Directoire pour la catéchèse, 2ème partie : le processus de la catéchèse

Le nouveau Directoire pour la Catéchèse a été présenté en juin 2020 par Mgr Fisichella, président du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation. Le précédent Directoire publié en 1997 était le fruit du Concile Vatican II, de la publication de Catechesi tradendae de Jean Paul II en 1979, ainsi que de la publication du Catéchisme de l’Église Catholique en 1992. C’est l’occasion de rappeler ce qu’avait souligné avec force le pape François dans son discours aux catéchistes en pèlerinage à Rome à l’occasion de l’année de la foi et du congrès international des catéchistes le 27 septembre 2013 : la catéchèse n’est pas d’abord quelque chose « à faire », un travail à accomplir ou le fruit d’un goût pour l’enseignement. Il insistait sur la vocation des catéchistes, sur « l’être catéchiste » et la qualité de la vie spirituelle de ceux qui ont la charge de la catéchèse. C’est avant tout le témoignage des catéchistes qui transmet la foi par « attraction ».

CHAPITRE V

LA PÉDAGOGIE DE LA FOI

LA PÉDAGOGIE DIVINE DANS L’HISTOIRE DU SALUT

  1. La Révélation est la grande œuvre éducative de Dieu. En effet, elle peut aussi être interprétée de manière pédagogique. On y retrouve les éléments caractéristiques qui peuvent conduire à identifier une pédagogie divine, capable d’inspirer profondément l’action éducative de l’Église. La catéchèse suit également les traces de la pédagogie divine. Dès le début de l’histoire du salut, la Révélation de Dieu se manifeste comme une initiative d’amour qui s’exprime dans de nombreuses attentions éducatives. Dieu a interpellé l’homme, à qui il a demandé une réponse. Il a demandé à Adam et Ève une réponse de foi, dans l’obéissance à son commandement ; dans son amour, malgré la désobéissance, Dieu a continué à communiquer la vérité de son mystère petit à petit, progressivement, jusqu’à la plénitude de la Révélation en Jésus-Christ.
  2. Le but de la Révélation est le salut de chaque personne qui se réalise grâce à une pédagogie de Dieu originale et efficace à travers l’histoire. Dieu dans l’Écriture sainte se révèle comme un père miséricordieux, un enseignant, un sage (cf. Dt 8, 5 ; Os 11, 3-4 ; Pr 3, 11-12), qui rencontre l’homme dans la condition où il se trouve et le libère du mal, en l’attirant à lui par des liens d’amour. Progressivement et avec patience, il conduit le peuple élu vers la maturité et, ce faisant, toute personne qui l’écoute. Le Père, ingénieux éducateur, transforme les événements de son peuple en leçons de sagesse (cf. Dt 4, 36-40 ; 11, 2-7), en s’adaptant aux âges et aux situations dans lesquelles il vit. Il donne des enseignements qui seront transmis de génération en génération (cfEx 12.25-27 ; Dt 6, 4-8 ; 6, 20-25 ; 31.12-13 ; Jos 4, 20-24), il met en garde et éduque également à travers les épreuves et les souffrances (cfAm 4, 6 ; Os 7,10 ; Jr 2, 30 ; He 12, 4-1 1 ; Ap 3, 19).
  3. Cette pédagogie divine se rend également visible dans le mystère de l’incarnation lorsque l’ange Gabriel demande à une jeune femme de Nazareth de participer de manière active au pouvoir du Saint-Esprit : le fiat de Marie est la réponse plénière de la foi (cf. Lc 1, 26-38). Jésus remplit sa mission de sauveur et rend manifeste la pédagogie de Dieu. Les disciples ont fait l’expérience de la pédagogie de Jésus, dont les traits distinctifs sont décrits dans les Évangiles : l’accueil des pauvres, des simples, des pécheurs ; l’annonce du Royaume de Dieu comme bonne nouvelle : un amour de nature à libérer du mal et qui promeut la vie. La parole et le silence, la parabole et l’image deviennent une véritable pédagogie pour révéler le mystère de son amour.
  4. Jésus a pris soin de la formation de ses disciples en vue de l’évangélisation. Il s’est présenté à eux comme l’unique maître et, en même temps, comme un ami patient et fidèle (cf. Jn 15,15 ; Mc 9, 33-37 ; Mc 10, 41-45). Il a enseigné la vérité tout au long de sa vie. Il les a provoqués par des questions (cf. Mc 8, 14-21.27). Il leur a expliqué de manière plus approfondie ce qu’il proclamait à la foule (cf. Mc 4, 34 ; Lc 12, 41). Il les a initiés à la prière (cf. Lc 11, 1-2). Il les a envoyés en mission non pas tout seuls mais en tant que petite communauté (cfLc 10, 1-20). Il leur a promis le Saint-Esprit qui les conduirait à la vérité tout entière (cf. Jn 16, 13), en les soutenant dans les moments difficiles (cf. Mt 10, 20 ; Jn 15, 26 ; Ac 4, 31). Le mode de communication de Jésus se caractérise donc par des traits exclusivement éducatifs. Jésus sait en même temps accueillir et provoquer la Samaritaine sur un chemin d’acceptation graduelle de la grâce et de disponibilité à la conversion. Une fois ressuscité, il s’approche des deux disciples d’Emmaüs, marche avec eux, dialogue, partage leur douleur. Parallèlement, tout cela provoque l’ouverture de leur cœur, conduit à l’expérience eucharistique et dessille leurs yeux pour qu’ils le reconnaissent ; enfin, il se retire pour faire place à l’initiative missionnaire des disciples.
  5. Jésus-Christ est « le Maître qui révèle Dieu aux hommes et l’homme à lui-même ; le Maître qui sauve, sanctifie et guide, qui est vivant, qui parle, secoue, émeut, redresse, juge, pardonne, marche quotidiennement avec nous sur le chemin de l’histoire ; le Maître qui vient et qui viendra dans la gloire »[1]. Dans les différents moyens utilisés pour enseigner qui il était, Jésus a évoqué et suscité une réponse personnelle de ceux qui l’écoutaient. C’est la réponse de la foi et, plus profondément encore, l’obéissance de la foi. Cette réponse, affaiblie par le péché, nécessite une conversion permanente. En fait, en tant que maître présent et actif dans la vie humaine, Jésus l’instruit de l’intérieur, l’amenant à la vérité sur lui-même et le guidant vers la conversion. « La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus-Christ la joie naît et renaît toujours »[2].
  6. L’Esprit Saint, annoncé par le Fils avant sa Pâques (cf. Jn 16, 13) et promis à tous les disciples, est don et donateur de tous les dons. Les disciples ont été menés par le Paraclet à la connaissance de la vérité et ont témoigné « jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8) de ce qu’ils avaient entendu, vu, contemplé et touché du Verbe de Vie (cf. 1 Jn 1, 1). L’action de l’Esprit Saint en l’homme nous pousse à adhérer au vrai bien, à la communion du Père et du Fils, et elle le soutient de son action providentielle, afin qu’il puisse correspondre à l’action divine. En agissant au plus profond de l’homme et en demeurant en lui, le Saint-Esprit le vivifie, le conforme au Fils en lui apportant chaque don de grâce et en l’imprégnant de gratitude, ce qui est à la fois consolation et désir de toujours réaliser de plus en plus profondément sa ressemblance avec le Christ.
  7. La correspondance à l’action de l’Esprit Saint provoque un authentique renouvellement du croyant : lorsque celui-ci reçoit l’onction (cf. 1 Jn 2, 27) et que la vie du Christ lui est communiquée, l’Esprit fait de lui une créature nouvelle. Enfants dans le Fils, les chrétiens reçoivent un esprit de charité et d’adoption par lequel ils confessent leur filiation en appelant Dieu Père. L’homme, renouvelé dans sa condition de fils, est une créature pneumatique, spirituelle, capable de communion, qui se laisse pousser par le souffle du Seigneur (cf. Is 59, 19) qui, suscitant en lui « la volonté et l’action » (Ph 2, 13), lui permet de correspondre librement au bien que Dieu veut. « L’Esprit Saint, de plus, infuse la force pour annoncer la nouveauté de l’Évangile avec audace, (parrêsia), à voix haute, en tout temps et en tout lieu, même à contre-courant »[3]. Ces observations permettent de comprendre la valeur de la pédagogie divine pour la vie de l’Église, et à quel point son exemplarité apparaît déterminante également dans la catéchèse, appelée à se laisser inspirer et animer par l’Esprit de Jésus et, par sa grâce, à façonner la vie de foi du croyant.

LA PÉDAGOGIE DE LA FOI DANS L’ÉGLISE

  1. Les récits des Évangiles attestent les caractéristiques de la relation éducative de Jésus et inspirent l’action pédagogique de l’Église. Dès le début, l’Église a vécu sa mission, « comme la continuité visible et actuelle de la pédagogie du Père et du Fils. “Étant notre Mère, elle est aussi l’éducatrice de notre foi”. C’est pour ces raisons profondes que la communauté chrétienne est en elle-même une catéchèse vivante. En vertu de ce qu’elle est, elle annonce, célèbre, agit et demeure toujours le lieu vital, indispensable et premier de la catéchèse. L’Église a produit tout au long des siècles un trésor incomparable de pédagogie de la foi : tout d’abord le témoignage de saints et de saintes catéchistes. Mais aussi toute une variété de moyens et de formes originales de communication religieuse comme le catéchuménat, les catéchismes, les itinéraires de vie chrétienne : un patrimoine précieux d’enseignements catéchétiques, de culture de la foi, d’institutions et de services de la catéchèse. Autant d’aspects qui font l’histoire de la catéchèse et qui entrent de plein droit dans la mémoire de la communauté et dans la pratique du catéchiste »[4].
  2. La catéchèse s’inspire des caractéristiques de la pédagogie divine que nous venons de décrire. Elle devient ainsi une action pédagogique au service du dialogue du salut entre Dieu et l’homme. Il est donc important que ces caractéristiques s’expriment :
  • affirmer l’initiative de l’amour gratuit de Dieu ;
  • mettre en évidence la destination universelle du salut ;
  • évoquer la nécessaire conversion à l’obéissance de la foi ;
  • assumer le principe de la progressivité de la Révélation et la transcendance de la Parole de Dieu, ainsi que son inculturation dans les cultures humaines ;
  • reconnaître la centralité de Jésus-Christ, Parole de Dieu faite homme qui détermine la catéchèse comme pédagogie de lincarnation ;
  • valoriser l’expérience communautaire de la foi, comme étant propre au peuple de Dieu ;
  • élaborer une pédagogie des signes, où faits et mots se rapportent les uns aux autres ;
  • se rappeler que l’amour inépuisable de Dieu est la raison ultime de toutes choses.
  1. Le chemin de Dieu qui se révèle et sauve, uni à la réponse de foi de l’Église dans l’histoire, devient la source et le modèle de la pédagogie de la foi. La catéchèse se dessine donc comme un processus qui permet la maturité de la foi par le respect de l’itinéraire de chaque croyant. La catéchèse est ainsi une pédagogie en acte de la foi qui accomplit une œuvre à la fois d’initiation, déducation et denseignement, manifestant toujours l’unité entre ce qu’elle transmet et la manière dont elle le transmet. L’Église est consciente que l’Esprit Saint agit efficacement dans la catéchèse : cette présence fait de la catéchèse une pédagogie originale de la foi.

Critères pour l’annonce du message évangélique

  1. Dans son action catéchétique, l’Église veille à être fidèle au cœur du message évangélique. « Parfois, en écoutant un langage complètement orthodoxe, celui que les fidèles reçoivent, à cause du langage qu’ils utilisent et comprennent, c’est quelque chose qui ne correspond pas au véritable Évangile de Jésus-Christ. Avec la sainte intention de leur communiquer la vérité sur Dieu et sur l’être humain, en certaines occasions, nous leur donnons un faux dieu ou un idéal humain qui n’est pas vraiment chrétien. De cette façon, nous sommes fidèles à une formulation mais nous ne transmettons pas la substance »[5]. Pour éviter ce danger et pour que le travail d’annonce de l’Évangile soit inspiré par la pédagogie de Dieu, il est bon que la catéchèse considère certains critères qui sont fortement liés les uns aux autres, parce que provenant tous de la Parole de Dieu.

Critère trinitaire et christologique

  1. La catéchèse est nécessairement trinitaire et christologique. « Le mystère de la Très Sainte Trinité est le mystère central de la foi et de la vie chrétienne. Il est le mystère de Dieu en Lui-même. Il est donc la source de tous les autres mystères de la foi ; il est la lumière qui les illumine »[6]. Le Christ est le chemin qui mène au mystère intime de Dieu. Jésus-Christ ne transmet pas seulement la Parole de Dieu : il est la Parole de Dieu. La Révélation de Dieu en tant que Trinité est vitale pour comprendre non seulement l’originalité unique du christianisme et de l’Église, mais aussi du concept de personne en tant qu’être de relation et de communion. Sans un message évangélique clairement trinitaire, par le Christ au Père dans le Saint-Esprit, la catéchèse trahirait sa singularité.
  2. Le christocentrisme est ce qui caractérise essentiellement le message transmis par la catéchèse. Cela signifie tout d’abord qu’au centre de la catéchèse se trouve la personne de Jésus-Christ vivante, présente et efficace. L’annonce de l’Évangile consiste à présenter le Christ et tout le reste en référence à lui. En outre, puisque le Christ est « la clé, le centre et la fin de toute histoire humaine » (GS 10), la catéchèse aide le croyant à s’insérer activement en elle, montrant comment Christ est son accomplissement et sa signification ultime. Enfin, le christocentrisme signifie que la catéchèse s’engage à « transmettre ce que Jésus enseigne sur Dieu, sur l’homme, sur le bonheur, sur la vie morale, sur la mort »[7], puisque le message évangélique ne vient pas de l’homme, mais est Parole de Dieu. Souligner le caractère christocentrique du message favorise la suite du Christ et la communion avec lui.
  3. En rassemblant la foi des Pères de l’Église, la catéchèse et la liturgie ont façonné une façon particulière de lire et d’interpréter les Écritures, qui conserve aujourd’hui encore sa valeur éclairante. Cela se caractérise par une présentation unifiée de la personne de Jésus à travers ses mystères[8], c’est-à-dire d’après les principaux événements de sa vie compris dans leur signification théologique et spirituelle constante. Ces mystères sont célébrés au cours des diverses fêtes de l’année liturgique et sont représentés dans les cycles iconographiques qui ornent de nombreuses églises. Dans cette présentation de la personne de Jésus, s’unissent le donné biblique et la Tradition de l’Église : cette manière de lire l’Écriture Sainte est particulièrement précieuse dans la catéchèse. La catéchèse et la liturgie ne se sont jamais limitées à lire séparément les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, mais, en les lisant ensemble, elles ont montré comment seule une lecture typologique de lÉcriture Sainte permet de saisir pleinement le sens des événements et des textes qui racontent l’histoire unique du salut. Une telle lecture indique à la catéchèse une voie permanente, encore tout à fait d’actualité aujourd’hui, permettant à ceux qui croissent dans la foi de saisir que rien de l’Ancienne Alliance ne se perd avec le Christ, mais que tout trouve son accomplissement en lui.

