée par le chanoine François Geissler pour évoquer le Mont Saint-Odile. Ancien délégué épiscopal aux affaires temporelles, il en est depuis bientôt trois mois le nouveau « capitaine ».

Père Geissler 2

Ce matin-là, le Père Geissler raconte « s’être levé avant 6 heures pour voir, à 7h, le soleil se lever sur la belle mer de brumes qui encerclait de toutes parts le sanctuaire et d’où émergeaient, telles des îles, les pointes de la Forêt Noire ». Situé à 763 mètres d’altitude, le Mont Sainte-Odile n’a pas, bien sûr, la hauteur des sommets des Alpes mais il est depuis le Moyen Age « la montagne sainte de l’Alsace ». Car si le saint patron du diocèse de Strasbourg est Arbogast, la patronne céleste de l’Alsace est bien Sainte Odile vénérée comme « la fille de lumière ».

Il y a la tradition. Celle-ci rapporte que la fille du duc d’Alsace, Adalric, née aveugle et rejetée, a recouvré la vue à son baptême au moment de l’onction avec le Saint Chrême avant de fonder une communauté de moniales pour mener une vie de prière et de charité. Il y a surtout la réalité de la dévotion qui a fait monter depuis treize siècles des milliers de pèlerins vers cette source de lumière intérieure.

Les bâtiments ont vécu bien des vicissitudes et des restaurations. Ils furent victimes d’incendies, virent passer différentes familles religieuses, subirent la mainmise des révolutionnaires et de privés avant de redevenir propriété en 1853 de l’évêché de Strasbourg (dont la personnalité juridique est la Mense Episcopale, établissement Public du Culte) à la suite d’une collecte populaire. Bien des trésors ont été perdus, raconte le Père Geissler. Ainsi le manuscrit de l’Hortus Deliciarum (Le jardin des délices) destiné à la formation des moniales. Mais l’ancien monastère conserve le principal : les reliques de Sainte Odile déposées dans un sarcophage dans la chapelle du tombeau.

Deuxième lieu le plus visité du Bas-Rhin, le sanctuaire, situé sur le territoire de la commune d’Ottrott, reçoit chaque année de 800.000 à 1 million de visiteurs (dont 30% d’Allemands, et même… de nombreux Coréens !) : des pèlerins, des chorales, des touristes déposés par des tour-opérateurs, des familles en balade dominicale, des politiques de tous bords, des commissaires européens, des ministres, des personnes en demande d’écoute ou d’entretien spirituel, des amateurs de culture attirés par le riche programme des conférences et concerts. Sans oublier des légions de randonneurs. Certains sont en route vers St Jacques mais la majorité fréquente les sentiers remarquablement balisés par le Club Vosgien, section des Amis du Mont Sainte Odile.

S’agissant des chrétiens du diocèse, le sanctuaire accueille à la fois des retraites clés en main organisées par des prêtres, des réunions du conseil presbytéral ou autres, des jeunes ou des étudiants et toute une chaîne de groupes divers et de doyennés qui assurent jour et nuit l’adoration du Saint Sacrement.« Cette Adoration perpétuelle a été instituée en 1931 et s’est poursuivie, y compris pendant toute la guerre. Elle continue d’être une respiration spirituelle pour le diocèse, pour l’Alsace », témoigne le Père Geissler. Pour autant « Le Mont Sainte-Odile appartient à tout le monde ». Les pèlerins ou simples touristes peuvent trouver sur place hôtellerie, restauration, boutique et une communauté internationale priante de quatre sœurs de Saint-Joseph de Saint-Marc.

Afin d’offrir davantage qu’un point de vue unique sur la plaine d’Alsace et une contemplation des splendeurs de sa basilique, le sanctuaire propose un ensemble d’offices : deux messes par jour et la prière des Heures. Un audio-guide donnant des éléments pour aller au-delà de la simple dimension architecturale est par ailleurs disponible pour les groupes. « Je souhaite redéployer des espaces de silence afin de permettre aux gens dans ce monde bruyant de l’apprécier et de s’en nourrir », précise le Père Geissler. Et il ajoute : « Ma ligne de mire consiste à œuvrer afin que ce lieu touristique reste un haut-lieu spirituel et le  devienne de plus en plus ».

Un Jubilé en 2020

Autre rêve du nouveau recteur : permettre à Sainte Odile d’être, elle aussi, co-patronne de l’Europe en travaillant à donner à cette entité politique une âme. « Il existe, explique-t-il, un lien très fort entre la société civile et l’Église sur cette dimension européenne que l’archevêque appelle de ses vœux. L’Église à travers des figures telles que St Benoît ou Cyrille et Méthode a une expertise en cette matière et les politiques ont besoin d’être soutenus et aidés. Et la figure lumineuse de Sainte Odile peut contribuer à donner un véritable avenir à l’Europe».

Autant pour cette ambition que sur les projets écologiques qui concernent le site, le Père Geissler travaille étroitement avec l’État et les collectivités locales. « Le Concordat est en cela une force extraordinaire. L’Église est reconnue comme partenaire. Chez nous, Marianne et Sainte Odile se tendent la main. », résume-t-il dans une bonne formule. Le Jubilé en préparation pour décembre 2020 (1300 ans après la mort de Sainte Odile) sur le thème « Venez et voyez » poursuit cette collaboration et va sûrement renforcer le souffle spirituel qui émane du Mont.

Chantal Joly

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