Discours de clôture de l’Assemblée plénière de mars 2023

Frères et Sœurs, chers amis, vous qui êtes présents ici, évêques, membres du secrétariat général, membres du bureau de la CORREF, directrices et directeurs des services nationaux et collaboratrices et collaborateurs de notre Conférence, journalistes et autres invités, et vous qui suivez ce discours grâce à KTO.

Il me semble pouvoir vous dire ce matin que nous avons vécu, nous évêques, une assemblée qui avait une odeur de printemps. Par-delà la date rituelle de cette assemblée, la semaine qui précède le dimanche des Rameaux, sans doute aidés par le beau temps dont nous avons été gratifiés, nous avons vécu, pendant ces quatre jours, une sérénité discrète, impalpable, mais réelle et constatable, qui nous a été comme une anticipation de la joie du jardin de Pâques. Nous avons goûté cette sérénité après les échanges graves de la première matinée sur l’actualité de notre pays et du monde, lors de notre travail avec la centaine de membres des groupes de travail constitués après notre assemblée de novembre 2021, à la suite de la remise du rapport de la CIASE, grâce à la méthode originale et sérieuse des échanges proposés. Nous l’avons senti monter en nous, cette sérénité, en constatant le remarquable sérieux des analyses qui nous ont été apportées, la rigueur des propositions qui nous étaient faites et l’esprit de service du Seigneur Jésus et de son Église qui animait celles et ceux avec qui nous discutions. Nous avons eu des échanges précis, argumentés, dont quelques-uns ont pu aboutir à un constat de divergence ou d’incompréhension, dont d’autres ont pu déboucher sur un accord nouveau, des quiproquos ou des malentendus étant levés, tous ces échanges visant néanmoins un seul but : que l’Église que nous servons soit libérée du poids des violences et agressions sexuelles et davantage apte à proclamer la nouvelle incroyable et bouleversante de la Résurrection.

Vous qui n’avez pas participé à ces moments, imaginez-vous la grande nef de la basilique Sainte-Bernadette, organisée en dix stands, et les cent évêques passant chacun à sa guise de l’un à l’autre, examinant les propositions faites, les appréciant une à une, accueillis par les cent membres des groupes de travail, qui réagissaient aux réactions ainsi marquées, qui expliquaient, argumentaient, tandis que des tables-rondes accueillaient ceux qui voulaient approfondir un sujet. Voyez les mêmes, répartis le lendemain, mercredi matin, par tables, se concentrant pour améliorer ensemble, évêques et membres des groupes de travail, la rédaction des propositions faites, pour aboutir à des textes qui puissent être reçus non seulement par nous autres, évêques, mais, nous l’espérons, nous le souhaitons, par l’ensemble des fidèles.

En ces heures nous avons senti se nouer entre nous, membres des groupes de travail et évêques, une estime et une confiance nouvelles ou renouvelées, dans lesquelles nous reconnaissons quelque chose du « un seul cœur et une seule âme » qui unissait la communauté de Jérusalem, selon le livre des Actes des Apôtres. Nous avons été impressionnés, je crois, de retrouver en ces discussions certaines personnes victimes qui nous accompagnent depuis 2018, d’autres qui ont accepté plus récemment de rejoindre notre processus. Nous les remercions avec respect et reconnaissance pour ce qu’elles nous aident à percevoir des faiblesses, des scléroses, des risques de notre Église, et aussi de l’espérance malgré tout ouverte.

La sérénité imprégnait encore nos discussions de jeudi après-midi, dans la même basilique Sainte-Bernadette, à propos de la transformation des structures de notre Conférence. Cette séance de travail faisait aboutir un chemin d’un an et demi, vécu sous la conduite patiente et attentive des consultants de Nexus. Je dois saluer ici Matthieu Daum, Étienne Gueydon, Stéphanie Léonard et Éric Langevin sans oublier Nancy Bragard dont l’accent américain est un des bons souvenirs de nos rencontres de septembre et octobre 2021. Il y a bien des manières de comprendre une transformation de structures. C’est toujours un risque : passer d’un système familier à un nouveau qui reste à bâtir. Nous nous y sommes engagés, il est important de le redire, d’une part en raison des contraintes budgétaires qu’il est raisonnable de prévoir et d’autre part afin de donner aux structures de notre Conférence plus d’élan missionnaire et plus de souplesse pour faire face aux défis du monde présent.