Critère historico-salvifique

  1. La signification du nom de Jésus, « Dieu sauve », rappelle que tout ce qui se réfère à lui est salvifique. La catéchèse ne peut ignorer le mystère pascal avec lequel le salut a été donné à l’humanité et qui est le fondement de tous les sacrements et la source de toute grâce. La rédemption, la justification, la libération, la conversion et la filiation divine sont des aspects essentiels du grand don du salut. « L’économie du salut a […] un caractère historique puisqu’elle se réalise dans le temps. […] L’Église, en transmettant aujourd’hui le message chrétien à partir de la vive conscience qu’elle en a, fait sans cesse mémoire des événements salvifiques du passé, et les raconte. Elle interprète à leur lumière les événements actuels de l’histoire humaine dans lesquels l’Esprit de Dieu renouvelle la face de la terre, et elle demeure dans l’attente croyante de la venue du Seigneur »[9]. La présentation de la foi prendra donc en considération les faits et les paroles avec lesquels Dieu s’est révélé à l’homme à travers les grandes étapes de l’Ancien Testament, la vie de Jésus le Fils de Dieu et l’histoire de l’Église.
  2. Dans la puissance de l’Esprit Saint, l’histoire des hommes, au sein de laquelle se trouve l’Église, est une histoire de salut qui se poursuit dans le temps. En effet, le Seigneur Jésus révèle que l’histoire n’est pas sans but car elle porte en elle la présence de Dieu. L’Église, dans son pèlerinage actuel vers l’accomplissement du Royaume, est un signe efficace de la fin vers laquelle le monde est orienté. L’Évangile, principe d’espérance pour le monde entier et pour l’humanité de tous les temps, offre une vision qui inclut la confiance dans l’amour de Dieu. Le message chrétien doit donc toujours être présenté par rapport au sens de la vie, par rapport à la vérité et à la dignité de la personne. Le Christ est venu pour notre salut, car nous avons la vie en plénitude. « En réalité, ce n’est que dans le mystère du Verbe incarné que le mystère de l’homme trouve la vraie lumière » (GS 22). La Parole de Dieu, transmise par la catéchèse, éclaire la vie humaine, lui donne son sens le plus profond et accompagne l’homme sur les chemins de la beauté, de la vérité et de la bonté.
  3. L’annonce du Royaume de Dieu inclut un message de libération et de promotion humaine, intimement lié au soin et à la responsabilité vis-à-vis de la création. Le salut, donné par le Seigneur et annoncé par l’Église, concerne toutes les questions de la vie sociale. Il est donc nécessaire de prendre en considération la complexité du monde contemporain et le lien intime existant entre culture, politique, économie, travail, environnement, qualité de la vie, pauvreté, troubles sociaux, guerres[10]. « L’Évangile possède un critère de totalité qui lui est inhérent : il ne cesse pas d’être Bonne Nouvelle tant qu’il n’est pas annoncé à tous, tant qu’il ne féconde pas et ne guérit pas toutes les dimensions de l’homme, tant qu’il ne réunit pas tous les hommes à la table du Royaume »[11]. La vie éternelle sera donc l’horizon ultime de l’annonce du salut. Ce n’est qu’en cela que l’engagement en faveur de la justice et le désir de libération se réaliseront pleinement.

Critère de la primauté de la grâce et de la beauté

  1. Un autre critère de la vision chrétienne de la vie est la primauté de la grâce. Toute la catéchèse doit être « une catéchèse de la grâce, car c’est par grâce que nous sommes sauvés, et c’est encore par la grâce que nos œuvres peuvent porter du fruit pour la vie éternelle »[12]. La vérité enseignée commence donc par l’initiative aimante de Dieu et se poursuit par la réponse humaine qui provient de l’écoute et qui est toujours le fruit de la grâce. « La communauté évangélisatrice expérimente que le Seigneur a pris l’initiative, il l’a précédée dans l’amour (cf. 1 Jn 4, 10), et en raison de cela, elle sait aller de l’avant »[13]. Même dans cette conscience que les fruits de la catéchèse ne dépendent pas de la capacité de faire et de planifier, Dieu appelle bien sûr à une réelle collaboration à sa grâce, et invite donc à investir, au service de la cause du Royaume, toutes les ressources d’intelligence et d’efficacité dont l’action catéchétique a besoin.
  2. « Annoncer le Christ signifie montrer que croire en lui et le suivre n’est pas seulement quelque chose de vrai et de juste, mais aussi quelque chose de beau, capable de combler la vie d’une splendeur nouvelle et d’une joie profonde, même dans les épreuves »[14]. La catéchèse a toujours besoin de transmettre la beauté de l’Évangile qui a résonné sur les lèvres de Jésus pour tous : pauvres, simples, pécheurs, publicains et prostituées, qui se sont sentis accueillis, compris et aidés, invités et éduqués par le Seigneur lui-même. L’annonce de l’amour miséricordieux et gratuit de Dieu qui s’est pleinement manifesté en Jésus-Christ, mort et ressuscité, est le cœur du kérygme. Il y a aussi des aspects du message évangélique qui sont généralement difficiles à accepter, surtout quand l’Évangile appelle à la conversion et à la reconnaissance du péché. Or, la catéchèse n’est pas avant tout la présentation d’une morale, mais l’annonce de cette beauté de Dieu, dont on peut faire l’expérience, cette beauté qui touche le cœur et l’esprit, et transforme la vie[15].

Critère de l’ecclésialité

  1. « La foi a une forme nécessairement ecclésiale, elle se confesse de l’intérieur du corps du Christ, comme communion concrète des croyants »[16]. En effet, « lorsque la catéchèse transmet le mystère du Christ, son message retentit de la foi de tout le Peuple de Dieu tout au long de l’histoire : celle des apôtres qui l’ont reçue du Christ lui-même et de l’action de l’Esprit Saint ; celle des martyrs qui l’ont professée et la professent par leur sang ; celle des saints qui l’ont vécue et la vivent en profondeur ; celle des Pères et des Docteurs de l’Église qui l’ont magnifiquement enseignée ; celle des missionnaires qui l’annoncent sans cesse ; celle des théologiens qui aident à la mieux comprendre ; celle des pasteurs, enfin, qui la conservent avec zèle et amour et l’interprètent avec authenticité. En vérité, la foi de tous ceux qui croient et qui se laissent guider par l’Esprit Saint est présente dans la catéchèse »[17]. En outre, la catéchèse initie les croyants au mystère de la communion vécue, non seulement dans la relation avec le Père par le Christ dans l’Esprit, mais aussi dans la communauté des croyants à travers l’œuvre du même Esprit. En éduquant à la communion, la catéchèse enseigne à vivre dans l’Église et comme Église.

Critère de l’unité et de l’intégrité de la foi

  1. La foi, transmise par l’Église, est une. Les chrétiens sont dispersés dans le monde entier, mais ils forment un seul peuple. De même la catéchèse, bien qu’expliquant la foi avec des langages culturels très différents, ne fait que confesser un seul baptême, une seule foi (cf. Ep 4, 5). « Celui qui devient disciple du Christ a le droit de recevoir la parole de la foi non pas mutilée, falsifiée, diminuée, mais pleine et entière, dans toute sa rigueur et toute sa vigueur »[18]. Par conséquent, l’un des critères fondamentaux de la catéchèse sera également d’exprimer l’intégrité du message, en évitant les présentations partielles ou non conformes. En effet, le Christ n’a transmis aucune connaissance secrète à quelques élus et privilégiés (ce qu’on appelle gnose), mais son enseignement s’adresse à tous, dans la mesure où chacun est en mesure de le recevoir.
  2. La présentation de l’intégrité des vérités de la foi doit tenir compte du principe de la hiérarchie des vérités (cf. UR 11) : en réalité, « Toutes les vérités révélées procèdent de la même source divine et sont crues avec la même foi, mais certaines d’entre elles sont plus importantes pour exprimer plus directement le cœur de l’Évangile »[19]. L’unité organique de la foi témoigne de son essence ultime et permet d’être annoncée et enseignée dans son immédiateté, sans réductions ni diminutions. L’enseignement, même s’il est graduel, et adapté aux personnes et aux circonstances, ne compromet pas son unité et son caractère organique.

LA PÉDAGOGIE CATÉCHÉTIQUE

  1. Face aux défis actuels, la prise de conscience de la réciprocité entre contenu et méthode est de plus en plus importante, tant en matière d’évangélisation que de catéchèse. La pédagogie originale de la foi s’inspire de la condescendance de Dieu qui résultera concrètement de la double fidélité à Dieu et à l’homme – et, par conséquent, de l’élaboration d’une synthèse savante entre les dimensions théologiques et anthropologiques de la vie de foi. Sur le chemin de la catéchèse, le principe de lévangélisation par léducation et léducation par lévangélisation[20]rappelle, entre autres, que le travail du catéchiste consiste à trouver et à montrer les signes de l’action de Dieu déjà présents dans la vie des gens et, en s’y attachant, à proposer l’Évangile comme force transformatrice de toute l’existence, à laquelle il donnera son sens plénier. L’accompagnement d’une personne sur un chemin de croissance et de conversion est nécessairement marqué par la gradualité, car l’acte de croire implique la découverte progressive du mystère de Dieu ainsi qu’une ouverture et une confiance à son égard qui grandissent avec le temps.

Rapport avec les sciences humaines

  1. La catéchèse est une action essentiellement éducative. Elle a toujours été réalisée dans la fidélité à la Parole de Dieu et dans l’attention et l’interaction avec les pratiques éducatives de la culture. Grâce à la recherche et aux réflexions des sciences humaines, des théories, des approches et des modèles ont émergé qui renouvellent profondément la pratique éducative et apportent une contribution significative à la connaissance approfondie de l’homme, des relations humaines, de la société et de l’histoire. Leur contribution est essentielle. La pédagogie et la didactique en particulier enrichissent les processus éducatifs de la catéchèse. Avec elles, la psychologie revêt également une valeur importante, surtout parce qu’elle aide à saisir les dynamismes motivationnels, la structure de la personnalité, les éléments relatifs au malaise et aux pathologies, les divers stades de développement et les tâches évolutives, les dynamiques de la maturation religieuse et les expériences qui ouvrent l’homme au mystère du sacré. Par ailleurs, les sciences sociales et celles de la communication invitent à la connaissance du contexte socioculturel dans lequel nous vivons et qui conditionne chacun d’entre nous.
  2. La catéchèse doit éviter d’identifier l’action salvifique de Dieu avec l’action pédagogique humaine ; de plus, elle est attentive à ne pas séparer ou opposer ces processus. Dans la logique de l’incarnation, la fidélité à Dieu et la fidélité à l’homme sont profondément impliquées. Par conséquent, il faut garder à l’esprit que l’inspiration de la foi, en elle-même, contribue à une valorisation adéquate de l’apport des sciences humaines. Les approches et techniques élaborées par les sciences humaines ont de la valeur dans la mesure où elles se mettent au service de la transmission et de l’éducation de la foi. La foi reconnaît l’autonomie des réalités temporelles mais aussi des sciences (cf. GS 36) et respecte leurs logiques qui, si elles sont authentiques, sont ouvertes à la vérité de l’humain ; en même temps, cependant, elle insère de tels apports dans l’horizon de la Révélation.

CHAPITRE VI

LE CATÉCHISME DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE

LE CATÉCHISME DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE

Note historique

  1. Depuis l’époque des écrits néotestamentaires, l’Église a fait siennes des formules brèves et synthétiques pour professer, célébrer sa foi et en témoigner. Déjà au quatrième siècle, les évêques ont reçu de plus larges explicitations de la foi à travers des synthèses et des compendiums. À deux moments historiques, après le concile de Trente et dans les années qui ont suivi le concile Vatican II, l’Église a jugé opportun de proposer une exposition organique de la foi à travers un catéchisme à caractère universel, qui est un instrument de communion ecclésiale et également un point de référence pour la catéchèse[21].
  2. En 1985, lors du Synode extraordinaire des évêques, célébré à l’occasion du vingtième anniversaire de la clôture du concile Vatican II, de nombreux Pères synodaux ont exprimé le souhait que soit rédigé un catéchisme ou un compendium de la doctrine catholique concernant aussi bien la foi que la morale. Le Catéchisme de lÉglise catholique a été promulgué le 11 octobre 1992 par Jean-Paul II, suivi de lédition typique en latin le 15 août 1997. Il est le résultat de la collaboration et de la consultation de l’ensemble de l’épiscopat catholique, de nombreuses institutions théologiques et catéchétiques et d’autant d’experts et de spécialistes dans les différentes disciplines. Le Catéchisme est donc une œuvre collégiale et le fruit du concile Vatican II.

Identité, finalité et destinataires du Catéchisme

  1. Le Catéchisme est « un texte officiel du Magistère de l’Église qui recueille avec autorité, en une synthèse précise et organique, les événements et les vérités fondamentales du salut qui expriment la foi commune du Peuple de Dieu et constituent la référence de base indispensable pour la catéchèse »[22]. Il est l’expression de la doctrine de la foi de tous les temps, mais diffère des autres documents du Magistère, car son but est d’offrir une synthèse organique du patrimoine de la foi, de la spiritualité et de la théologie dans le cadre de l’histoire ecclésiale. Bien que différent des catéchismes locaux, qui sont au service d’une partie spécifique du peuple de Dieu, il n’en demeure pas moins le texte de référence sûr et authentique, nécessaire à leur préparation, en tant qu’« instrument fondamental par lequel, de manière unifiée, l’Église communique le contenu complet de la foi »[23].
  2. Le Catéchisme a d’abord été publié pour les pasteurs et les fidèles, et en particulier pour ceux qui ont une responsabilité dans le ministère de la catéchèse au sein de l’Église. Son but est de constituer « une norme sûre pour l’enseignement de la foi »[24]. C’est pourquoi il offre une réponse claire et fiable au droit légitime qu’ont tous les baptisés d’avoir accès à la présentation de la foi de l’Église dans son intégrité et sous une forme systématique et compréhensible. Le Catéchisme, précisément parce qu’il rend compte de la Tradition catholique, peut favoriser le dialogue œcuménique et peut être utile à tous ceux, y compris les non-chrétiens, qui souhaitent connaître la foi catholique.
  3. Le Catéchisme, ayant comme première préoccupation l’unité de l’Église dans l’unique foi, ne peut tenir compte de contextes culturels spécifiques. Dans tous les cas, « ce texte fournira à chaque acteur de la catéchèse une aide précieuse pour lui permettre de communiquer, au niveau de l’Église locale, l’unique et pérenne dépôt de la foi, en essayant de conjuguer, avec l’aide du Saint-Esprit, la merveilleuse unité du mystère chrétien avec la multiplicité des besoins et des situations des destinataires de son annonce »[25]. L’inculturation sera un axe important de la catéchèse dans les différents contextes.

Sources et structure du Catéchisme

  1. Le Catéchisme est offert à toute l’Église pour « une catéchèse renouvelée aux sources vives de la foi »[26]. Parmi ces sources, tout d’abord, il y a les Saintes Écritures divinement inspirées, comprises comme un seul livre dans lequel Dieu « ne dit qu’une seule Parole, son Verbe unique en qui Il se dit tout entier »[27], en suivant la vision patristique pour laquelle « le discours de Dieu, qui est développé dans toute la Sainte Écriture, est un seul et qu’un seul est le Verbe qui résonne sur la bouche de tous les auteurs sacrés »[28].
  2. Le Catéchisme puise également à la source de la Tradition qui comprend, dans ses formes écrites, une riche gamme de formulations clés de la foi, tirées des écrits des Pères, des diverses professions de foi, des conciles, du Magistère pontifical, de la ritualité liturgique orientale et occidentale, ainsi que du droit canonique. On y trouve aussi de riches citations tirées de nombreux écrivains ecclésiastiques, de saints et de docteurs de l’Église. De plus, des notes de type historique et des éléments hagiographiques enrichissent l’exposition doctrinale, qui est également renforcée par l’iconographie.
  3. Le Catéchisme est divisé en quatre parties et s’organise autour des dimensions fondamentales de la vie chrétienne, qui trouvent leur origine dans le récit des Actes des Apôtres et se fondent sur lui : « Ils étaient assidus à lenseignement des Apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières »(Ac 2, 42)[29]. C’est autour de ces dimensions que l’expérience du catéchuménat de l’Église antique s’est articulée et que la présentation de la foi dans les divers catéchismes au cours de l’histoire s’est ensuite structurée, bien qu’avec des accents et des modalités différentes. Il s’agit de : la profession de foi (le Symbole), la liturgie (les sacrements de la foi), la vie de disciple (les commandements), la prière chrétienne (le Notre Père). Ces dimensions constituent les piliers de la catéchèse et le paradigme de la formation à la vie chrétienne. En effet, la catéchèse ouvre à la foi en Dieu un et trine et à son plan de salut ; éduque à l’action liturgique et initie à la vie sacramentelle de l’Église ; soutient la réponse des croyants à la grâce de Dieu ; introduit à la pratique de la prière chrétienne.

