Assemblée plénière extraordinaire des évêques de France à Lyon : témoignages du diocèse de Rodez

Mardi 14 juin 2022, les diocèses réunis à Lyon pour l’Assemblée plénière extraordinaire (Apex) se sont retrouvés en carrefour pour témoigner de leur expérience synodale commencé en octobre 2021. Témoignage d’Anne Ferrand, du diocèse de Rodez.

Si vous avez sollicité notre parole, c’est que vous souhaitez entendre, parmi bien d’autres, une petite voix. C’est comme cela que nous avons reçu l’invitation. Merci ! Alors parmi les petites voix, comment ne pas réécouter la parole des personnes handicapées qui nous disaient en mars dernier : « les marges c’est nous ! » Marges nécessaires, piliers nécessaires pour constituer le puzzle Église. Invitation à affiner notre attention, à nous laisser déplacer, à écouter autrement. Une écoute qui engage !

Revenons au mois d’octobre dernier, lorsque s’ouvre le synode et l’étape diocésaine. Nous n’avons pas d’évêque pour nous lancer et nous relancer ; les sollicitations sont nombreuses… Et les ouvriers … peu nombreux. Il n’est pas facile de réunir une équipe diocésaine. Comment initier ce processus ? L’encourager, l’accompagner, sans forcer les portes et provoquer l’effet contraire ? Quels moyens et espaces inventer, pour inviter, de manières diverses ? On entend des grincements de dents, le bruit sourd des agacements, des rejets… la lassitude, le découragement… Il semble que nous sommes à court de souffle… Notre équipe diocésaine se forme malgré tout. Nous sommes cinq, et nous nous proposons d’abord de vivre entre nous quelque chose de ce que nous voulons donner. Nous avons entendu que la démarche synodale n’est pas à expliquer mais à vivre et à faire vivre. C’est de cette manière que nous initions, par une rencontre-type, avec les doyens, puis deux rendez-vous avec les paroisses, en visio… L’idée est que ceux qui auront goûté à l’expérience synodale pourront la redonner, de proche en proche.

Dans nos échanges, nous constatons que nos familles et amis sont parfois les premiers éloignés de l’Église. Comment les rejoindre et susciter leur parole ? Pour eux, nous proposons un repas sympathique et synodal. Mais les restrictions sanitaires ne sont pas aidantes. Nous avons peu de retour des groupes constitués. L’Esprit souffle, mais on ne sait pas d’où il vient, ni où il va ! Ni par où il passe ! Cela se vérifie tout au long de ces mois et nous laisse un peu dans le brouillard … En équipe diocésaine, nous accompagnons un groupe en visio, proposé largement, aux personnes ne pouvant rejoindre un groupe local. Une vingtaine de personnes répondent, de tous âges, expériences, attentes… Nous avons vécu ensemble 5 soirées. Nous avons goûté à la richesse de la diversité, d’une parole libre, sans postures d’enseignants ou d’autorité. Si différents, et des quatre coins du diocèse, timides, bavards, gêneurs, nous avons fait fraternité. Et puis… notre fragilité, le manque de ressources humaines et en même temps le désir de donner le meilleur et de provoquer un élan, nous ont conduits à faire appel à l’équipe synode-France pour accompagner la formation continue des Équipes d’Animation Paroissiale, les EAP. Ensemble nous avons construit deux journées, sur la synodalité avec Lucie et le père Hugues et sur le discernement pastoral, avec Mgr Joly.

Heureuse expérience de compagnonnage ! dans la préparation, les échanges, la disponibilité offerte, le souci de servir ce lieu d’Église. Heureuse expérience pour les quelques 80 membres des EAP présents, clercs et laïcs, de se laisser rejoindre par des visages, des voix nouvelles, enthousiastes, nous relançant dans la mission. Heureuse expérience, féconde, pour la vie en paroisse. La mise en route n’a pas été massive, mais les chemins ouverts ont donné à goûter que la vie est déjà là et demande à surgir, à grandir. Ensemble, nous avons fait une expérience, nous avons appris un style synodal, une manière de vivre et d’animer une rencontre, nous laissant habiter et orienter par l’Esprit de Dieu et sa Parole. Ce que nous avons reçu, à notre tour nous pouvons le donner : Apprendre à écouter, personnellement, et ensemble, ce que le Seigneur fait avec nous, en Église, au service du monde aujourd’hui.