Sur les deux sujets nous avons pu échanger une dernière fois hier matin, jeudi, et nous avons pu vérifier qu’il vaut toujours la peine de prendre le temps de nous éclairer mutuellement tous réunis dans l’hémicycle. Les inquiétudes des uns, les interrogations des autres, les enthousiasmes des troisièmes, se composent et nourrissent la réflexion de chacun. En tous ces échanges, nous avons approfondi notre volonté de chercher ensemble les moyens les meilleurs de servir les Églises particulières auxquelles nous sommes envoyés et aussi de recevoir avec humilité et confiance l’aide des membres du peuple de Dieu dans leur diversité. Nous ne pouvons pas oublier les crimes, les violences, les agressions commises et l’incapacité globale de l’Église en France comme ailleurs de les repérer, de les dénoncer, de les traiter avec clarté. Nous ne pouvons surtout pas oublier les souffrances portées encore par des personnes beaucoup plus nombreuses que nous ne nous le représentions jusqu’à récemment. Nous avons appris ces dernières années à écouter les personnes victimes. Certains membres des groupes de travail ont tenu à nous dire qu’ils nous avaient trouvé changés dans notre attitude globale et qu’ils en avaient reçu de la joie.

Cela dit, chers Frères et Sœurs, chers amis, nous ne sommes pas naïfs. Si j’évoque le printemps, si cette assemblée a eu précocement une saveur de jardin de Pâques, la liturgie de la Messe nous a ramenés jour après jour au prix de la réalité. Nous avons contemplé jeudi le « Je suis » solennel du Seigneur Jésus qui nous fait entrer dans l’alliance nouvelle et éternelle, nouvelle parce que sans cesse rajeunie en Celui qui ne cesse de dire « oui » au Père qui l’a envoyé. Ce « Je suis », nous en recevons la permanence et le dynamisme en chaque Eucharistie que nous célébrons, dans la force si faible ou la faiblesse si forte de la parole : « Ceci est mon Corps livré pour vous, ceci est mon Sang versé pour vous », par quoi Jésus, le Messie d’Israël et la lumière des nations, fait de nous « un seul corps et un esprit en lui », « une éternelle offrande à la gloire du Père ». Mercredi, nous avons entendu le Christ proclamer : « La vérité vous rendra libres » mais aussi nous a été rappelé que ceux qui entendent cette parole sont ceux et celles qui acceptent d’entendre aussi : « La vérité est morte. On n’en parle plus », sentence redoutable du prophète Jérémie qui dénonce la disjonction toujours possible entre la bonne conscience des hommes et des femmes religieux, l’autosatisfaction qui n’est jamais très loin de l’attitude religieuse et la vérité du respect et de l’attention à autrui et la justice sociale. Nos travaux de ces jours nous amenaient à prendre pour nous la dénonciation du prophète et la promesse du Seigneur. La vérité qui nous rend libres n’est pas l’énoncé de vérités même de foi mais leur profession à partir de notre propre chair et jusque dans le détail de nos comportements, avec la volonté de nous arracher ou de nous laisser arracher à l’attraction mortifère du péché qui se retrouve dans nos peurs, nos médiocrités, nos besoins de plaire ou de posséder. Et nous savons qu’un tel arrachement ne nous est possible que par Celui qui est descendu d’en haut pour nous rejoindre dans notre en bas et nous entraîner avec lui dans sa gloire de Fils du Père, celui qui, comme nous l’avons médité mardi, vient nous chercher dans nos découragements, nous faire lever la tête vers le Père, source de toute vie et de toute bonté, nous conduire dans l’union avec Celui qui est au-dessus de tout, par tous et en tous.

C’est dans cette dynamique spirituelle que nous avons, comme évêques, pris les responsabilités qui sont les nôtres en nous prononçant de manière décisionnaire sur les propositions qui, au terme de tout ce travail, nous ont été soumises. Ensemble nous avons voulu exprimer notre profonde gratitude pour le travail reçu et remis. Il nous a paru essentiel d’engager les prêtres et nos autres collaborateurs et collaboratrices à travailler les analyses qui nous ont été apportées et à intégrer le plus possible dans le fonctionnement concret de nos Églises diocésaines les propositions faites. Nous souhaitons que l’intégralité des composantes de nos Églises diocésaines tirent profit des lumières, des encouragements, des recommandations qui nous ont été faites et qu’en toutes les réalités de nos diocèses soit intégré ce qui peut l’être, sans peur des changements de pratiques et de modes de pensée réflexes auxquels tout cela nous obligera. Plus encore que de procédures, nous avons besoin d’un changement de culture. Il nous faut en tous domaines plus de compétences non seulement acquises mais entretenues et augmentées ; plus de décisions préparées à plusieurs, dans l’écoute attentive de l’avis d’autres, vraiment différents, capables de se déterminer sans dépendance sinon à l’égard du Seigneur ; plus d’expériences partagées, évaluées, enrichies par l’apport d’expériences vécues dans des milieux différents du milieu ecclésial, éprouvées scientifiquement, sans naïveté sociologique, ce qui, en langage biblique se dit justice et justesse, sagesse, car le sage sait se laisser conseiller, et humilité.