Signification théologico-catéchétique du Catéchisme

  1. Le Catéchisme n’est pas en soi une proposition de méthode catéchétique, il ne donne pas d’indications à ce propos, il ne doit pas non plus être confondu avec le processus de catéchèse, pour lequel une médiation est toujours nécessaire[30]. Néanmoins, sa structure même « présente le développement de la foi jusqu’à toucher les grands thèmes de la vie quotidienne. Page après page, on découvre que tout ce qui est présenté n’est pas une théorie, mais la rencontre avec une Personne qui vit dans l’Église »[31]. Le Catéchisme, se référant à la globalité de la vie chrétienne, soutient le processus de conversion et de maturation. Il fait son œuvre lorsque l’intelligence des mots renvoie à l’ouverture du cœur, mais aussi quand, inversement, la grâce de l’ouverture du cœur fait surgir le désir de mieux connaître Celui en qui le croyant a placé sa confiance. La connaissance dont il est question dans le Catéchisme n’est donc pas abstraite : en fait, sa structure quadripartite harmonise la foi professée, célébrée, vécue et priée, en aidant ainsi à rencontrer le Christ, mais de manière progressive. La proposition catéchétique, en tout cas, ne suit pas nécessairement l’ordre des parties du Catéchisme.
  2. La structure symphonique du Catéchisme s’entrevoit dans le lien théologique entre son contenu et les sources, et dans l’interaction entre les Traditions occidentale et orientale. Elle reflète également l’unité du mystère chrétien et la circularité des vertus théologales et révèle la beauté harmonieuse qui caractérise la vérité catholique. En même temps, elle conjugue cette vérité de tous les temps avec l’actualité ecclésiale et sociale. De toute évidence, le Catéchisme, ainsi ordonné, promeut l’importance de l’équilibre et de l’harmonie dans la présentation de la foi.
  3. Le contenu du Catéchisme est présenté de manière à manifester la pédagogie de Dieu. L’exposition de la doctrine respecte pleinement les voies de Dieu et de l’homme et incarne les tendances saines du renouvellement de la catéchèse du XXesiècle. La narration de la foi dans le Catéchisme réserve une place d’une importance absolue à Dieu et à l’œuvre de la grâce qui, dans la répartition de la matière, occupe la majeure partie : elle est déjà en soi une annonce catéchétique. Dans la même veine, sont également exposés en filigrane tous les autres critères déjà présentés comme nécessaires à l’annonce féconde de l’Évangile : la centralité trinitaire et christologique, le récit de l’histoire du salut, la nature ecclésiale du message, la hiérarchie des vérités, l’importance de la beauté. Dans tout cela, nous pouvons lire que la finalité du Catéchisme est de susciter le désir du Christ[32], en présentant le Dieu désirable qui désire le bien de l’homme. C’est pourquoi le Catéchisme n’est pas une expression statique de la doctrine, mais un instrument dynamique, apte à inspirer et à nourrir l’itinéraire de la foi pour la vie de chaque personne et, en tant que tel, il reste valable pour le renouveau de la catéchèse.

LE COMPENDIUM DU CATÉCHISME DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE

  1. Le Compendium est un outil qui contient la richesse du Catéchisme sous une forme simple, immédiate et accessible à tous. Il fait référence à la structure du Catéchisme et à son contenu. En fait, le Compendium constitue « une synthèse fidèle et sûre du Catéchisme de lÉglise catholique. Il contient, de façon concise, tous les éléments essentiels et fondamentaux de la foi de l’Église, de manière à constituer […] une sorte de “vade-mecum” qui permette aux personnes, croyantes ou non, d’embrasser d’un regard d’ensemble la totalité du panorama de la foi catholique »[33]. L’une des caractéristiques particulières du Compendium est sa forme dialogale. Il s’agit en effet de proposer à nouveau un « un dialogue idéal entre le maître et le disciple, par une série incessante de questions qui attirent le lecteur, l’invitant à avancer dans la découverte d’aspects toujours nouveaux de la vérité de sa foi »[34]. La présence d’images qui marquent l’articulation du texte est également précieuse. Le Compendium, grâce à sa clarté et à son caractère synthétique, se présente aussi comme une aide efficace pour mémoriser les contenus de base de la foi.

CHAPITRE VII

LA MÉTHODOLOGIE DANS LA CATÉCHÈSE

LA RELATION CONTENU-MÉTHODE

  1. Le mystère de l’Incarnation inspire une pédagogie catéchétique. Cela a également des implications pour la méthodologie de la catéchèse, qui doit se référer à la Parole de Dieu et en même temps assumer les exigences authentiques de l’expérience humaine. Il s’agit de vivre une fidélité à Dieu et à l’homme pour éviter toute opposition ou séparation ou neutralité entre méthode et contenu. Le contenu de la catéchèse étant objet de la foi, il ne peut être indifféremment soumis à n’importe quelle méthode, mais il exige qu’elle reflète la nature du message évangélique avec ses sources et tienne également compte des circonstances concrètes de la communauté ecclésiale et des personnes baptisées. Il est important de garder à l’esprit que la finalité éducative de la catéchèse détermine les choix méthodologiques.

La pluralité des méthodes

  1. L’Église, tout en maintenant vivante la primauté de la grâce, ressent, avec beaucoup de responsabilité et une sincère passion éducative, la nécessité de prêter attention aux processus et à la méthode catéchétiques. La catéchèse ne dispose pas d’une méthode unique, mais est ouverte à la valorisation de diverses méthodes, qui se confrontent à la pédagogie et à la didactique, et se laissent guider par l’Évangile qui est nécessaire pour reconnaître la vérité de l’être humain. Au cours de l’histoire de l’Église, de nombreux charismes de service de la Parole de Dieu ont généré des parcours méthodologiques divers, ce qui est un signe de vitalité et de richesse. « L’âge et le développement intellectuel des chrétiens, leur degré de maturité ecclésiale et spirituelle et beaucoup d’autres circonstances personnelles exigent que la catéchèse adopte des méthodes bien diverses »[35]. La communication de la foi dans la catéchèse, qui passe aussi par les médiations humaines, reste en tout cas un événement de grâce, réalisé grâce à la rencontre de la Parole de Dieu avec l’expérience de la personne. L’apôtre Paul déclare qu’« à chacun d’entre nous, la grâce a été donnée selon la mesure du don fait par le Christ » (Ep 4, 7). La grâce s’exprime donc à la fois par des signes sensibles qui ouvrent au mystère et par d’autres voies inconnues de l’homme.
  2. Puisque l’Église n’a pas de méthode appropriée pour annoncer l’Évangile, un travail de discernement est nécessaire afin de pouvoir tout examiner et garder ce qui est bon (cf. 1 Th 5, 21). Dans la catéchèse, il est possible de valoriser, comme cela a été fait plusieurs fois au cours de l’histoire, des parcours méthodologiques plus centrés sur les faits de la vie ou plus orientés sur le message de la foi. Cela dépend des situations concrètes des catéchisés. Dans les deux cas, il faut souligner l’importance d’un principe de corrélation, qui met en relation les deux aspects. Les événements personnels et sociaux de la vie et de l’histoire trouvent une lumière interprétative dans le contenu de la foi ; celui-ci, d’autre part, doit toujours être présenté en faisant entrevoir les implications qu’il a sur la vie. Ce procédé suppose une capacité herméneutique : l’existence, si elle est interprétée par rapport à l’annonce chrétienne, se manifeste dans sa vérité ; le kérygme, d’autre part, a toujours une valeur salvifique et de plénitude de la vie.

L’EXPÉRIENCE HUMAINE

  1. L’expérience humaine est constitutive de la catéchèse, à la fois dans son identité et dans son processus, ainsi que dans ses contenus et sa méthode, car ce n’est pas seulement le lieu où l’on fait résonner la Parole de Dieu, mais aussi l’espace dans lequel Dieu parle. L’expérience des individus ou de la société tout entière doit être associée à une attitude d’amour, d’hospitalité et de respect. Dieu agit dans la vie de chacun et dans l’histoire et le catéchiste, s’inspirant du style de Jésus, se laisse rejoindre par cette présence. Cela libère du fait de penser la personne et l’histoire uniquement en tant que destinataires de la proposition et ouvre à une relation de réciprocité et de dialogue, tout en étant à l’écoute de ce que l’Esprit Saint est déjà silencieusement en train d’opérer.
  2. Dans son annonce du Royaume, Jésus cherche, rencontre et accueille les personnes dans leurs situations concrètes de vie. Même dans son enseignement, il part de l’observation des événements de la vie et de l’histoire, qu’il relit dans une optique de sagesse. La prise en compte de l’expérience de la part de Jésus a quelque chose de spontané qui transparaît surtout dans les paraboles. Celles-ci, à partir de la constatation de faits et d’expériences connus de tous, incitent les interlocuteurs à se poser des questions et à entamer un processus de réflexion intérieur. Effectivement, les paraboles ne sont pas seulement des exemples permettant de comprendre un message, mais des appels à se positionner dans la vie avec disponibilité et en harmonie avec l’œuvre de Dieu. Jésus a aidé à vivre les expériences humaines en reconnaissant la présence et l’appel de Dieu.
  3. La catéchèse, à l’instar de Jésus, aide à éclairer et à interpréter les expériences de la vie à la lumière de l’Évangile. L’homme contemporain connaît des situations fragmentaires dont il a lui-même du mal à saisir le sens unitaire. Cela peut même conduire à vivre de manière séparée la foi que l’on professe et les expériences humaines que l’on vit. La relecture de l’existence avec les yeux de la foi favorise sa vision sapientielle et intégrale. Lorsque la catéchèse néglige de corréler les expériences humaines et le message révélé, on court le danger de juxtapositions artificielles ou d’incompréhensions de la vérité.
  4. Jésus se sert des expériences et des situations humaines pour désigner des réalités transcendantes et en même temps indiquer l’attitude à adopter. Pour expliquer les mystères du Royaume, il recourt à des situations ordinaires de la nature et de l’activité de l’homme (par exemple, la graine qui pousse, le marchand à la recherche du trésor, le père qui prépare la fête des noces pour son fils…). Afin de rendre intelligible le message chrétien, la catéchèse a besoin de valoriser l’expérience humaine, qui demeure une médiation prioritaire pour accéder à la vérité de la Révélation.

LA MÉMOIRE

  1. La mémoire est une dimension constitutive de l’histoire du salut. Le peuple d’Israël est constamment invité à maintenir vivante la mémoire, à ne pas oublier les bienfaits du Seigneur. Il s’agit de garder dans son cœur les événements qui attestent l’initiative de Dieu, parfois difficiles à comprendre mais perçus en tant qu’événements salvifiques. Marie gardait dans son cœur tous ces événements (cf. Lc 2, 51). La mémoire, dans son sens le plus profond, renvoie donc à la primauté de la grâce ; à la reconnaissance des dons de Dieu et à la gratitude à cet égard ; à un mode de vie au sein d’une tradition dont on ne coupe pas les racines. La catéchèse valorise la célébration ou mémoire des grands événements de l’histoire du salut, afin d’aider le croyant à se sentir partie prenante de cette histoire. Au vu de cela, on comprend la valeur de la mémoire dans la catéchèse, en tant qu’élément essentiel à l’égard de la transmission de la Révélation. L’apôtre Pierre écrit : « Voilà pourquoi je tiendrai toujours à vous remettre cela en mémoire, bien que vous le sachiez et que vous soyez affermis dans la vérité qui est déjà là. Mais je redoublerai d’efforts pour qu’après mon départ vous puissiez en toute occasion faire mémoire de cela » (2 P 1, 12.15). La catéchèse fait partie de l’anamnèse de l’Église qui maintient vivante la présence du Seigneur. La mémoire est donc un aspect constitutif de la pédagogie de la foi depuis le début du christianisme.
  2. Selon une tradition remontant aux premiers siècles de l’Église, les croyants étaient tenus de mémoriser la Profession de foi. Celle-ci n’était pas écrite, mais restait vivante dans l’esprit et le cœur de chaque croyant afin d’en faire une nourriture quotidienne. Il est important que la catéchèse, après un approfondissement progressif qui permette de mesurer l’importance de la Profession de foi, ainsi que d’autres textes de l’Écriture sainte, de la liturgie et de la piété populaire, contribue également à les faire apprendre par cœur que ce patrimoine commun des croyants constitue une ressource immédiatement mobilisable. « Ces fleurs, si l’on peut dire, de la foi et de la piété ne poussent pas dans les espaces désertiques d’une catéchèse sans mémoire. L’essentiel est que ces textes mémorisés soient en même temps intériorisés, compris peu à peu dans leur profondeur, pour devenir source de vie chrétienne personnelle et communautaire »[36].
  3. « L’apprentissage des formules de la foi et leur profession entrent dans le cadre de l’exercice traditionnel de la “traditio” et redditio” ; c’est ainsi qu’à la transmission de la foi dans la catéchèse (traditio) correspond la réponse du sujet, lors du parcours catéchétique d’abord, puis dans la vie (redditio) »[37]. Cette réponse, cependant, n’est pas automatique, car la foi transmise et écoutée a besoin d’une réception (receptio) et d’une intériorisation appropriées. Pour surmonter les risques d’une mémorisation stérile ou le fait qu’elle soit une fin en soi, il est bon qu’elle soit envisagée par rapport aux autres éléments du processus catéchétique, tels que la relation, le dialogue, la réflexion, le silence, l’accompagnement.

LE LANGAGE

  1. Le langage, avec ses significations relationnelles, est constitutif de l’expérience humaine. La catéchèse fait face à la diversité des personnes, de leur culture, de leur histoire ou de leur environnement, à leur capacité de comprendre la réalité et à la manière dont elles le font. Il s’agit d’une action pédagogique qui s’articule autour des différents langages utilisés par les personnes concernées, et qui est elle-même porteuse d’un langage spécifique. En effet, « nous ne croyons pas en des formules, mais dans les réalités qu’elles expriment et que la foi nous permet de “toucher” […]. Cependant, ces réalités, nous les approchons à l’aide des formulations de la foi. Celles-ci permettent d’exprimer et de transmettre la foi, de la célébrer en communauté, de l’assimiler et d’en vivre de plus en plus. L’Église […] nous apprend le langage de la foi pour nous introduire dans l’intelligence et la vie de la foi »[38].
  2. Par conséquent, la catéchèse s’exprime dans un langage qui est expression de la foi de l’Église. Dans son histoire, l’Église a communiqué la foi à travers l’Écriture sainte (langage biblique), les symboles et rites liturgiques (langage symbolico-liturgique), les écrits des Pères, les symboles de la foi, les formulations du Magistère (langage doctrinal) et le témoignage des saints et des martyrs (langage performatif). Ce sont les principaux langages de la foi ecclésiale qui permettent aux fidèles d’avoir une langue commune. La catéchèse les met en valeur, explique leur signification et leur pertinence dans la vie des croyants.
  3. Dans le même temps, la catéchèse endosse de manière créative les langages des cultures des peuples, à travers lesquels la foi s’exprime de manière caractéristique, et aide les communautés ecclésiales à en trouver de nouveaux, adaptés aux interlocuteurs. La catéchèse est donc un lieu d’inculturation de la foi. En effet, « la mission est toujours la même, mais le langage avec lequel annoncer l’Évangile exige d’être renouvelé, avec une sagesse pastorale. Cela est essentiel, que ce soit pour être compris de nos contemporains ou pour que la Tradition catholique puisse parler aux cultures du monde d’aujourd’hui et les aider à s’ouvrir à la fécondité permanente du message du Christ »[39].