« Une diversité de style »

Alors au bout de 6 mois : que nous a-t-il été renvoyé ? 31 contributions. D’abord comme un goût de déception. Une diversité de styles, de temps consacré par les groupes. Une démarche aussi difficile à vivre pour nous tous : n’est-il pas plus humain, naturel, d’inventorier nos besoins, nos déceptions, nos exigences… Plutôt que de laisser parler le Seigneur, de regarder la manière dont il continue d’écrire avec nous et d’éclairer le chemin : car l’Église est avant tout don de Dieu pour le monde. Sacrement de Dieu… Il ne s’agit pas de revendiquer de faire l’Église à notre image… à nos dimensions… Alors oui, la démarche synodale est et sera encore un apprentissage long, exigent, bouleversant et beau… et nous appelle à nous y engager encore.

Alors …Des interrogations bien sûr… des déceptions… Mais davantage : Une récolte petite et belle, que nous avons accueillie en équipe durant la Semaine Sainte et au lendemain de la Résurrection. Une récolte à l’image de notre diversité, de notre fragilité, de nos manques, de nos recherches… Une Église qui porte sa voix depuis les maisons, paroisses où les groupes se sont réunis, mais aussi une Église des plus précaires, des petits, des fragiles avec les personnes malades et handicapées, en maison d’arrêt, avec des enfants en catéchèse, avec les jeunes, les migrants…

Petit troupeau, réuni, rejoint, qui nous offre sa parole. Avec des constats pour notre Eglise en Aveyron : un manque de ressources humaines, la solitude dans la mission… et des questions : comment donner à goûter un style Église qui appelle, qui porte témoignage, qui peut faire signe aux jeunes, aux familles, qui se soucie des plus fragiles… qui fait place aux femmes dans les instances de décisions. Une Eglise qui n’attend plus que l’on vienne à elle mais qui est capable d’aller vers les périphéries… et quand on parle de périphéries chez nous, on parle aussi de ruralité…

Aujourd’hui, nous avons certainement à lire dans les creux, autant que dans ce que nous avons reçu. Si cette étape se termine, elle invite à continuer, ou à se mettre en route. Et à la lecture de la synthèse, les premières réactions s’échangent : nous entendons les frustrations de ceux dont la voix ne nous est pas parvenue et auraient finalement désiré partager des initiatives, des recherches…

Le processus nous engage à ne pas en rester dans des partages d’intentions mais à commencer à poser des pas concrets, pour faire ce que l’on dit : se donner les moyens de construire une Église Fraternité, une Eglise-Famille. Se former, se préparer à aller vers ceux qui ne sont pas là. Inventer des chemins nouveaux, oser une Eglise missionnaire, dans la coresponsabilité, la complémentarité des vocations, une Eglise qui accueille la réalité non comme fatalité, mais comme bonne nouvelle, dans la crise à traverser, dans l’épreuve et dans l’espérance.

Accompagner le processus synodal est un lieu de miséricorde, de conversion, de combat… d’humilité devant les écarts, les manques, les habitudes tenaces… Un lieu de gratitude dans l’accueil de ce qui est donné, par tous, et en particulier de la part des plus petits. Un lieu de vérification, qui nous met en travail, et nous oblige… à discerner, à nous engager, dans un chemin d’alliance, non pas tant dans du grandiose mais dans notre marche quotidienne, là où le Seigneur nous appelle et nous précède.

En Aveyron, ce temps nous invite à rendre grâce, à oser croire que notre fragilité est le lieu-même d’une fécondité possible. Quand nous n’en étions pas capables, nous avons reçu de ceux et celles qui nous ont rejoints un regard neuf, qui nous invite à renouveler le nôtre. Merci ! Le chemin continue. Il ressemble à nos chemins de campagnes, parfois tortueux, mais beaux, lorsque l’on arrive à lever la tête pour apprécier le paysage, lorsque l’on fait route vraiment ensemble !

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Esprit de Dieu illumine les évêques en Assemblée. Amen