Chacun des neuf groupes nous a fait un certain nombre de propositions qui, pour finir, ont été ramenées à soixante. Certaines nous ont paru confirmer ce qui a déjà été décidé, ou le prolonger un peu ; d’autres étaient plus neuves ; nous avons jugé certaines peu réalistes, dans l’état de nos forces et de notre capacité de mobiliser de bonnes volontés ; quelques-unes nous ont semblé appeler une expertise technique plus poussée que celles fournies par le groupe de travail ; beaucoup surtout dépendent pour leur mise en œuvre d’autres que nous que nous avons donc décidé d’appeler à s’impliquer.

Ainsi,

Concernant les bonnes pratiques devant des cas signalés

Les propositions invitent à harmoniser le fonctionnement et à élargir l’objet des cellules d’accueil et d’écoute. Nous demandons à nos cellules d’accueil de recevoir et travailler les analyses proposées et de voir comment les appliquer. Il se trouve qu’après avoir publié en janvier 2022 un référentiel pour ces cellules, la CEF a prévu un audit pour lequel un appel d’offres va être lancé. Cet appel d’offres inclura l’analyse des cellules existantes à l’aune du rapport proposé. Les cellules d’écoute ou d’accueil de nos diocèses sont composées de personnes compétentes, dévouées, qui ont acquis de l’expérience, donné de leur temps, entendu pour nous et avec nous des histoires effrayantes. Elles ont écouté avec persévérance des personnes qui ont été victimes alors qu’elles étaient enfants ou jeunes. Au nom de tous les évêques, je les remercie. Nous ne pouvons élargir leur rôle ou le transformer sans en parler avec elles et sans appeler d’autres personnes à les rejoindre ou à les remplacer.

Nous demandons aux cellules d’accueil de vérifier si l’évêque dispose d’un réseau suffisant de personnes compétentes pour l’assister dans le traitement d’un cas éventuel, aussi bien dans la relation au mis en cause que dans sa relation aux personnes victimes.

Nous voulons poursuivre l’harmonisation des procédures mises en œuvre dans les diocèses, en matière de signalement et de communication personnalisées aux personnes victimes, ce dernier point ayant été décidé lors de l’assemblée de novembre, et d’appels aux éventuelles victimes lorsqu’il y a lieu.

Nous attendons du Conseil de Prévention et de lutte contre la pédophilie et du Service national de protection des mineurs qu’ils examinent l’opportunité d’un observatoire donnant un rapport annuel.

Nous n’oublions pas la demande faite d’un travail sur la pastorale des personnes victimes afin que celles-ci trouvent toute leur place dans nos communautés ecclésiales.

Concernant la confession et l’accompagnement spirituel

nous demandons aux conseils presbytéraux de travailler non seulement les propositions faites mais aussi l’analyse qui y conduit. Car c’est avec les prêtres et à travers eux que nous pourrons réellement mettre en œuvre les propositions qui nous sont faites. Leur ensemble nous convainc : rendre clair que l’accompagnement spirituel est une mission reçue et adopter une charte nationale de l’accompagnement spirituel, travailler au respect du cadre du sacrement de la réconciliation, fortifier régulièrement les compétences des confesseurs, approfondir la formation des fidèles en vue de mieux vivre la célébration du sacrement, mettre en place une pénitencerie diocésaine ou interdiocésaine pour mener à bien ces tâches nouvelles, mais toutes ces mesures deviendront efficientes si les prêtres y adhérent et les prennent à leur compte. Nous voulons y travailler avec eux, avant d’élargir le travail à d’autres, dont les religieux et religieuses concernés aussi dans la CORREF.

Concernant l’accompagnement des mis en cause

Nous apprécions la recommandation qui nous est faite que l’évêque ne soit isolé ni pour décider aux différentes étapes du processus depuis la première plainte, ni dans la relation avec le prêtre ou la personne mise en cause. Nous comprenons aussi qu’il est capital de ne pas laisser l’auteur de violences sexuelles seul. Nous chargeons le Conseil pour la prévention et la lutte contre la pédophilie et le service national de la protection des mineurs de nous aider à mettre en place les moyens nécessaires pour ce suivi au cas par cas.