Le langage narratif

  1. La catéchèse valorise tous les langages qui l’aident à mener à bien ses tâches ; en particulier, elle prête attention au langage narratif et autobiographique. Ces dernières années, on note dans divers domaines culturels, la redécouverte de la narration non seulement comme outil linguistique, mais surtout comme moyen grâce auquel l’homme se comprend lui-même, comprend la réalité qui l’entoure et donne un sens à ce qu’il vit. La communauté ecclésiale prend également de plus en plus conscience de l’identité narrative de la foi elle-même, comme en témoigne l’Écriture sainte dans les grands récits des origines, des patriarches et du peuple élu, dans l’histoire de Jésus racontée dans les Évangiles et dans les récits des débuts de l’Église.
  2. Au fil des siècles, l’Église a été comme une communauté familiale qui, sous diverses formes, a continué à raconter l’histoire du salut, en incorporant ceux qui l’avaient accueillie. Le langage narratif a la capacité intrinsèque d’harmoniser tous les langages de la foi autour de son noyau central qu’est le mystère pascal. De plus, il favorise le dynamisme expérientiel de la foi puisqu’il implique la personne dans toutes ses dimensions : affective, cognitive, volontaire. Il est donc bon de reconnaître la valeur du récit dans la catéchèse, car il accentue la dimension historique de la foi et sa signification existentielle, créant un entrelacement fécond entre l’histoire de Jésus, la foi de l’Église et la vie de ceux qui la racontent et l’écoutent. Le langage narratif est particulièrement propice à la transmission du message de foi dans une culture de plus en plus pauvre en modèles de communication profonds et efficaces.

Le langage de l’art

  1. Les images de l’art chrétien, lorsqu’elles sont authentiques, à travers une perception sensible, nous font clairement deviner que le Seigneur est vivant, présent et actif dans l’Église et dans l’histoire[40]. Celles-ci constituent donc un véritable langage de la foi. Il existe un célèbre dicton : « Si un païen vous demande de lui montrer votre foi, emmenez-le dans votre église et placez-le devant les icônes »[41]. Un tel répertoire iconographique, en dépit de la grande et légitime variété de styles, fut au premier millénaire un trésor commun de l’Église indivise et joua un rôle important dans l’évangélisation car, recourant à la médiation de symboles universels, il a touché les désirs et les sentiments les plus profonds, capables d’opérer une transformation intérieure. À notre époque, les images chrétiennes peuvent donc aider à vivre l’expérience de la rencontre avec Dieu par le biais de la contemplation de leur beauté. En fait, ce sont des images qui portent sur celui qui les contemple le regard d’un Autre invisible, donnant accès à la réalité du monde spirituel et eschatologique.
  2. La mise en valeur des images dans la catéchèse renvoie à une sagesse antique de l’Église. Celles-ci, entre autres, aident à connaître et à mémoriser les événements de l’histoire du salut de manière plus rapide et immédiate. Ce que l’on nomme la biblia pauperum, un ensemble ordonné, visible par tous, d’épisodes bibliques représentés dans diverses expressions artistiques au sein des cathédrales et des églises, constitue aujourd’hui encore une véritable catéchèse. Lorsque les œuvres d’art sont soigneusement choisies, elles peuvent contribuer à montrer de manière immédiate les multiples aspects des vérités de la foi, en touchant le cœur et en permettant d’en intérioriser le message.
  3. Le patrimoine musical de l’Église, d’une valeur artistique et spirituelle inestimable, est aussi un véhicule de la foi et constitue un bien précieux pour l’évangélisation, car il insuffle le désir de l’infini dans l’esprit humain. La puissance de la musique sacrée est bien décrite par saint Augustin : « Que j’ai pleuré dans tes hymnes et tes cantiques, aux suaves accents des voix de ton Église qui me pénétraient de vives émotions ! Ces voix coulaient dans mes oreilles, et la vérité se distillait dans mon cœur ; et de là sortaient en bouillonnant des sentiments de piété, et des larmes roulaient et cela me faisait du bien de pleurer »[42]. Les chants liturgiques possèdent également une richesse doctrinale qui, transmise par le son de la musique, pénètre plus facilement l’esprit et s’imprime plus profondément dans le cœur des personnes.
  4. L’Église, qui au fil des siècles s’est située en interaction avec diverses expressions artistiques (littérature, théâtre, cinéma, etc.), est également appelée à s’ouvrir, avec un sens critique juste, à lart contemporain « y compris ces modalités non conventionnelles de beauté, qui peuvent être peu significatives pour les évangélisateurs, mais qui sont devenues particulièrement attirantes pour les autres »[43]. Cet art peut avoir le mérite d’ouvrir la personne au langage des sens, en l’aidant à ne pas rester seulement spectatrice de l’œuvre d’art, mais à s’impliquer. Ces expériences artistiques, souvent traversées par une forte recherche philosophique et spirituelle, peuvent aider à la conversion des sens, qui fait partie du cheminement de la foi ; elles invitent également à dépasser un certain intellectualisme dans lequel peut tomber la catéchèse.

Langages et outils numériques

  1. Le langage de la catéchèse traverse inévitablement toutes les dimensions de la communication et de ses outils. Les changements profonds en matière de communication, évidents au niveau technique, produisent des changements au niveau culturel[44]. Les nouvelles technologies ont créé une nouvelle infrastructure culturelle qui influe sur la communication et sur la vie des personnes. Dans l’espace virtuel, que beaucoup considèrent non moins important que le monde réel, les personnes captent des nouvelles et des informations, développent et expriment des opinions, engagent des débats, dialoguent et cherchent des réponses à leurs questions. Le fait de ne pas évaluer correctement ces phénomènes fait courir le risque d’être insignifiant pour de nombreuses personnes.
  2. Dans l’Église, on est souvent habitué à la communication à sens unique : on prêche, on enseigne et on présente des synthèses dogmatiques. De plus, le seul texte écrit peine à parler aux plus jeunes, habitués à un langage où convergent des paroles écrites, du son et de l’image. En revanche, les formes de communication numérique offrent de plus larges possibilités car elles sont ouvertes à l’interaction. Par conséquent, il est nécessaire, en plus des connaissances technologiques, d’acquérir des méthodes de communication efficaces, ainsi que d’assurer une présence dans les réseaux sociaux ou sur internet qui témoigne de valeurs évangéliques.
  3. Les technologies de l’information et de la communication, les médias sociaux, les dispositifs numériques favorisent les efforts de collaboration, le travail en commun, l’échange d’expériences et la connaissance mutuelle. « Les réseaux sociaux, en plus d’être des outils d’évangélisation, peuvent être un facteur de développement humain. Par exemple, dans certains contextes géographiques et culturels où les chrétiens se sentent isolés, les réseaux sociaux peuvent renforcer le sentiment de leur unité effective avec la communauté universelle des croyants »[45].
  4. Il est bon que les communautés s’engagent non seulement à affronter ce nouveau défi culturel, mais aussi à entrer en correspondance avec les nouvelles générations à l’aide des outils désormais couramment utilisés en matière de pédagogie. La catéchèse a aussi comme priorité d’éduquer au bon usage de ces outils et à une compréhension plus approfondie de la culture numérique, en aidant à discerner les aspects positifs des aspects ambigus. Aujourd’hui, le catéchiste doit être conscient que le monde virtuel peut laisser des traces profondes, notamment chez les plus jeunes ou les plus fragiles, et peut avoir une grande influence sur la gestion des émotions ou sur le processus de construction de l’identité.
  5. La réalité virtuelle ne peut cependant pas compenser la réalité spirituelle, sacramentelle et ecclésiale vécue dans la rencontre directe entre les personnes : « nous sommes des instruments et le problème de fond n’est pas l’acquisition de technologies sophistiquées, même si elles sont nécessaires pour une présence actuelle et valide. Qu’il nous soit toujours bien clair que le Dieu auquel nous croyons, un Dieu passionné de l’homme, veut se manifester par nos moyens, même s’ils sont pauvres, car c’est lui qui agit, c’est lui qui transforme, c’est lui qui sauve la vie de l’homme »[46]. Pour témoigner de l’Évangile, une communication authentique est nécessaire, fruit d’une réelle interaction entre les personnes.

LE GROUPE

  1. La communauté chrétienne est le sujet principal de la catéchèse. C’est pourquoi la pédagogie catéchétique doit s’efforcer au maximum de faire comprendre l’importance de la communauté en tant qu’espace fondamental pour la croissance personnelle. La forme communautaire est également visible dans la dynamique de groupe, lieu concret où l’on peut vivre « des relations nouvelles engendrées par Jésus-Christ » qui peuvent « se transformer en une véritable expérience de fraternité »[47]. Le soin apporté aux relations de groupe a une signification pédagogique : il développe le sentiment d’appartenance ecclésiale et contribue à la croissance dans la foi.
  2. Le groupe est important dans les processus de formation des personnes. Cela vaut pour tous les groupes d’âge : pour les enfants, qui font ainsi l’expérience d’une bonne socialisation ; pour les jeunes, qui ressentent profondément le besoin de relations authentiques ; pour les adultes désireux de faire l’expérience du partage et de la coresponsabilité dans l’Église et dans la société. Le catéchiste est invité à faire vivre, au sein du groupe, l’expérience de la communauté en tant qu’expression la plus cohérente de la vie de l’Église, qui trouve sa forme la plus visible dans la célébration de l’Eucharistie. Véritable lieu de relations entre les personnes, l’expérience du groupe est un terrain propice à l’accueil et au partage du message salvifique. Parallèlement à l’annonce de l’Évangile sous forme communautaire, la communication de la foi requiert également un contact de personne à personne.
  3. L’interaction constructive entre les différentes personnes fait du groupe un lieu d’échanges et de profonde communication. Quand celle-ci est intense et efficace, le groupe remplit au mieux sa fonction de soutien en termes de croissance de ses membres. En tant que réalité ecclésiale, le groupe est animé par l’Esprit Saint, véritable auteur de tout progrès dans la foi. Une telle ouverture à la grâce ne restreint pas pour autant le recours aux disciplines pédagogiques, qui considèrent également le groupe comme une réalité sociale, avec ses propres dynamiques et lois de croissance. Savoir valoriser de tels apports peut constituer une réelle possibilité de renforcer le sentiment d’identité et d’appartenance, de faciliter la participation active de chaque membre, de favoriser les processus d’intériorisation de la foi et de gérer les tensions interpersonnelles de manière positive. Toute dynamique de groupe atteint son sommet lors de l’assemblée dominicale, où, en faisant l’expérience de la rencontre du Seigneur et de la fraternité avec tous les chrétiens, le groupe mûrit dans sa disponibilité en matière de service, notamment en faveur des plus pauvres, et de témoignage dans le monde.

L’ESPACE

  1. Chaque culture, société ou communauté dispose non seulement de son propre langage verbal, imagé et gestuel, mais s’exprime et communique également à travers l’espace. De même, l’Église a attribué un sens particulier à ses espaces, en utilisant les éléments de l’architecture en fonction du message chrétien. Au fil des siècles, elle a créé des espaces propices à l’accueil des personnes et au déroulement de ses activités : célébration des mystères divins, partage fraternel et enseignement. Par exemple, dans les complexes paléochrétiens, le narthex était un espace, généralement situé entre la nef et la façade principale de l’église, destiné à abriter des pénitents et des catéchumènes. Souvent décoré de scènes bibliques ou de représentations des mystères de la foi, le narthex, à travers ces images, devenait également un espace de catéchèse. Dans la vie d’une communauté, à côté de l’espace dédié à la liturgie, les lieux consacrés à l’apostolat et à la formation chrétienne, à la socialisation et à la charité sont également importants.
  2. Les espaces réservés à la catéchèse sont des lieux à travers lesquels la communauté exprime sa propre manière d’évangéliser. Dans l’actuel contexte social et culturel, il convient de mener une réflexion sur la spécificité des lieux de la catéchèse comme instruments d’annonce et d’éducation aux relations humaines. Il est donc nécessaire que de tels environnements soient accueillants et bien entretenus, que leur atmosphère soit familière et favorise la participation sereine aux activités communautaires. Les environnements, très répandus, qui rappellent les structures scolaires ne sont pas les meilleurs endroits pour le déroulement des activités catéchétiques. Il convient donc d’adapter de tels espaces au sens effectif de la catéchèse.
  3. Il est vrai, cependant, que la dynamique de l’Église en sortie, qui passe par la catéchèse, a également des implications en termes d’espaces. Les tentatives de catéchèse en différents lieux sont à encourager : la maison, l’immeuble, les milieux éducatifs, culturels et récréatifs, la prison, etc. Ces lieux, souvent décentrés par rapport à ceux de la communauté chrétienne, sont propices à la catéchèse occasionnelle, car ils permettent des relations plus familières et la catéchèse, dans ce lien plus visible avec la vie quotidienne, peut s’avérer plus incisive.

CHAPITRE VIII

LA CATÉCHÈSE DANS LA VIE DES PERSONNES

  1. Tout baptisé, appelé à la maturité de la foi, a droit à une catéchèse appropriée. Il est donc du devoir de l’Église d’y répondre de manière satisfaisante. L’Évangile n’est pas destiné à l’homme abstrait, mais à chaque homme, réel, concret, historique, ancré dans une situation particulière et marqué par des dynamiques psychologiques, sociales, culturelles et religieuses, car « chacun a été inclus dans le mystère de la […] rédemption »[48]. D’une part, la foi n’est pas un processus linéaire et participe au développement de la personne, ce qui à son tour influence le chemin de la foi. Nous ne pouvons oublier que chaque phase de la vie est exposée à des défis spécifiques et doit faire face à la dynamique toujours nouvelle de la vocation chrétienne.
  2. Il est donc raisonnable de proposer des itinéraires catéchétiques différents selon les besoins, l’âge des sujets et leur état de vie. Il est donc indispensable de respecter les données anthropologiques sur l’évolution des personnes et la théologie pastorale, en tenant compte des sciences de l’éducation. Pour cette raison, il est important du point de vue pédagogique, dans le processus de catéchèse, d’attribuer à chaque étape sa propre importance et spécificité. À cet égard, seuls quelques éléments généraux sont indiqués, renvoyant pour de plus amples considérations aux responsables de service catéchèse des Églises particulières et des Conférences épiscopales.

CATÉCHÈSE ET FAMILLE

  1. La famille est une communauté d’amour et de vie, constituée d’un « ensemble de relations interpersonnelles – rapports entre conjoints, paternité-maternité, filiation, fraternité – à travers lesquelles chaque personne est introduite dans la famille humaine et dans la famille de Dieu qu’est l’Église »[49]. L’avenir des personnes, des communautés humaine et ecclésiale dépend en grande partie de la famille, cellule fondamentale de la société. Grâce à la famille, l’Église devient une famille de familles et s’enrichit de la vie de ces églises domestiques. Par conséquent, c’est « avec une joie intime et une profonde consolation que l’Église regarde les familles qui demeurent fidèles aux enseignements de l’Évangile, en les remerciant et en les encourageant pour le témoignage qu’elles offrent. En effet, elles rendent crédible la beauté du mariage indissoluble et fidèle pour toujours »[50].

Domaines de la catéchèse familiale

La catéchèse dans la famille

  1. La famille est une annonce de la foi en tant que lieu naturel où la foi peut être vécue de manière simple et spontanée. Celle-ci « a une prérogative unique : transmettre l’Évangile en l’enracinant dans un ensemble de profondes valeurs humaines. Sur cette base humaine, l’initiation à la vie chrétienne est plus profonde : l’éveil au sens de Dieu, les premiers pas dans la prière, l’éducation de la conscience morale et la formation du sens chrétien de l’amour humain, conçu comme le reflet de l’amour de Dieu créateur et Père. Il s’agit en somme d’une éducation chrétienne plus témoignée qu’enseignée, plus occasionnelle que systématique, plus permanente et quotidienne que structurée selon des périodes »[51].
  2. La vie conjugale et familiale, vécue selon le dessein de Dieu, constitue déjà en soi un Évangile, dans lequel on peut lire l’amour libre et patient de Dieu pour l’humanité. En vertu du sacrement du mariage, les conjoints chrétiens participent au mystère d’unité et d’amour fécond qui existe entre le Christ et l’Église. La catéchèse dans la famille a donc pour tâche de faire découvrir aux protagonistes de la vie de famille, en particulier aux époux et aux parents, le don que Dieu leur donne à travers le sacrement du mariage.

La catéchèse avec la famille

  1. LÉglise annonce lÉvangile à la famille. La communauté chrétienne est famille des familles et est elle-même famille de Dieu. Communauté et famille sont, l’une pour l’autre, une référence constante et réciproque : tandis que la communauté reçoit de la famille une compréhension de la foi immédiate et naturellement liée aux événements de la vie, la famille reçoit à son tour de la communauté une clé explicite pour relire dans la foi sa propre expérience. Consciente de ce lien profond, l’Église, dans sa préoccupation évangélisatrice, annonce l’Évangile aux familles, en leur permettant d’expérimenter qu’il s’agit là d’« une joie qui remplit le cœur et la vie tout entière, car dans le Christ nous sommes libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement »[52].
  2. À l’heure actuelle, la catéchèse avec les familles est traversée par le kérygme, car « face aux familles et au milieu d’elles, doit toujours et encore résonner la première annonce, qui constitue ce qui est plus beau, plus grand, plus attirant et en même temps plus nécessaire et qui doit être au centre de l’activité évangélisatrice »[53]. De plus, dans la dynamique de la conversion missionnaire, la catéchèse avec les familles se caractérise par un style de compréhension humble et une annonce concrète, non théorique et détachée des problèmes des personnes. La communauté, dans son engagement évangélisateur et catéchétique à l’adresse des familles, réalise des parcours de foi qui les aident à avoir une conscience claire de leur propre identité et de leur propre mission : elle les accompagne et les soutient donc dans leur tâche de transmission de la vie, les aide dans l’exercice de leur tâche éducative d’origine et promeut une spiritualité familiale authentique. De cette manière, la famille prend conscience de son rôle et devient, au sein de la communauté et avec elle, un sujet actif de l’œuvre d’évangélisation.

La catéchèse de la famille

  1. La famille annonce lÉvangile. En tant qu’Église domestique fondée sur le sacrement du mariage qui a également une dimension missionnaire, la famille chrétienne participe à la mission évangélisatrice de l’Église et est donc sujet de la catéchèse. « L’effort de transmettre la foi aux enfants, dans le sens de faciliter son expression et sa croissance, aide à ce que la famille devienne évangélisatrice, et commence spontanément à la transmettre à tous ceux qui s’approchent d’elle et même en dehors du cercle familial »[54]. La famille est donc appelée, en plus du service éducatif connaturel des enfants, à contribuer à l’édification de la communauté chrétienne et à témoigner de l’Évangile dans la société. « Le ministère d’évangélisation et de catéchèse de l’Église domestique doit demeurer en union étroite et s’harmoniser consciemment avec tous les autres services d’évangélisation et de catéchèse existant et agissant dans la communauté ecclésiale, soit diocésaine, soit paroissiale »[55]. La catéchèse de la famille sera donc constituée par toutes les contributions spécifiques que les familles chrétiennes apportent, avec leur propre sensibilité, aux différents itinéraires de foi que la communauté propose.

Indications pastorales

  1. L’Église dans sa sollicitude maternelle accompagne ses propres enfants tout au long de leur existence. Elle reconnaît cependant que certains moments sont des passages décisifs, dans lesquels l’homme se laisse plus facilement toucher par la grâce de Dieu et se rend disponible pour entamer un itinéraire de foi. Dans de tels parcours, il conviendra de valoriser l’aide généreuse et précieuse d’autres couples qui vivent depuis longtemps l’expérience du mariage. La communauté devra surtout être attentive aux moments indiqués ci-dessous.
    a. La catéchèse des jeunes et des adultes qui se préparent au mariage[56]prévoit une formation assez loin en amont, à un moment intermédiaire et immédiatement avant la célébration du sacrement du mariage, présenté comme une véritable vocation. Dans ces itinéraires de foi, graduels et continus, tout en favorisant l’inspiration catéchuménale, « il faut donner priorité – en même temps qu’à une annonce renouvelée du kérygme – à ces contenus qui, communiqués de manière attractive et cordiale, aident [les fiancés] à s’engager de tout cœur et généreusement dans un parcours qui durera toute la vie. […] Il s’agit d’une sorte d’initiation au sacrement du mariage qui leur apporte les éléments nécessaires pour pouvoir le recevoir dans les meilleures dispositions et commencer avec une certaine détermination la vie familiale »[57]. Là où elle est encore utilisée, il est bon d’abandonner la dénomination de cours de préparation au mariage, afin de restituer à ce parcours sa signification de formation et catéchétique.
    b. La catéchèse des jeunes couples dépoux[58]est la catéchèse proposée sous une forme mystagogique aux jeunes mariés après le mariage, pour leur faire découvrir ce qu’ils sont devenus grâce au sacrement célébré. Il est bon que ces itinéraires de formation, à la lumière de la Parole de Dieu, orientent la vie des jeunes couples de sorte qu’ils prennent de plus en plus conscience du don et de la mission reçus.
    c. La catéchèse des parents qui demandent le baptême pour leurs enfants : la communauté, en la personne des catéchistes, devra prendre soin d’accueillir, d’écouter et de comprendre les motivations de la demande des parents, de préparer un chemin approprié pour qu’ils puissent réveiller la grâce du don de la foi qu’ils ont reçu. Il est bon que les parrains et marraines soient également impliqués dans cet itinéraire et que celui-ci puisse se dérouler dans un laps de temps suffisant.
    d. La catéchèse des parents dont les enfants suivent la voie de linitiation chrétienne : la communauté favorise l’implication des parents dans le parcours d’initiation de leurs enfants car, pour certains, il s’agit d’un moment d’approfondissement de la foi, et pour d’autres d’un authentique espace de première annonce.
    e. La catéchèse intergénérationnelle prévoit que le chemin de la foi soit une expérience de formation non destinée à un âge particulier, mais partagée entre plusieurs générations au sein d’une famille ou d’une communauté, dans le sillage de l’année liturgique. Cette proposition valorise l’échange d’expériences de foi entre générations, en s’inspirant des premières communautés chrétiennes.
    f. La catéchèse dans les groupes dépoux et dans les groupes de familles a comme protagonistes les mêmes couples d’époux. De tels itinéraires catéchétiques visent à développer une spiritualité conjugale et familiale, capable de redonner de la vigueur et un élan à la vie matrimoniale, en redécouvrant la dimension sponsale de l’alliance entre Dieu et les hommes et le rôle de la famille dans l’édification du Royaume de Dieu.

Nouveaux scénarios familiaux

  1. La précarité et l’imprévisibilité des processus sociaux et culturels en cours ont également altéré, entre autres, la notion et la réalité de la famille. Les crises conjugales et familiales sont en augmentation, et se résolvent souvent en donnant naissance à « de nouvelles relations, de nouveaux couples, de nouvelles unions et de nouveaux mariages, qui créent des situations familiales complexes et problématiques quant au choix de la vie chrétienne »[59]. Malgré les blessures, la perte de sa signification transcendante et la fragilité qui la caractérise, il y a cependant une nostalgie de la famille, car nombreux sont ceux qui, ressentant sa valeur, la recherchent encore et sont désireux d’en construire une.
  2. Avec beaucoup d’attention, de respect et de sollicitude pastorale, l’Église veut accompagner ces enfants marqués par un amour blessé, qui se retrouvent dans une condition plus fragile, en leur redonnant confiance et espérance. « Dans la perspective de la pédagogie divine, l’Église se tourne avec amour vers ceux qui participent à sa vie de façon imparfaite : elle invoque avec eux la grâce de la conversion, les encourage à accomplir le bien, à prendre soin l’un de l’autre avec amour et à se mettre au service de la communauté dans laquelle ils vivent et travaillent »[60]. Il est important que chaque communauté chrétienne regarde avec réalisme les réalités familiales hétérogènes, avec leurs lumières et leurs ombres, afin de les accompagner de manière adéquate et de discerner la complexité des situations, sans céder à des formes d’idéalisation et de pessimisme. En somme, afin d’intégrer tout le monde, « on doit aider chacun à trouver sa propre manière de faire partie de la communauté ecclésiale, pour qu’il se sente objet d’une miséricorde imméritée, inconditionnelle et gratuite »[61].
  3. Accompagner dans la foi et introduire à la vie communautaire des situations dites irrégulières « implique de prendre très au sérieux chaque personne et le projet que le Seigneur a sur elle »[62]avec un style de proximité, d’écoute et de compréhension. En plus de l’accompagnement spirituel personnel, les catéchistes trouvent des moyens d’encourager la participation de ces frères également à la catéchèse : dans des groupes spécifiques constitués de personnes qui partagent la même expérience conjugale ou familiale ; ou dans d’autres groupes de familles ou d’adultes déjà existants. De cette façon, il est possible d’éviter les formes de solitude ou de discrimination et de susciter le désir d’accueillir et de répondre à l’amour de Dieu.

LA CATÉCHÈSE AVEC LES ENFANTS ET LES JEUNES

  1. « Cette tranche d’âge, que l’on divise d’ordinaire en petite enfance ou âge préscolaire, et en enfance, possède, aux yeux de la foi et de la raison, la grâce des commencements de la vie »[63]caractérisée par la simplicité et la gratuité de l’accueil. Déjà saint Augustin désignait la petite enfance et l’enfance comme des moments où l’on apprend à dialoguer avec le Maître qui parle intérieurement. C’est dès l’âge le plus tendre que l’on doit aider l’enfant à percevoir et à développer le sens de Dieu et l’intuition naturelle de son existence (cf. GE 3). L’anthropologie et la pédagogie confirment en effet que l’enfant est capable de Dieu et que ses interrogations sur le sens de la vie naissent même là où les parents sont peu attentifs à l’éducation religieuse. Les enfants ont la capacité de poser des questions sensées au sujet de la création, de l’identité de Dieu, du bien et du mal et sont capables de se réjouir du mystère de la vie et de l’amour.
  2. Les études menées par les sciences socio-psychopédagogiques et les sciences de la communication sont d’une grande utilité pour décrire la physionomie concrète des enfants, qui ont des situations de vie très variées dans différents contextes géographiques. Les variables sociales et culturelles, en effet, influencent grandement la condition des enfants et des jeunes, la perception de leurs besoins par les adultes, la façon de comprendre et de vivre les dynamiques familiales, l’expérience scolaire, la relation avec la société et le rapport à la foi. En particulier, il faut prendre en compte la condition des enfants du numérique qui caractérise une grande partie des enfants dans le monde. Il s’agit d’un phénomène de portée mondiale, dont les conséquences ne sont pas encore clairement perceptibles, mais qui sont certainement en train de modifier les modalités cognitives et relationnelles des nouvelles générations, influençant aussi, en quelque sorte, l’élan naturel vers l’expérience religieuse.
  3. En outre, il est important de considérer que nombre d’enfants et de jeunes ressentent fortement la fragilité des liens au sein de la famille, même dans des situations de bien-être économique ; d’autres, en revanche, vivent encore aujourd’hui dans des conditions environnementales fortement marquées par la pauvreté, la violence, l’instabilité. Pour ces enfants, qui pour diverses raisons souffrent d’un manque de références fiables pour la vie, la possibilité de connaître et d’aimer Dieu est souvent réduite. La communauté ecclésiale devra si possible entamer le dialogue avec les parents, en les soutenant dans leur tâche éducative ; être présente et se rendre disponible pour toujours offrir cette sollicitude maternelle et cette attention concrète : première annonce fondamentale de la bonté providentielle de Dieu.
  4. La petite enfance, ou l’âge préscolaire, est un moment décisif de découverte de la réalité religieuse, où l’on acquiert des parents et du milieu de vie une attitude d’ouverture et d’accueil vis-à-vis de Dieu, ou d’aversion et de fermeture à son égard. C’est aussi le moment où l’on fait connaissance avec la foi : première découverte du Père qui est au ciel, bon et prévenant, vers qui l’on peut tourner son cœur et faire un geste d’affection et de vénération ; le nom de Jésus et de Marie et quelques récits des principaux moments de la vie du Seigneur Jésus ; les signes, les symboles et les gestes religieux. Dans ce contexte, il ne faut pas sous-estimer l’importance de la valorisation des principales fêtes de l’année liturgique, par exemple, avec l’installation de la crèche au cours de préparatifs de Noël en famille[64], qui peut permettre à l’enfant de vivre une forme de catéchèse en participant directement au mystère de l’incarnation. Quand l’enfant, depuis son plus jeune âge, en famille ou dans les autres milieux où il grandit, est en contact avec les différents aspects de la vie chrétienne, il apprend et intériorise une première forme de socialisation religieuse propédeutique qui le prépare aux étapes suivantes et au développement de la conscience morale chrétienne. Plus que de catéchèse au sens propre, il s’agit à cet âge d’une première évangélisation et annonce de la foi sous une forme éminemment éducative, attentive au développement du sentiment de confiance, de gratuité, de don de soi, d’invocation et de participation, comme autant de conditions humaines sur lesquelles se greffe la puissance salvifique de la foi.
  5. L’enfance (6-10 ans) selon une tradition bien établie dans de nombreux pays, est la période pendant laquelle l’initiation chrétienne entamée avec le baptême est complétée au sein de la paroisse. L’itinéraire global de l’initiation chrétienne vise à faire connaître les principaux événements de l’histoire du salut qui feront l’objet d’une réflexion plus approfondie aux âges suivants et à faire graduellement prendre conscience de l’identité de baptisé. Avec la catéchèse de l’initiation chrétienne, on vise la première connaissance de la foi (première annonce), et par ce processus d’initiation, l’enfant est introduit dans la vie de l’Église et à la célébration des sacrements. La catéchèse, non fragmentaire mais articulée au cours d’un itinéraire qui propose sous une forme essentielle tous les mystères de la vie chrétienne et leur incidence sur la conscience morale, est également attentive aux conditions existentielles des enfants et à leurs questions sur le sens des choses. C’est pourquoi, tout au long de cet itinéraire d’initiation, est prévu un enseignement des vérités de la foi renforcé par le témoignage de la communauté, la participation à la liturgie, la rencontre avec la parole de Jésus dans l’Écriture sainte, le début de la pratique de la charité. Il appartient aux conférences épiscopales d’établir la durée et les modalités de mise en œuvre de l’itinéraire d’initiation à la vie chrétienne et le moment où seront célébrés les sacrements.
  6. L’enfance est également la phase d’entrée dans le monde de l’école primaire. Le tout-petit, puis l’enfant, entre dans une communauté plus vaste que la famille, où il a la possibilité de développer ses compétences intellectuelles, affectives et relationnelles. Dans de nombreux pays du monde, un enseignement religieux spécifique est dispensé à l’école et, dans certains cas, il existe aussi la possibilité de réaliser, dans le cadre de l’école, la catéchèse d’initiation à la vie chrétienne et aux sacrements, selon les indications et les dispositions de l’évêque local. Dans de tels contextes, la collaboration entre catéchistes et enseignants devient une ressource éducative significative et constitue une occasion favorable pour donner de la visibilité à une communauté d’adultes témoins de la foi.
  7. La nécessité de faire du processus d’initiation chrétienne une authentique introduction expérientielle à la totalité de la vie de foi nous conduit à considérer le catéchuménat comme une source d’inspiration indispensable. Une initiation chrétienne établie sur le modèle de formation du catéchuménat mais avec des critères, des contenus et des méthodologies adaptés aux enfants est aujourd’hui tout à fait appropriée. La structuration du processus d’initiation chrétienne pour les enfants, inspiré du catéchuménat, prévoit des temps, des rites de passage et une participation active à la table eucharistique qui constitue le sommet du processus d’initiation. En le mettant en œuvre, les catéchistes sont amenés à renverser la vision traditionnelle qui considère l’enfant principalement comme un objet de soins et d’attention pastorale de la part de la communauté et à assumer la perspective de l’éduquer progressivement, selon ses capacités, pour qu’il devienne un sujet actif au sein et de la communauté et en dehors de celle-ci. L’inspiration catéchuménale nous permet également de reconsidérer le rôle primordial de la famille et de la communauté tout entière envers les tout-petits, en activant des processus d’évangélisation mutuelle entre les différents sujets ecclésiaux concernés.
  8. Chaque Église locale, par le biais des services et organismes appropriés, est invitée à évaluer la situation dans laquelle vivent les enfants et à étudier les modalités et les itinéraires d’initiation et de catéchèse les plus adaptés pour leur faire prendre conscience du fait qu’ils sont des enfants de Dieu et des membres de l’Église, famille de Dieu, qui se réunit le jour consacré au Seigneur pour célébrer sa Pâque.