Concernant le discernement vocationnel et la formation des futurs prêtres

Les propositions faites sont nombreuses et riches. Nous demandons avant tout aux équipes responsables des Séminaires en France de les examiner, d’en travailler les présupposés, de les intégrer dans leurs documents structurants. En particulier nous rejoignons l’insistance du groupe de travail sur la nécessité d’évaluer la mise en œuvre de la Ratio Nationalis, c’est-à-dire le document de référence pour la formation des prêtres, et de la compléter sur quelques points, de travailler à une procédure commune d’accueil et de discernement, de fortifier la capacité des séminaristes à la relation juste en les aidant à progresser aussi dans l’auto-évaluation, mais tout cela et le reste, il convient que les Séminaires, tous différents, se l’approprient progressivement et en rendent compte aux évêques responsables et sans doute à d’autres personnes. Le Conseil national des Grands Séminaires, sous la supervision du Conseil pour les Ministères Ordonnés et les Ministères Laïcs, y veillera, nous le leur demandons expressément.

Concernant l’accompagnement du ministère du prêtre

Ce rapport aussi, nous le remettons aux conseils presbytéraux, en les invitant à le lire attentivement et à le travailler. Les mesures suggérées nous semblent sages et de nature à favoriser l’épanouissement heureux des prêtres. Mais elles ne porteront les fruits espérés que si les prêtres les reçoivent ou les désirent, les intègrent dans leur auto-compréhension et s’en servent comme des aides pour leur croissance et l’unification de leur humanité devant Dieu et devant les hommes.

Concernant l’analyse des causes des violences sexuelles dans l’Église

Ce rapport a suscité beaucoup de discussions et de débats. Nous en apprécions la richesse, nous aimerions et aimerons en discuter certaines analyses et certaines préconisations. Mais, en examinant les propositions, nous nous sommes rendu compte que nous avions ouvert deux chantiers dont le champ recouvre à peu près totalement celui des suggestions qui nous sont faites : un chantier consacré aux ministères laïcs que deux Motu Proprio de l’an passé ont relancé ou élargi et dont il faudra que nous définissions les contours pour la France sans trop tarder ; un chantier quadruple pris en charge par notre Commission doctrinale qui a organisé quatre séries de travaux entre des théologiens sur le ministère sacerdotal et les exigences éthiques du célibat, sur l’instrumentalisation possible des Écritures et la juste interprétation, sur la morale sexuelle et l’anthropologie chrétiennes, sur la distinction du pouvoir d’ordre et du pouvoir de juridiction. Ces travaux achevés devront être reçus par nous et contribuer à renouveler notre culture commune et à transformer certains rapports sociaux. La Conférence des religieuses et religieux de France avait demandé avec nous ce groupe de travail, nous verrons comment elle en reçoit le rapport et quelles suites nous pourrons donner ensemble.

Concernant la vigilance à avoir quant aux associations de fidèles menant la vie commune

l’ensemble des propositions qui nous ont été faites nous ont paru utiles et ajustées. Les appliquer nous aidera à mieux accompagner ces associations et surtout leurs membres. Cependant, les mesures proposées forment un ensemble conséquent. Elles appellent chacun d’entre nous à être prudent et, une fois encore, à ne pas rester seul même face à un projet sympathique ou prometteur de fidèles s’associant pour mener la vie commune. Notre devoir est de respecter le droit d’association des fidèles, notamment des fidèles laïcs, droit que le code de 1983 a promu, et de ne pas « contrister l’Esprit-Saint », mais notre devoir est aussi de tirer les leçons des drames désormais connus et de prendre les moyens d’accompagnement et de vigilance nécessaires. Tout ce qui nous est proposé nous paraît sage. Nous devrons nous entraider en travaillant aussi avec la CORREF qui porte avec nous ce souci pour susciter et organiser les aides qui nous sont indiqués.

Restent donc les propositions faites pour accompagner le ministère des évêques et celles concernant l’association de fidèles laïcs aux travaux de la Conférence des évêques.

En ce qui concerne ces deux sujets, nous avions des décisions à prendre qui nous engageaient au premier chef.

Quant à l’accompagnement du ministère des évêques, nous remercions très spécialement les membres du groupe de travail pour le rapport aussi riche et fourni que tous les autres qu’ils nous ont procuré. Chacun de nous a là de quoi réfléchir très concrètement à sa manière de mener son ministère, aux soutiens dont il dispose, à ce qui lui permet de se garder d’une solitude mortifère, à ce qui le rend mieux apte à servir ceux et celles à qui il est envoyé. Les évêques se sont prononcés sur chaque proposition une à une. Nous avons donc ensemble accepté le principe de visites régulières faites à chacun de nous selon les processus suggérés, nous avons ensemble accepté de définir, chacun avec son conseil presbytéral, les modalités les meilleures pour que chacun de nous rencontre individuellement et régulièrement les prêtres de son diocèse ; nous avons juste ajouté : selon la taille et les caractéristiques propres à chaque diocèse, certains d’entre eux comptant encore plus de prêtres que de jours dans l’année, de manière à ce que leur archevêque ou évêque ne se trouve pas dans une situation impossible. Nous avons accepté d’améliorer la diversité dans la composition de nos conseils, processus qui est largement en cours. Nous avons trouvé judicieuse l’idée que tout nouvel évêque dispose d’un mentor plus expérimenté et que soit retravaillée la formation des évêques, dans les cinq premières années puis tout au long du ministère. Le conseil permanent traduira concrètement les propositions faites.