UNE CATÉCHÈSE ADAPTÉE À LA RÉALITÉ DE LA JEUNESSE

  1. Il existe un lien profond entre la possibilité d’une proposition de foi renouvelée pour les jeunes et la volonté de l’Église de se rajeunir, c’est-à-dire de se maintenir dans un processus de conversion spirituelle, pastorale et missionnaire. La « capacité [des jeunes] de renouveler, de revendiquer, d’exiger cohérence et témoignage, de rêver de nouveau et de réinventer »[65]peut aider la communauté ecclésiale à saisir les transformations culturelles de notre temps et à faire croître la confiance et l’espérance. Toute la communauté a pour tâche de transmettre la foi et de témoigner de la possibilité de marcher dans la vie avec le Christ. La proximité du Seigneur Jésus avec les deux disciples d’Emmaüs, le fait de cheminer ensemble, en dialoguant, en accompagnant, en contribuant à ouvrir les yeux, est une source d’inspiration pour marcher avec les jeunes. Dans cette dynamique, l’Évangile doit être annoncé au monde de la jeunesse avec courage et créativité, la vie sacramentelle et l’accompagnement spirituel doivent être proposés. Grâce à la médiation ecclésiale, les jeunes pourront découvrir l’amour personnel du Père et la compagnie de Jésus-Christ et vivre cette étape de la vie, particulièrement « propice aux grands idéaux, aux héroïsmes généreux, aux exigences cohérentes de la pensée et de l’action »[66].
  2. La catéchèse dans le monde de la jeunesse exige d’être toujours renouvelée, renforcée et réalisée dans le contexte plus large de la pastorale des jeunes. Elle doit être caractérisée par des dynamiques pastorales et relationnelles d’écoute, de réciprocité, de coresponsabilité et de reconnaissance du leadership des jeunes. Même s’il n’y a pas de frontières claires et même si les approches typiques de chaque culture sont déterminantes, il est utile d’opérer une distinction en matière d’âge des jeunes, entre les pré-adolescents, les adolescents, les jeunes et les jeunes adultes. Il est crucial d’approfondir l’étude du monde de la jeunesse, en utilisant les apports de la recherche scientifique et en tenant compte de la situation dans les différents pays. Une considération à caractère général concerne la question du langage des jeunes. Les nouvelles générations sont généralement fortement marquées par les réseaux sociaux et le monde dit virtuel. Celui-ci offre des opportunités dont ne disposaient pas les générations précédentes, mais présente en même temps des risques. Il est très important d’examiner comment l’expérience des relations entretenues à travers la technologie structure la conception du monde, de la réalité et les rapports interpersonnels. Il faut donc insister sur la nécessité, pour l’action pastorale, d’adapter la catéchèse aux jeunes, en sachant traduire dans leur langage le message de Jésus.

La catéchèse avec les préadolescents

  1. De nombreux signes nous font considérer la préadolescence[67]comme une étape de la vie caractérisée par la dynamique du passage d’une situation connue et sûre à quelque chose de nouveau et d’inexploré. Cela peut d’une part susciter l’élan et l’enthousiasme, mais d’un autre côté, provoquer un sentiment de confusion et d’égarement. La préadolescence se caractérise précisément par ce mélange d’émotions contradictoires et hésitantes, qui naissent en réalité du besoin de se mesurer, d’expérimenter, de se mettre à l’épreuve, afin de redéfinir – en tant que protagonistes et de façon indépendante – une identité qui veut renaître. En fait, pendant cette période, accompagné d’un développement conséquent de la dimension physique et émotionnelle, le processus lent et ardu de construction de la personnalité individuelle commence à prendre forme.
  2. La préadolescence est aussi ce temps où l’image de Dieu reçue dans l’enfance est de nouveau élaborée : c’est pourquoi il est important que la catéchèse accompagne soigneusement ce passage délicat pour ses futurs développements potentiels, en faisant également appel à la recherche et aux outils fournis par les sciences humaines. N’ayant pas peur de viser l’essentiel, la proposition de foi faite aux préadolescents veillera à semer dans leur cœur les germes d’une vision de Dieu qui pourra mûrir par la suite : le kérygme fera le récit du Seigneur Jésus comme un frère qui aime, comme un ami qui aide à mieux vivre les relations, qui ne juge pas, est fidèle, valorise les ressources et les rêves, mène à leur accomplissement les désirs de beauté et de bien. De plus, la catéchèse est invitée à reconnaître le protagonisme des préadolescents, à créer un contexte de relations de groupe significatives, à faire place à l’expérience, à créer un climat dans lequel les questions sont accueillies en les faisant interagir avec la proposition de l’Évangile. Le préadolescent peut plus facilement entrer dans le monde de l’expérience chrétienne en découvrant que l’Évangile affecte précisément la dynamique relationnelle et affective à laquelle il est particulièrement sensible. Le catéchiste, capable de confiance et de patience, prendra au sérieux les doutes et les préoccupations du préadolescent, en se faisant son compagnon discret mais bien présent.

La catéchèse pour les adolescents

  1. L’adolescence est une étape de la vie allant environ de 14 à 21 ans, et qui dure parfois beaucoup plus longtemps. Elle se caractérise par la volonté d’indépendance et, en même temps, par la peur de commencer à prendre ses distances vis-à-vis du contexte familial ; cela provoque une agitation constante entre des élans pleins d’enthousiasme et des replis sur soi. Les adolescents « sont en chemin, en transit […]. Ils vivent justement cette tension, avant tout en eux-mêmes et puis avec ceux qui les entourent », mais « l’adolescence n’est pas une pathologie que nous devons combattre. Elle fait partie de la croissance normale, naturelle, de la vie de nos jeunes »[68]. Il appartiendra donc à la communauté et au catéchiste de développer l’espace intérieur pour saisir et accueillir sans jugement et avec une sincère passion éducative cette recherche de liberté des adolescents, en commençant par la canaliser vers un projet de vie ouvert et audacieux.
  2. Dans leur cheminement de foi, les adolescents ont besoin d’être secondés par des témoins convaincus et impliqués. L’un des défis de la catéchèse est précisément celui qui est lié au rare témoignage de foi vécu au sein des familles et des lieux de socialisation dont ils proviennent. De plus, le détachement qui se produit souvent en matière de fréquentation de l’Église à l’adolescence ne dépend pas tant de la qualité de ce qui a été proposé dans les années d’enfance – bien que cela soit d’une très grande importance –, mais plutôt de l’existence d’une proposition joyeuse et pleine de sens pour les jeunes. Dans le même temps, les adolescents mettent à rude épreuve l’authenticité des figures adultes et ont besoin de prêtres, d’adultes et de jeunes plus âgés dans lesquels ils puissent voir une foi vécue dans la joie et la cohérence. Il reviendra à la communauté d’identifier pour le service de la catéchèse les personnes les plus disponibles pour s’accorder à leur monde, en l’illuminant de la lumière et de la joie de la foi. Il est important que la catéchèse se fasse au sein de la pastorale des jeunes et soit à forte connotation éducative et vocationnelle, dans le cadre de la communauté chrétienne et des autres milieux de vie des adolescents.

La catéchèse avec les jeunes

  1. La rapide transformation culturelle et sociale touche également les jeunes. Dans certaines parties du monde, le conditionnement induit par la société consumériste et méritocratique pousse beaucoup de jeunes à vouloir parvenir à des niveaux d’études spécialisées afin d’atteindre des objectifs professionnels qualifiés. C’est pourquoi nombre d’entre eux ressentent le besoin de se déplacer pour étudier ou travailler et vivre ainsi des expériences plus particulières. En revanche, étant donné le manque de travail, beaucoup d’autres souffrent d’un sentiment d’insécurité, qui débouche facilement sur la désillusion et l’ennui, allant parfois jusqu’à l’angoisse et la dépression. Et dans les pays marqués par un sous-développement économique persistant et par des conflits, qui provoquent de grands mouvements migratoires, les jeunes ressentent un manque général d’espérance quant à leur propre avenir et sont contraints à vivre souvent dans des conditions humiliantes.
  2. Du point de vue de l’expérience religieuse, on note une grande variété. De nombreux jeunes montrent un véritable élan en faveur de la recherche de sens, de la solidarité, de l’engagement social. Ils sont souvent ouverts aux pratiques religieuses et sensibles aux différentes spiritualités. En ce qui concerne l’expérience ecclésiale, dans cette phase de la vie, nombreux sont ceux qui s’éloignent de l’Église ou manifestent de l’indifférence ou de la méfiance à son égard. Parmi les causes de cette situation, il faut prendre en considération le manque de témoignage, de crédibilité, de soutien spirituel et moral de la part de la famille, ou une catéchèse déficiente et une communauté chrétienne peu significative. Cependant, il est également vrai que de nombreux jeunes participent activement et avec enthousiasme à la vie de l’Église, à ses expériences missionnaires et de service et mènent une vie de prière authentique et intense.
  3. Le Seigneur Jésus, qui « a sanctifié la jeunesse du fait même qu’il l’a vécue »[69], en rencontrant les jeunes au cours de son ministère public, leur a montré la bienveillance du Père, les a interpellés et les a invités à vivre une vie plénière. L’Église, manifestant le même souci pour Jésus, veut écouter les jeunes avec patience, comprendre leurs inquiétudes, dialoguer de tout cœur, les accompagner dans le discernement de leur projet de vie. La pastorale des jeunes de l’Église sera donc avant tout une animation de nature humanisante et missionnaire, c’est-à-dire capable de reconnaître dans l’expérience humaine les signes de l’amour et de l’appel de Dieu. À la lumière de la foi, ils trouveront un sens authentique à leur vie dans la recherche de la vérité et de la liberté, le désir d’aimer et d’être aimé, les aspirations personnelles et un engagement passionné envers les autres et le monde. En aidant les jeunes à découvrir, à élaborer et à vivre leur projet de vie selon Dieu, la pastorale des jeunes saura adopter de nouveaux styles et de nouvelles stratégies. Il faut « acquérir une autre flexibilité, et réunir les jeunes pour des événements, des manifestations qui leur offrent chaque fois un lieu où ils reçoivent non seulement une formation, mais qui leur permettent aussi de partager leur vie, de célébrer, de chanter, d’écouter de vrais témoignages et de faire l’expérience de la rencontre communautaire avec le Dieu vivant »[70]. La catéchèse avec les jeunes sera donc également redéfinie par les marques de ce style pastoral.
  4. Tout projet de formation, qui relie la formation liturgique, spirituelle, doctrinale et morale, sera « centré sur deux axes principaux : l’un est l’approfondissement du kérygme, l’expérience fondatrice de la rencontre avec Dieu par le Christ mort et ressuscité. L’autre est la croissance de l’amour fraternel, dans la vie communautaire, par le service »[71]. La catéchèse présentera donc l’annonce de la Pâque de Jésus, véritable jeunesse du monde, comme l’axe plein de sens autour duquel se construit la réponse vocationnelle[72]. La dimension vocationnelle de la catéchèse des jeunes nécessite que les parcours de formation soient élaborés en se référant aux expériences de la vie. Il est à noter que souvent le chemin de foi des jeunes passe aussi par l’appartenance à une association ou à un mouvement ecclésial. La dynamique de groupe permet en effet à la catéchèse de rester intimement liée à l’expérience concrète[73].
  5. Outre les itinéraires catéchétiques organisés et structurés, il faut valoriser la catéchèse qui se fait occasionnellement dans le cadre de vie des jeunes : les écoles, les universités, les associations culturelles et récréatives. Parmi les expériences à signaler, en plus des événements diocésains, nationaux ou continentaux, il faut mentionner les Journées mondiales de la jeunesse, qui sont l’occasion de s’adresser à de nombreux jeunes habituellement inaccessibles. Il est bon que, dans la préparation de ces journées et dans leur déroulement, les prêtres et les catéchistes développent des parcours permettant de vivre pleinement une telle expérience de foi. Il ne faut pas oublier l’attrait que le pèlerinage exerce sur beaucoup de jeunes : il est utile qu’il soit vécu comme un moment catéchétique.
  6. La contribution créative et coresponsable que les jeunes eux-mêmes apportent à la catéchèse devrait être valorisée. Le service catéchétique auprès des plus petits est une manière de provoquer leur propre croissance dans la foi. La communauté chrétienne est ainsi invitée à porter une attention particulière à la formation des jeunes catéchistes : « Un engagement nouveau pour les catéchistes est également nécessaire, car ceux-ci sont souvent des jeunes au service d’autres jeunes, qui ont presque leur âge. Il est important de veiller soigneusement à leur formation et de faire en sorte que leur ministère soit davantage reconnu par la communauté »[74].
  7. Aujourd’hui, l’Église observe avec une plus grande attention le passage de la jeunesse à l’âge adulte. Par rapport à un passé assez récent, l’entrée dans la phase adulte de l’existence est de plus en plus retardée pour de nombreux jeunes, en particulier dans certains contextes sociaux. Cette transition fait qu’on se retrouve souvent devant des personnes qui, bien qu’elles aient toutes les conditions requises pour mener une vie d’adulte (âge, diplômes, volonté de s’engager), ne trouvent pas de conditions favorables pour rendre effectif leur désir de s’accomplir, parce qu’elles ne bénéficient pas de conditions de travail et d’une situation économique stables qui permettraient de former une famille. Cette situation a bien sûr des répercussions sur leur monde intérieur et affectif. Par conséquent, de nouvelles modalités d’action pastorale et catéchétique devront être envisagées pour aider la communauté chrétienne à interagir avec les jeunes adultes, en les soutenant dans leur cheminement.

LA CATÉCHÈSE AVEC LES ADULTES

  1. La condition de l’adulte est aujourd’hui particulièrement complexe. Par rapport au passé, cet âge de la vie s’entend non plus comme un état de stabilité déjà atteint, mais comme un processus continu de restructuration qui prend en compte l’évolution de la sensibilité personnelle, l’entrelacement des relations, des responsabilités auxquelles la personne est appelée. Dans ce dynamisme de vie où s’inscrivent des facteurs familiaux, culturels et sociaux, l’adulte reformule continuellement sa propre identité, en réagissant de manière créative aux différents moments de transition qu’il a à vivre. La dynamique du devenir adulte affecte aussi inévitablement la dimension religieuse, l’acte de foi étant un processus intérieur intimement lié à la personnalité. En effet, à cette étape de l’âge adulte, la foi elle-même est appelée à prendre différentes formes, à évoluer et à mûrir afin qu’elle soit une réponse authentique et continuelle aux provocations de la vie. Par conséquent, tout chemin de foi éventuel avec les adultes nécessite que les expériences de la vie soient non seulement prises en considération, mais relues à la lumière de la foi comme une opportunité, et donc intégrées dans le même parcours de formation.
  2. Le rapport des adultes à la question de la foi est très varié et il est juste que chaque personne soit accueillie et écoutée dans sa particularité. Sans diminuer la spécificité de chaque situation, il est possible de considérer certaines typologies d’adultes qui vivent la foi de différentes manières :
  • les croyants adultes, qui vivent leur foi et désirent l’approfondir ;
  • les adultes qui, bien que baptisés, ne sont pas correctement formés ou n’ont pas terminé de mener à bien l’initiation chrétienne et peuvent être appelés presque catéchumènes[75];
  • les adultes baptisés qui, bien que ne vivant pas leur propre foi de manière ordinaire, recherchent toujours le contact avec la communauté ecclésiale à certains moments particuliers de la vie ;
  • les adultes qui viennent d’autres confessions chrétiennes ou d’autres expériences religieuses ;
  • les adultes qui retournent à la foi catholique après avoir vécu des expériences au sein de nouveaux mouvements religieux ;
  • les adultes non baptisés, à qui s’adresse le catéchuménat proprement dit.
  1. L’engagement pris de faire mûrir sa foi baptismale est une responsabilité personnelle que l’adulte doit avant tout ressentir comme une priorité par le fait même d’être impliqué dans un processus permanent de formation de sa propre identité personnelle. Cette tâche, propre à chaque personne, se confronte à l’âge adulte aux responsabilités familiales et sociales auxquelles elle est appelée et qui peuvent provoquer des moments de crise même très profonds. C’est pourquoi, même à cet âge de la vie et parfois de manière accentuée, l’accompagnement et la croissance dans la foi sont nécessaires pour que l’adulte mûrisse cette sagesse spirituelle qui illumine et donne une unité aux multiples expériences de sa vie personnelle, familiale et sociale.
  2. La catéchèse avec les adultes est donc configurée comme un processus d’apprentissage personnel et communautaire, visant à acquérir une manière de vivre en croyant « jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble […] à la stature du Christ dans sa plénitude » (Ep 4, 13). Par conséquent, elle a pour objectif principal la formation et la maturation de la vie dans l’Esprit, selon les principes de gradualité et de progressivité, afin que le message évangélique soit accueilli dans sa dynamique transformative et qu’il soit donc en mesure d’avoir une incidence sur la vie personnelle et sociale. En ultime analyse, la catéchèse avec les adultes atteint son objectif lorsqu’elle rend ceux-ci capables de prendre en main leur propre expérience de foi et désireux de continuer à cheminer et à grandir.
  3. La tâche générale de la catéchèse avec les adultes nécessite d’être configurée en fonction des différentes typologies de personnes et d’expériences religieuses auxquelles on se réfère. En fait, les tâches particulières qui suivent, qui peuvent également répondre à un examen chronologique, montrent en vérité la tentative continue de la part de la communauté ecclésiale de se situer face aux adultes, en essayant d’en saisir la situation existentielle concrète et en se mettant à l’écoute des exigences et des besoins réels. Par conséquent, la catéchèse avec les adultes a en particulier pour mission de :
    a. susciter la foi, en favorisant un nouveau départ de l’expérience croyante et en sachant valoriser les ressources humaines et spirituelles qui ne s’éteignent jamais au plus profond de chaque personne, en vue d’une reprise libre et personnelle de la motivation initiale en termes d’attrait, de goût et de volonté ;
    b. purifier la foi des représentations religieuses partielles, trompeuses ou erronées, en aidant tout d’abord les sujets à reconnaître les limites et à prendre la décision de se mettre à la recherche de synthèses de foi plus authentiques en vue du cheminement vers la plénitude de vie à laquelle l’Évangile appelle ;
    c. nourrir la foi grâce, également, à l’expérience vécue en matière de relations ecclésiales significatives, en favorisant la formation de consciences chrétiennes matures, capables de donner raison à leur propre espérance et prêtes à entamer un dialogue serein et intelligent avec la culture contemporaine ;
    d.contribuer à partager la foi et à en témoigner, en préparant des espaces de partage et de service au sein de l’Église et dans le monde afin de mener à bien la tâche qui consiste à révéler le Royaume de Dieu.