En revanche, d’autres propositions n’ont pas été adoptées, ce qui ne veut pas dire qu’elles ne seront pas mises en place, sans doute parce qu’elles ont paru trop précises et pas assez générales, comme celle qui demandait qu’un délégué diocésain ou secrétaire général, homme ou femme, doté de la plus large délégation, soit institué dans chaque diocèse. Beaucoup d’entre nous en ont pris la décision, d’autres y réfléchissent. Il faut pouvoir tenir compte des possibilités de chaque diocèse. Les expériences qui démarrent permettront à d’autres d’en mesurer les bénéfices et d’ajuster aussi la définition du poste à créer. Les deux propositions qui nous engageaient à demander à la nonciature de respecter un délai de 48h entre la sollicitation d’un prêtre nommé à l’épiscopat et la réponse attendue et à inscrire sur les supports de communication de la nomination d’un nouvel évêque : « Toute personne au courant d’un empêchement grave à l’ordination épiscopale est priée de contacter la nonciature » n’ont pas obtenu les deux tiers de voix nécessaires, sans doute parce que la première peut s’imposer sans mettre le Nonce apostolique en difficulté et parce que la seconde a paru stigmatisante : l’annonce d’une nomination deviendrait l’ouverture de la possibilité de délation. En revanche, la culture de la responsabilité, qui veut que toute personne sachant des faits graves, se sente à la fois autorisée et tenue de les faire connaître et soit assurée d’être bien reçue, cette culture-là doit être encouragée. Nous y tenons.

Pour ce qui concerne l’association de fidèles laïcs aux travaux de la Conférence,

les propositions faites avaient été intégrées dans le scénario de transformation des structures de la Conférence des évêques qui nous a été soumis et elles avaient fait l’objet déjà d’une évaluation.

La proposition d’une assemblée plénière de style synodal tous les trois ans a été adoptée. Nous, évêques, nous réjouissons de cette perspective et nous avons, dans le scénario de transformation de la Conférence des évêques, enrichi la proposition en précisant comment serait choisi le thème de chaque assemblée, comment l’assemblée triennale serait préparée (par une équipe comprenant des évêques et d’autres fidèles, déjà synodale donc) et comment les votes éventuels pourraient se passer (en ouvrant la possibilité de votes consultatifs, globaux ou par collèges).  En revanche, les propositions visant à associer un groupe stable de fidèles prêtres ou diacres ou laïcs ou consacrées et consacrés tant à l’assemblée plénière qu’au conseil permanent n’ont pas été retenues. Ce résultat devra être analysé. Il semble que beaucoup d’évêques se soient interrogés sur la légitimité de la désignation de telle ou telle personne de leur diocèse pour rejoindre l’assemblée plénière ou le conseil permanent plutôt que telle autre. Nous sommes conscients aussi que ce genre de dispositif pourrait être modifié par les décisions que le Saint-Père retirera des deux sessions synodales sur la synodalité.

J’ajoute à tout cela que le Conseil de prévention et de lutte contre la pédophilie a reçu les conclusions d’un groupe de travail sur la démarche mémorielle et va s’attacher sans tarder à mettre en place des collaborations et mobiliser des compétences scientifiques, en vue de recueillir la mémoire des personnes victimes qui voudront bien déposer leur témoignage pour qu’il aide les générations à venir et que le groupe de travail sur les personnes adultes agressées dans l’Église remettra ses conclusions dans quelques mois. Nous aurons à lui donner des suites.

Voilà donc, vous vous en rendez compte, vous qui m’écoutez ce matin, un ensemble conséquent de mesures. Certains d’entre vous sont peut-être déçus, notamment celles et ceux qui, dans les groupes de travail, ont passé tant de temps à définir telle ou telle mesure précisément. Vous pouvez avoir l’impression que, sur bien des sujets, nous renvoyons le dossier à d’autres. Mais, permettez-moi d’y insister, ce n’est pas pour nous en débarrasser. C’est au contraire pour que les réflexions partagées et les décisions suggérées puissent entrer concrètement dans les faits et devenir la norme des comportements de tous et de chacun. Le conseil permanent a reçu mission de veiller à l’avancée du travail d’appropriation et de traduction en décisions concrètes chaque fois que ce sera possible et de le faire avec l’aide de deux personnes extérieures à la Conférence et l’assemblée a prévu de faire le point sur le processus en mars 2025, au terme du mandat prévu de l’actuel conseil permanent, ou de la première année du suivant.