En bref, la catéchèse avec les adultes a pour tâche d’accompagner et de permettre la formation des traits typiques du chrétien adulte dans la foi, disciple du Seigneur Jésus, au sein d’une communauté chrétienne capable de se constituer en sortie, c’est-à-dire de s’insérer dans les réalités sociales et culturelles pour témoigner de la foi et de la réalisation du Royaume de Dieu.

  1. Pour que la catéchèse avec les adultes soit significative et capable d’atteindre ses objectifs, il est important de prendre en considération certains critères.
    a. Il est essentiel que cette catéchèse, s’inspirant de l’expérience missionnaire du catéchuménat, soit lexpression de la communauté ecclésiale dans son ensemble, en tant que matrice dans laquelle la foi est engendrée. Étant donné que la communauté chrétienne est un élément structurel du processus catéchétique de l’adulte et pas seulement son cadre, il est nécessaire qu’elle soit capable non seulement d’accueillir, d’être présente, et d’apporter son soutien, mais aussi de se renouveler, en se laissant atteindre et provoquer par la sensibilité des adultes du temps présent.
    b. La catéchèse des adultes étant configurée comme un processus éducatif de la vie chrétienne dans son intégralité, il est important qu’elle propose des expériences de vie de foi concrètes et qualifiantes (approfondissement de l’Écriture sainte et de la doctrine ; moments de spiritualité, célébrations liturgiques et pratiques de piété populaire ; expérience de la fraternité ecclésiale ; exercice missionnaire de la charité et du témoignage dans le monde…), qui répondent aux différents besoins de l’homme, dans son intégralité, en matière d’affections, de pensées, de relations.
    c. Les adultes ne doivent pas être considérés comme des destinataires de la catéchèse, mais comme des protagonistes avec les catéchistes eux-mêmes. Il est donc nécessaire que l’adulte soit l’objet d’un accueil respectueux en tant que personne qui a déjà développé des expériences et des convictions y compris sur le plan de la foi, qui est capable d’exercer sa propre liberté et d’en faire mûrir de nouvelles dans le dialogue.
    d. La catéchèse avec les adultes doit veiller à reconnaître leur situation dhommes et de femmes, compte tenu de la particularité avec laquelle chacun vit l’expérience de la foi ; en outre, il est important de prêter attention à la condition laïque des adultes, appelés avec le baptême à « chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance des choses temporelles qu’ils ordonnent selon Dieu » (LG 31).
    e. Il est important de veiller à une coordination de la catéchèse pour les adultes notamment avec la pastorale familiale et juvénile et avec les autres dimensions de la vie de foi – l’expérience liturgique, le service de la charité, la dimension socioculturelle – afin d’assurer une certaine organicité de la pastorale ecclésiale.
  2. Dans la catéchèse avec les adultes, la figure du catéchiste est décisive ; il se présente comme un accompagnateur et, en même temps, comme un éducateur capable de les soutenir également dans les processus de croissance personnelle. L’accompagnateur des adultes, malgré une relation fraternelle sincère, maintient consciemment à leur égard une fonction éducative dans le but de faciliter en eux un rapport adulte avec le Seigneur, des relations ecclésiales significatives et des choix de témoignage chrétien dans le monde. Au moment opportun, l’accompagnateur est capable de se mettre en retrait, favorisant ainsi chez les sujets une prise en charge à la première personne de leur cheminement de foi. Il est donc important que les catéchistes d’adultes soient soigneusement choisis et qualifiés pour exercer ce ministère délicat grâce à une formation spécifique.
  3. La catéchèse avec les adultes se présente sous une grande multiplicité de formes et avec des accents très différents :
  • la catéchèse comme véritable initiation à la foi, à savoir l’accompagnement des candidats au baptême et aux sacrements de l’initiation à travers l’expérience catéchuménale ;
  • la catéchèse comme nouvelle initiation à la foi, à savoir l’accompagnement de ceux qui, bien que baptisés, n’ont pas achevé leur initiation ou ne sont pas, de fait, évangélisés ;
  • la catéchèse comme redécouverte de la foi à travers les « lieux d’écoute » ou autres modalités, à savoir une proposition sous l’angle de l’évangélisation destinée aux personnes dites « éloignées » ;
  • la catéchèse d’annonce de la foi dans les milieux de vie, de travail, de loisir ou à l’occasion de manifestations de piété populaire ou de pèlerinage dans les sanctuaires ;
  • la catéchèse avec les couples à l’occasion du mariage ou lors de la célébration des sacrements de leurs enfants, qui devient souvent le point de départ d’expériences catéchétiques ultérieures ;
  • la catéchèse pour l’approfondissement de la foi à partir de l’Écriture sainte ou d’un document du Magistère ou de la vie des saints et des témoins de la foi ;
  • la catéchèse liturgique, qui vise une participation consciente aux célébrations communautaires ;
  • la catéchèse sur des thématiques morales, culturelles ou socio-politiques visant une participation à la vie de la société, qui soit active et inspirée par la foi ;
  • la catéchèse dans le domaine de la formation spécifique des agents pastoraux, qui constitue une occasion privilégiée pour des itinéraires de foi.
  1. Enfin, la contribution à la formation chrétienne des adultes apportée par les associations, les mouvements et les groupes ecclésiaux qui garantissent un accompagnement constant et varié doit être reconnue. Le fait que ces réalités présentent souvent la vie chrétienne comme une rencontre personnelle et existentielle avec la personne vivante de Jésus-Christ, dans le contexte d’une expérience de groupe et de relations fraternelles, est significatif. En effet, les petits groupes, précisément parce qu’ils permettent plus facilement l’échange d’expériences de vie et l’établissement de relations fraternelles et amicales, constituent de précieuses opportunités de transmission de la foi de personne à personne[76].

LA CATÉCHÈSE AVEC LES PERSONNES ÂGÉES

  1. Les personnes âgées constituent un patrimoine de la mémoire et sont souvent les gardiennes des valeurs d’une société. Quand des choix sociaux et politiques ne reconnaissent pas leur dignité aux personnes, celles-ci se retournent contre la société elle-même. « L’Église ne peut pas et ne veut pas se conformer à une mentalité d’intolérance, et encore moins d’indifférence et de mépris à l’égard de la vieillesse »[77]. Elle voit les personnes âgées plutôt comme un don de Dieu, une richesse pour la communauté et considère son engagement pastoral à leurs côtés comme l’une de ses missions essentielles.
  2. Pour les personnes âgées, il faut une catéchèse appropriée, attentive aux aspects particuliers de leur situation de foi. « La personne âgée peut avoir atteint cette étape de sa vie avec une foi solide et complète : dans ce cas, la catéchèse conduit à sa plénitude le chemin accompli, en aidant à vivre dans une attitude d’action de grâce et d’attente confiante ; d’autres vivent une foi plus ou moins affadie et pratiquent peu : la catéchèse est alors l’occasion d’une lumière nouvelle et d’une expérience religieuse ; parfois, la personne arrive à un âge avancé, profondément blessée dans l’esprit et diminuée dans le corps : la catéchèse l’aide à vivre sa condition dans une attitude d’invocation, de pardon, de paix intérieure »[78]. Il est donc crucial de considérer les différentes situations personnelles et sociales, souvent marquées par la solitude et un sentiment d’inutilité, afin que cette catéchèse puisse faire qu’elles se sentent accueillies et reconnues dans la communauté.
  3. L’Écriture sainte présente le croyant âgé comme un symbole de la personne pleine de sagesse et à qui Dieu inspire de la crainte ; il est donc le dépositaire d’une intense expérience de vie, ce qui fait de lui en quelque sorte un catéchiste naturel de la communauté. La vieillesse est un temps de grâce, au cours duquel le Seigneur renouvelle son appel à garder et à transmettre la foi ; à prier, surtout sous la forme de l’intercession ; à être proche de ceux qui sont dans le besoin. Les personnes âgées, par leur témoignage, transmettent aux jeunes le sens de la vie, la valeur de la tradition et certaines pratiques religieuses et culturelles ; elles confèrent de la dignité à la mémoire et aux sacrifices des générations passées ; elles regardent avec espérance au-delà des difficultés du moment présent. L’Église, en reconnaissant la valeur des personnes âgées, les aide à se mettre au service de la communauté. En particulier, elles peuvent assumer des rôles catéchétiques auprès des enfants, des jeunes et des adultes, en partageant en toute simplicité le riche patrimoine de sagesse et de foi qu’ils apportent avec eux. De son côté, la communauté doit se montrer reconnaissante à l’égard de cette précieuse présence et favoriser le dialogue intergénérationnel entre les personnes âgées et les jeunes. C’est ainsi que s’exprime le lien entre mémoire et avenir, entre tradition et renouveau, tout en créant un véritable circuit de transmission de la foi de génération en génération.

LA CATÉCHÈSE AVEC LES PERSONNES PORTEUSES DE HANDICAP

  1. La sollicitude de l’Église envers les personnes porteuses de handicap découle de l’action de Dieu. En suivant le principe de l’incarnation du Fils de Dieu, qui se rend présent dans toutes les situations humaines, l’Église reconnaît chez les personnes handicapées l’appel à la foi et à une vie bonne et pleine de sens. La question du handicap est d’une grande importance pour l’évangélisation et la formation chrétienne. Les communautés sont appelées non seulement à prendre soin des plus fragiles, mais à reconnaître la présence de Jésus qui se manifeste en eux de manière particulière. Cela « requiert une double attention : la conscience de l’éducabilité à la foi de la personne porteuse de handicap, que celui-ci soit grave ou même très grave ; et la volonté de considérer la personne comme un sujet actif dans la communauté dans laquelle elle vit »[79]. Sur le plan culturel, malheureusement, est répandue une conception de la vie, souvent narcissique et utilitaire, qui n’appréhende pas la richesse humaine et spirituelle multiforme des personnes handicapées, oubliant que la vulnérabilité appartient à l’essence de l’homme et n’empêche pas d’être heureux et de se réaliser[80].
  2. Les personnes porteuses de handicap sont pour la communauté ecclésiale l’opportunité de croître, leur présence la poussant à vaincre les préjugés culturels. Le handicap, en effet, peut créer de l’embarras parce qu’il met en évidence la difficulté d’accueillir la diversité ; il peut aussi susciter la peur, surtout s’il a un caractère permanent, car il fait référence à la situation radicale de fragilité de chacun qu’est la souffrance et au final la mort. Parce que, précisément, ce sont des témoins des vérités essentielles de la vie humaine, les personnes handicapées doivent être accueillies comme un grand don. La communauté, enrichie par leur présence, prend davantage conscience du mystère salvifique de la croix du Christ et, en vivant des relations réciproques d’accueil et de solidarité, devient génératrice de vie meilleure et lance un rappel au monde. La catéchèse aidera donc les baptisés à lire le mystère de la douleur humaine à la lumière de la mort et de la résurrection du Christ.
  3. Il appartient aux Églises locales de s’ouvrir à l’accueil et à la présence ordinaire des personnes handicapées dans les parcours de catéchèse, en agissant en faveur d’une culture de linclusion contre la logique de la mise à l’écart. Les personnes porteuses de handicap intellectuel vivent la relation avec Dieu dans l’immédiateté de leur intuition et il est nécessaire et digne de les accompagner dans la vie de foi. D’où la nécessité que les catéchistes recherchent de nouveaux canaux de communication et des méthodes plus adaptées pour favoriser la rencontre avec Jésus. La dynamique et les langages expérientiels qui impliquent les cinq sens et des parcours narratifs capables d’impliquer tous les sujets de manière personnelle et significative sont donc utiles. Pour ce service, il est bon que certains catéchistes reçoivent une formation spécifique. Les catéchistes sont également proches des familles des personnes handicapées, les accompagnant et favorisant leur pleine insertion dans la communauté. L’ouverture à la vie de ces familles est un témoignage qui mérite beaucoup de respect et d’admiration[81].
  4. Les personnes handicapées sont appelées à la plénitude de la vie sacramentelle, même en présence de troubles graves. Les sacrements sont des dons de Dieu et la liturgie, avant même d’être comprise rationnellement, demande à être vécue : personne ne peut donc refuser les sacrements aux personnes handicapées. La communauté qui sait découvrir la beauté et la joie de la foi dont sont capables ses frères devient plus riche. C’est pourquoi l’inclusion pastorale et l’implication dans l’action liturgique, en particulier le dimanche, sont essentielles[82]. Les personnes handicapées peuvent réaliser la haute dimension de la foi qui comprend la vie sacramentelle, la prière et l’annonce de la Parole. En effet, elles ne sont pas seulement les destinataires de la catéchèse, mais les protagonistes de l’évangélisation. Il est souhaitable qu’elles puissent elles-mêmes être catéchistes et qu’avec leur témoignage, elles puissent transmettre la foi de manière plus efficace.