Car il me faut encore, si vous me suivez encore, tracer succinctement les grandes lignes de la réforme des structures de la Conférence des évêques que nous venons de décider.  Ce qui a été voté ce matin-même devra être mis en forme juridique, selon le droit canonique, dans des statuts et recevoir l’approbation, en latin recognitio, du Saint-Siège. Nous espérons pouvoir y parvenir dans l’année qui vient mais peut-être les choses seront-elles plus longues à se faire, notamment en raison de la décision la plus structurante que nous avons prise. Elle consiste en effet à supprimer les conseils qui réunissent jusqu’à maintenant des évêques et des experts pour animer le travail sur un domaine précis de la vie de l’Église et aussi les services nationaux chargés du travail concret. Tout cela sera remplacé par une organisation en trois pôles missionnaires : Annonce de la foi, Dialogue Bien Commun et Solidarité, Acteurs de l’Église, et trois pôles supports : Affaires temporelles, Communication, Affaires institutionnelles et internationales. Chaque pôle sera animé par une instance d’orientation et de suivi composée d’un évêque élu par l’assemblée, d’un secrétaire général adjoint coordinateur, et de cinq évêques dont un ou deux membres du conseil permanent et cinq personnes de différents états de vie appelées par le président de l’instance. Ces pôles fonctionneront sous différentes modalités : équipes nationales pilotant un réseau, observatoires soit internes à la Conférence soit confié à une institution académique, groupes de travail temporaires et veille ou jachère. Nous espérons que l’organisation en pôles aidera à préciser la visée des efforts et des travaux accomplis en chaque domaine. Nous n’y voyons pas une solution miraculeuse, mais une manière de réfléchir autrement que nous ne l’avons fait jusque-là qui nous permettra de restructurer la maison de l’avenue de Breteuil non pas seulement sous la contrainte budgétaire mais en cherchant de nouveaux fonctionnements.

Je me dois ici, au nom de tous les évêques, de dire à nos collaboratrices et collaborateurs de l’avenue de Breteuil notre reconnaissance pour le travail qu’ils accomplissent jour après jour avec compétence, engagement, efficacité et dans un esprit de service et de foi qui nous touche. Plusieurs sont ici, beaucoup m’écoutent ou écouteront ce discours. Nous ne nous sommes pas engagés dans la transformation désormais décidée parce que les services auraient mal fonctionné mais parce que nous ne pourrons pas longtemps conserver la même amplitude d’action et la même richesse de compétences engagées avec des laïcs au lieu des prêtres, religieuses et religieux dont nous pouvions disposer auparavant. Vous savez tout cela et vous nous avez aidés à concevoir ce projet de transformation. Les mois et les années qui viennent ne seront pas toujours faciles, nous, évêques, en sommes bien sûr conscients ; il va falloir peu à peu mais sans ralentir le pas réorganiser totalement nos fonctionnements, il va nous falloir au fil du temps réduire le nombre de personnes engagées, il va nous falloir repenser l’espace même dans lequel vous travaillez. Le conseil permanent accompagnera le secrétariat général dans ce travail minutieux et délicat.

L’autre volet de la transformation concerne le conseil permanent : il va changer de taille. Alors qu’il réunissait avec le président et les deux vice-présidents l’archevêque de Paris et six évêques, trois choisis en fonction de leur ancienneté (moins de cinq ans d’épiscopat, entre cinq et dix ans, plus de dix ans) et trois en fonction de la taille de leur diocèse (moins de 500 000 habitants, entre 500 000 et un million, plus d’un million), il sera composé d’un évêque élu de chaque province élu par tous les membres de l’assemblée, soit seize évêques au total, et il bénéficiera de la présence, en plus de celle du  secrétaire général, des secrétaires généraux adjoints qui seront désormais aussi coordinateurs de pôles et  y participeront sans en être membres.

La transformation fait du Conseil permanent le gond entre les provinces et entre les différents pôles, puisque l’instance de chaque pôle comprendra un ou deux évêques membres du conseil permanent. L’idée est que la vie des provinces comme l’actualité des pôles puissent monter facilement jusqu’au conseil permanent et que les décisions ou orientations de celui-ci puissent être mieux comprises dans chacune des provinces et dans chacun des pôles. Mais l’instance décisionnaire de la Conférence demeure l’assemblée plénière des évêques. Elle s’est enrichie d’une assemblée de style synodal tous les trois ans et de la possibilité d’assemblées plénières par visioconférences entre deux assemblées tenues à Lourdes lorsque ce sera nécessaire, pour faciliter la continuité du travail commun.

Les choix qui ont été faits marquent la volonté des évêques de conserver aux assemblées tenues à Lourdes leur allure de rencontres fraternelles, consolantes et encourageantes. Elles sont à situer dans l’ensemble de la vie de l’Église qui doit être toujours davantage synodale, associant tous les membres du peuple de Dieu, mais ce courant de la vie s’exerce dans les diocèses, dans les provinces, dans les pôles désormais définis. Pour rendre possible l’exercice de notre responsabilité propre, nous, évêques, avons besoin de temps communs qui puissent être consacrés à un travail paisible et si possible sans pression ni urgence, pour parvenir au discernement le meilleur. Les assemblées de style synodal seront préparées pendant trois ans par une équipe dédiée, associant, je l’ai dit, évêques et autres fidèles. Ainsi la participation de tous, les modalités du travail, la structuration de la réflexion pourront-elles être réfléchies et mises au point avec une certaine paix. Cela dit, il est clair pour nous que la synodalité et la collégialité grandissent ensemble, que c’est au sein même du peuple de Dieu en sa diversité et dans les tensions qui le traversent que le rôle propre de ceux qui, en collège, succèdent aux apôtres pour porter l’appel du Christ et son envoi s’exerce le plus justement. C’est aussi avant tout à l’échelle de l’Église universelle que tout le collège épiscopal sert afin qu’elle aille en mission dans le monde entier, appelant l’humanité à la vie en plénitude que la collégialité a son lieu le plus sûr.

Chers amis qui m’écoutez, notre assemblée qui s’achève a aussi pris d’autres décisions : nous avons adopté les statuts nouveaux de nos associations diocésaines dont il nous faut maintenant obtenir la reconnaissance de qualité cultuelle ; nous avons adopté le principe qui permettra à nos diocèses d’apporter au fonds Selam les ressources dont il aura besoin pour soutenir le travail de reconnaissance et de réparation de l’INIRR. J’en profite pour redire notre grande gratitude à l’égard de Mme Marie Derain de Vaucresson et des membres de l’équipe qu’elle a constituée autour d’elle et pour remercier M. Gilles Vermot-Desroche pour son engagement toujours joyeux et créatif ainsi que les autres porteurs du fonds.

Nous avions commencé notre assemblée par une déclaration du conseil permanent à propos du débat en cours dans notre pays sur la fin de vie parce que nous croyons que notre pays peut mieux faire en matière d’aide active à vivre. Le conseil permanent prépare maintenant une déclaration sur la réforme des retraites. Ce texte voudrait être une contribution modeste mais déterminée à la réflexion nécessaire devant l’incompréhension rencontrée par la loi désormais votée. D’autres discussions sont annoncées entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux : puissent-elles prendre en compte la solidarité entre les générations, l’humanisation que le travail devrait contribuer à faire grandir en chacune et en chacun, les contributions sociales non comptabilisées de celles qui interrompent une carrière pour élever leurs enfants ou de celles et de ceux qui le font pour s’occuper de leurs parents. Nous avons reçu, au début de notre assemblée, un appel de la Mission de la Mer nous invitant à être attentifs à la situation difficile faite aux marins pécheurs aujourd’hui. Nous mesurons les difficultés de certains métiers et les inquiétudes que suscitent chez des personnes qui travaillent dur pour des salaires modestes les transformations des exigences des consommateurs et les mutations nécessaires de notre modèle économique.

Nous avions commencé en indiquant que nous prierions pour la paix dans la justice et la vérité en Ukraine, en Arménie, au Haut-Karabach, au Burkina-Faso, au Mali, au Niger, mais aussi au Congo-Kinshasa, au Soudan du Sud, pays où le pape François a accompli un voyage mémorable ; nous pensons au Liban, cher à notre cœurà l’Irak que trois d’entre nous et le secrétaire général ont pu visiter, impressionnés par les témoignages de foi dans le Christ et de détermination pour l’avenir reçus sur place. Nous avons évoqué aussi dans cette assemblée les JMJ de Lisbonne qui fortifieront une génération de jeunes catholiques ou non dans l’espérance, au milieu d’un univers en mutation rapide et les Jeux Olympiques et Parolympiques de Paris qui concernent aussi le diocèse de Saint-Denis et toute la France, comme une belle occasion de redire combien le sport nous aide à habiter notre corps et l’espace et à interagir les uns avec les autres, à l’échelle mondiale, nous rappelant la vocation humaine à se dépasser. Nous nous sommes réjouis de la perspective du voyage du Saint-Père à Marseille le 23 septembre prochain à l’occasion des rencontres méditerranéennes. La mer, nous le savons, n’est pas tant une séparation entre les peuples et moins encore a-t-elle à être un cimetière que, paradoxalement, un trait d’union. Elle appelle à la rencontre de ceux et celles qui diffèrent afin qu’ils enrichissent leur commune humanité. La mer est aussi source d’énergie, de nourriture, de travail. Le Pape, nous en sommes conscients, vient pour la Méditerranée, nous lui sommes reconnaissants d’avoir accepté de rencontrer au moins le temps d’une Messe le peuple de Marseille et les Français. A la veille du synode romain, cette rencontre sera pour notre Église en France un moment de joie, situant notre pays et nos Églises particulières dans le grand espace géographique, historique et culturel auquel nous appartenons. Nous avons prié avec grande intensité pour la santé du Pape.

J’ai évoqué le printemps dans lequel s’est déroulé cette session. Les fruits en sont nombreux. Ils sont savoureux. Peut-être déçoivent-ils ceux et celles qui attendaient beaucoup plus. Je pense en terminant aux personnes victimes qui crient ou parlent depuis des années, celles qui nous accompagnent, celles qui y ont renoncé et celles qui n’y ont jamais pensé. Nous avançons, nous évêques, et nous, Église en France. Pas très vite peut-être, mais certainement pourtant. Nous nous transformons. L’immense travail accompli par les groupes de travail nous aide à embarquer avec nous dans cette transformation les prêtres, les diacres, les fidèles engagés dans la mission de nos diocèses. C’est tout le corps concret de l’Église que nous appelons à agir avec nous pour que la vie de l’Église de Jésus-Christ ne soit pas marquée par l’entre-soi mais par la mission, par le cléricalisme ou le corporatisme mais par la participation, par la défense de l’institution mais par la communion. Le travail accompli au cours de cette assemblée s’inscrit dans le mouvement initié par l’appel du Saint-Père au synode sur la synodalité. Ceux qui y seront délégués et invités par le Pape pourront apporter à l’échelle de l’Église universelle les fruits de ces années de labeur et en recevoir pour nous stimulation et encouragements. En tout cas, je veux le dire fortement : nous avions conclu l’assemblée de novembre dernier, si chahutée, en nous disant devant tous les fidèles « bouleversés et résolus » ; nous sommes aujourd’hui apaisés et non moins résolus. Ce qui a été décidé en cette assemblée s’ajoute à tout ce qui a été mis en place depuis novembre 2021. Les décisions en matière de justice, de réparation, de prévention sont devenues opérationnelles. Au moment où s’ouvre une nouvelle phase de notre travail contre les abus et violences au sein de notre Eglise, il est important que nous le fassions davantage savoir.

Si nous avons senti en cette assemblée quelque chose de l’atmosphère de Pâques, nous savons que la joie de Pâques naît du mystère pascal. Nous mesurons, et cela nous a été rappelé ce matin, qu’il faut que le Fils bien-aimé descende nous arracher à nos emprisonnements et nos médiocrités, y compris nos emprisonnements et nos médiocrités d’hommes religieux. Nous nous remettons à lui pour nouer chaque année à neuf l’alliance entre les prêtres de nos diocèses et nous. Ils sont nos premiers collaborateurs, ceux avec qui nous portons le nom du Christ. Nous voulons nous laisser entraîner par lui pour nous mettre toujours davantage et toujours mieux en esprit mais aussi dans la réalité concrète de nos fonctionnements et de nos institutions aux pieds de ceux et celles à qui nous sommes envoyés, surtout les précaires, les méprisés, les victimes aussi, ceux et celles qui ont à dire des choses difficiles à entendre, ou qui supportent des réalités qui rappellent combien ce monde est abîmé, mais encore ceux et celles qui n’osent pas approcher et à qui parfois nous faisons peur. Les controverses de Jésus avec les Pharisiens qui nous ont accompagnés au long de cette semaine nous ont mis sous les yeux ce grand combat intérieur et extérieur toujours présent. Nous savons qu’au jardin de la Résurrection les apôtres ont été précédés. Sainte Marie-Madeleine et les autres saintes femmes y représentent toute l’Église naissante et c’est Marie-Madeleine qui va chercher Pierre et le disciple que Jésus aimait. En rentrant dans nos diocèses, nous allons au-devant des catéchumènes dont le parcours nous fait voir les merveilles de Dieu ; nous allons retrouver les fidèles de nos diocèses en qui nous voyons briller la sainteté du Christ, les plus âgés chez qui la sainteté a été éprouvée dans les joies et les peines de la vie, les plus jeunes qui renouvellent notre espérance. Eux tous nous précèdent souvent et nous tirent vers le Seigneur Jésus.

 

En nous quittant ce matin après ces jours de sérénité reconstituante où nous avons pu prendre des décisions importantes, nous allons retrouver nos diocèses. Pour chacun de nous, ils sont notre charge mais aussi la source de notre joie. Je vous remercie.

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