LA CATÉCHÈSE AVEC LES MIGRANTS

  1. Le phénomène migratoire est un phénomène mondial ; il concerne des millions de personnes et de familles qui migrent à l’intérieur même de leur pays, généralement sous forme d’exode rural, ou en se déplaçant, parfois au péril de leur vie, vers de nouvelles nations et de nouveaux continents. Parmi les causes de ces départs : les guerres, la violence, la persécution, la violation des libertés et de la dignité de la personne, l’appauvrissement, les changements climatiques et la mobilité des travailleurs provoquée par la mondialisation. « C’est un phénomène qui impressionne en raison du nombre de personnes qu’il concerne, des problématiques sociale, économique, politique, culturelle et religieuse qu’il soulève, et à cause des défis dramatiques qu’il lance aux communautés nationales et à la communauté internationale »[83]. Toutes les Églises particulières sont impliquées, car elles appartiennent aux pays d’origine, de transit ou de destination des migrants. Dans de nombreux cas, le processus de migration engendre non seulement de graves problèmes humanitaires, mais aussi très souvent l’abandon de la pratique religieuse et une crise en matière de convictions religieuses.
  2. L’Église, en tant que « mère sans limites et sans frontières »[84], accueille les migrants et les réfugiés, partageant avec eux le don de la foi. L’Église est impliquée dans des structures de solidarité et d’accueil, et se préoccupe également dans ces contextes de témoigner de l’Évangile. L’Église « promeut des projets dans l’évangélisation et dans l’accompagnement des migrants pendant tout leur voyage, en partant du pays d’origine à travers les pays de transit jusqu’au pays d’accueil, avec une attention particulière pour répondre à leurs besoins spirituels à travers la catéchèse, la liturgie et la célébration des sacrements »[85]. La catéchèse avec les migrants, au moment du premier accueil, a pour tâche d’assurer la confiance dans la proximité et dans la providence du Père, afin que les angoisses et les espérances de ceux qui se mettent en chemin soient illuminées par la foi. Dans la catéchèse avec les communautés daccueil, une attention particulière doit être portée à la motivation du devoir de solidarité et à la lutte contre les préjugés négatifs. « Ces catéchèses […] ne pourront pas ne pas faire référence aux graves problèmes qui précèdent ou accompagnent le phénomène migratoire, notamment la question de la démographie, du travail et de ses conditions (phénomène du travail au noir), de la charge des personnes âgées, la criminalité, l’exploitation, le trafic »[86]et la traite d’êtres humains. Il peut être utile de faire connaître à la communauté catholique locale certaines formes caractéristiques de la foi, de la liturgie et de la dévotion des migrants, à partir desquelles peut naître une expérience de la catholicité de l’Église.
  3. Dans la mesure du possible, proposer une catéchèse qui tienne compte des modes de compréhension et de pratique de la foi typique des pays d’origine constitue un précieux soutien à la vie chrétienne des migrants, surtout pour la première génération. L’usage de la langue maternelle revêt une grande importance car c’est la première forme d’expression de son identité. L’Église a, pour les migrants, une pastorale spécifique, qui prend en compte leur spécificité culturelle et religieuse. Il serait injuste d’ajouter aux multiples déracinements qu’ils ont déjà vécus, la perte de leurs rites et de leur identité religieuse[87]. De plus, les migrants chrétiens vivant leur foi deviennent des annonciateurs de l’Évangile dans les pays d’accueil, enrichissant ainsi le tissu spirituel de l’Église locale et renforçant sa mission avec sa propre tradition culturelle et religieuse.
  4. Afin d’assurer le soin pastoral dans le contexte catéchétique correspondant davantage aux besoins spécifiques des migrants, qui appartiennent souvent aux différentes Églises sui iuris qui ont leur propre tradition théologique, liturgique et spirituelle, le dialogue et la collaboration la plus étroite possible entre Église d’origine et Église d’accueil sont indispensables. Cette collaboration permet de recevoir le matériel catéchétique dans la tradition et dans la langue maternelle et aide à la préparation de catéchistes aptes à accompagner les migrants sur le chemin de la foi. Il est nécessaire de suivre les normes du Code de droit canonique et du Code des canons des Églises orientales.

LA CATÉCHÈSE AVEC LES IMMIGRÉS

L’assistance religieuse dans les pays d’immigration

  1. Les relations des Églises d’origine avec leurs propres enfants ne s’interrompent pas avec la conclusion du processus migratoire et la stabilisation dans un lieu différent, à l’intérieur ou à l’extérieur des frontières du pays. Elles se poursuivent de différentes façons à travers l’institution d’aumôneries, de missions ou d’autres formes d’assistance spirituelle dans les lieux d’accueil. Afin d’assurer aux immigrés la possibilité de maintenir la foi qu’ils ont vécue dans leur pays d’origine et de fournir une aide spirituelle et matérielle, certains épiscopats envoient à l’étranger des prêtres, des personnes consacrées et des laïcs animés par un esprit missionnaire, pour suivre et rassembler les fidèles originaires du même pays. Cette action se développe de diverses manières, en fonction des possibilités offertes par le droit[88]. Elle inclut souvent l’offre de parcours catéchétiques d’initiation chrétienne et de formation permanente, dispensés dans la langue et selon les traditions des Églises d’origine. Il s’agit là d’un outil très précieux pour la vie chrétienne des communautés immigrées, ainsi que pour la richesse spirituelle des Églises hôtes. La catéchèse doit néanmoins être organisée et gérée en plein accord avec l’évêque du lieu, afin qu’elle puisse se développer en harmonie avec le chemin de l’Église particulière et sache conjuguer respect de l’identité et engagement pour l’intégration.

La catéchèse dans les pays d’origine

  1. Le retour des émigrés pour de courtes périodes dans leur lieu d’origine coïncide souvent avec les fêtes locales traditionnelles, caractérisées en général par d’intenses manifestations de piété populaire. Malgré leur caractère occasionnel, ces circonstances doivent être valorisées afin de proposer la foi, en clarifiant également les problématiques que la condition des émigrés peut avoir éventuellement engendrées en matière de foi et de morale. Dans de telles occasions, il est fréquent de demander de pouvoir célébrer certains sacrements pour soi ou pour ses enfants, dans un désir de partager sa joie avec ses proches. Il est bon de rappeler que la réception des sacrements nécessite une préparation catéchétique[89], qui doit de préférence être assurée dans les pays d’émigration et dont le curé devra contrôler l’existence, en allant même jusqu’à en demander les documents. Dans le cas contraire, il pourvoira à la préparation nécessaire.

LA CATÉCHÈSE AVEC LES PERSONNES À LA MARGE

  1. Par personnes à la marge, nous entendons celles qui sont proches d’être marginalisées ou le sont déjà ; parmi ces personnes vivant dans une situation de pauvreté et de précarité, il y a les réfugiés, les nomades, les sans domicile fixe, les malades chroniques, les toxicomanes, les prisonniers, les esclaves de la prostitution, etc. L’Église se tourne en particulier vers « cette partie de l’humanité qui souffre et pleure, car elle sait que ces personnes font partie d’elle à cause de l’Évangile »[90]. « L’Église doit toujours être vigilante et prête à identifier de nouvelles œuvres de miséricorde et à les mettre en œuvre avec générosité et enthousiasme »[91]car elle est consciente que la crédibilité de son message dépend fortement du témoignage des œuvres. La parole de Jésus (cf. Mt 25, 31-46) soutient et motive l’engagement de ceux qui travaillent pour le Seigneur au service des plus petits.
  2. L’Église reconnaît également que « la pire discrimination dont souffrent les pauvres est le manque d’attention spirituelle » ; c’est pourquoi « l’option préférentielle pour les pauvres doit se traduire principalement par une attention religieuse privilégiée et prioritaire »[92]. L’annonce de la foi aux personnes en marge se produit presque toujours dans des contextes et des environnements informels et sur un mode occasionnel, d’où le caractère décisif de cette capacité à aller à la rencontre des personnes dans les situations où elles se trouvent, de cette disponibilité à les accueillir de manière inconditionnelle et de cette aptitude à se tenir devant elles avec réalisme et miséricorde. En ce qui concerne la première annonce et la catéchèse, il est donc nécessaire d’envisager la diversité des situations, de prendre en considération les besoins et les questions de chacun et de tirer parti de la relation interpersonnelle. La communauté est appelée à soutenir fraternellement les bénévoles qui se consacrent à ce service.

La catéchèse en prison

  1. La prison, généralement considérée comme un espace limité, est une authentique terre de mission pour l’évangélisation, mais aussi comme un laboratoire frontalier pour la pastorale qui anticipe les orientations de l’action ecclésiale. Avec les yeux de la foi, il est possible de percevoir Dieu à l’œuvre parmi les prisonniers, même dans des situations humainement désespérées. En effet, quel que soit le lieu, il parle au cœur des hommes, donnant cette liberté, dont la privation « est la forme la plus lourde de la peine qui est purgée, car elle touche la personne dans son fond le plus intime »[93]. C’est pourquoi, susciter dans le cœur de nos frères « le désir de la vraie liberté est une tâche à laquelle l’Église ne peut renoncer »[94], en communiquant sans hésitation la bonté et la miséricorde gratuite de Dieu.
  2. Le contenu fondamental de la catéchèse chez les prisonniers, qui a souvent un caractère occasionnel et expérientiel, est le kérygme du salut en Christ, entendu comme pardon et libération. L’annonce de la foi s’accomplit grâce à la rencontre directe avec l’Écriture sainte, dont l’acceptation peut consoler et guérir même la vie la plus dévastée par le péché, en plus d’ouvrir des espaces de rééducation et de réhabilitation. Parallèlement, c’est la relation même que les détenus nouent avec les acteurs pastoraux qui nous permet de percevoir la présence de Dieu dans les signes d’un accueil inconditionnel et d’une écoute attentive. Ces relations fraternelles révèlent aux détenus le visage maternel de l’Église, qui souvent et précisément en prison accueille la conversion ou la redécouverte de la foi de beaucoup de ses enfants, qui demandent de recevoir les sacrements de l’initiation chrétienne. La sollicitude de l’Église accompagne également ceux qui terminent leur période de détention et les membres de leur famille.

[1] CT 9.

[2] EG 1

[3] EG 259.

[4] DGC 141 ; cf. aussi CEC 169.

[5] EG 41.

[6] CEC 234.

[7] DGC 98.

[8] Cf. CEC 512 ss.

[9] DGC 107.

[10] Cf. FRANÇOIS, lettre encyclique Laudato si’ (24 mai 2015), 17-52.

[11] EG 237.

[12] CEC 1697.

[13] EG 24.

[14] EG 167.

[15] Au n° 165 d’EG sont exposées « certaines caractéristiques de l’annonce qui aujourd’hui sont nécessaires en tout lieu ».

[16] FRANÇOIS, lettre encyclique Lumen fidei (29 juin 2013), 22.

[17] DGC 105.

[18] CT 30.

[19] EG 36.

[20] Cf. DGC 147 ; GE 1-4 ; CT 58.

[21] Cf. JEAN-PAUL II, constitution apostolique Fidei depositum (11 octobre 1992), I ; CEC 11.

[22] DGC 124.

[23] FRANÇOIS, lettre encyclique Lumen fidei (29 juin 2013), 46.

[24] JEAN-PAUL II, constitution apostolique Fidei depositum (11 octobre 1992), IV.

[25] JEAN-PAUL II, lettre apostolique Laetamur magnopere (15 août 1997).

[26] JEAN-PAUL II, constitution apostolique Fidei depositum (11 octobre 1992), I.

[27] CEC 102.

[28] AUGUSTIN D’HIPPONE, Enarratio in Psalmum 103, 4, 1 : CCL 40, 1521 (PL 37, 1378).

[29] Le texte d’Ac 2, 42 est également cité au no 79 du présent Directoire : des dimensions fondamentales de la vie chrétienne découlent les missions de la catéchèse et, par conséquent, la structure du Catéchisme.

[30] Cf. CEC 24

[31] BENOÎT XVI, lettre apostolique Porta fidei (11 octobre 2011), 11.

[32] Cf. Charles BORROMÉE, Introduction au Catéchisme du concile de Trente.

[33] BENOÎT XVI, Motu proprio pour lapprobation et la publication du Compendium du Catéchisme de lÉglise catholique (28 juin 2005).

[34] Compendium du Catéchisme de lÉglise catholiqueIntroduction du cardinal Joseph Ratzinger (20 mars 2005), 4.

[35] CT 51.

[36] CT 55.

[37] DGC 155.

[38] CEC 170-171.

[39] FRANÇOIS, Discours aux participants à lassemblée plénière du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation (29 mai 2015).

[40] Cf. JEAN-PAUL II, lettre apostolique Duodecimum saeculum (4 décembre 1987), 11.

[41] Adversus Constantinum Caballinum, 10 : PG 95, 325.

[42] AUGUSTIN D’HIPPONE, Confessions, 9, 6, 14 : CCL 27, 141 (PL 32, 769-770).

[43] EG 167.

[44] À propos de la culture numérique en général, cf. les nos 359-372, « Catéchèse et culture numérique » du présent Directoire.

[45] BENOÎT XVI, Message pour la XLVIIe Journée mondiale des communications sociales (24 janvier 2013).

[46] FRANÇOIS, Discours aux participants à lassemblée plénière du Conseil pontifical pour les communications sociales (21 septembre 2013).

[47] EG 87.

[48] JEAN-PAUL II, lettre encyclique Redemptor hominis (4 mars 1979), 13.

[49] JEAN-PAUL II, exhortation apostolique Familiaris consortio (22 novembre 1981), 15.

[50] AL 86.

[51] DGC 255.

[52] AL 200 ; cf. aussi EG 1.

[53] AL 58 ; cf. aussi EG 35 et 164.

[54] AL 289.

[55] JEAN-PAUL II, exhortation apostolique Familiaris consortio (22 novembre 1981), 53.

[56] Cf. AL 205-216.

[57] AL 207.

[58] Cf. AL 217-230.

[59] AL 41.

[60] AL 78.

[61] AL 297.

[62] EG 160.

[63] DGC 177.

[64] Cf. FRANÇOIS, lettre apostolique Admirabile signum (1er décembre 2019).

[65] ChV 100.

[66] PAUL VI, Allocution pour la béatification de Nunzio Sulprizio (1er décembre 1963).

[67] Le terme préadolescence a des significations différentes selon les cultures. Ici, il indique cette période qui commence par la puberté et qui dure approximativement de 10 à 14 ans. Ailleurs, ce moment est désigné sous les termes de prime adolescence (early adolescence) tandis que le terme préadolescence désigne le dernier stade de l’enfance (9-10 ans).

[68] FRANÇOIS, Discours pour louverture du Congrès pastoral du diocèse de Rome (19 juin 2017).

[69] SYNODE DES ÉVÊQUES, XVe ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE, Document final (27 octobre 2018), 63.

[70] ChV 204.

[71] ChV 213.

[72] Cf. ChV, chapitre VIII.

[73] Cf. ChV 219-220.

[74] SYNODE DES ÉVÊQUES, XVe ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE, Document final (27 octobre 2018), 133.

[75] CT 44.

[76] Cf. EG 127-129.

[77] FRANÇOIS, Audience générale (4 mars 2015).

[78] DGC 187.

[79] FRANÇOIS, Discours aux participants au Congrès pour les personnes handicapées (11 juin 2016).

[80] Cf. FRANÇOIS, Discours aux participants au Congrès « Catéchèse et personnes porteuses de handicap » (21 octobre 2017).

[81] Cf. AL 47.

[82] Cf. BENOÎT XVI, exhortation apostolique Sacramentum caritatis (22 février 2007), 58.

[83] BENOÎT XVI, lettre encyclique Caritas in veritate (29 juin 2009), 62.

[84] FRANÇOIS, Discours aux participants au VIIe Congrès mondial de la pastorale des migrants (21 novembre 2014), 6.

[85] Ibid., 4. Cf. aussi JEAN-PAUL II, exhortation apostolique post synodale Pastores gregis (16 octobre 2003), 72.

[86] CONSEIL PONTIFICAL POUR LA PASTORALE DES MIGRANTS ET DES PERSONNES EN DÉPLACEMENT, Erga migrantes caritas Christi (3 mai 2004), 41.

[87] Cf. ibid., 49.

[88] Dans le CIC : missions avec soin des âmes ou « quasi-paroisses » (c. 516) ; paroisses personnelles (c. 518) ; chapellenies (c. 564 et ss.) ; prélatures personnelles (c. 294 et ss.) ; prêtres et vicaires épiscopaux (c. 383 § 2). Dans le CCEO : cc. 16, 38, 147-148, 193, 588, 916. Concernant les fidèles catholiques de rites orientaux dans les territoires latins, cfFRANÇOIS, lettre apostolique De concordia inter codices (31 mai 2016).

[89] Cf. CIC cc. 851. 889. 913-914. 1063.

[90] PAUL VI, Discours au début de la IIe session du concile œcuménique Vatican II (29 septembre 1963). Cf. EG 209-212.

[91] FRANÇOIS, lettre apostolique Misericordia et misera (20 novembre 2016), 19.

[92] EG 200

[93] FRANÇOIS, Homélie lors de la sainte Messe pour le Jubilé des prisonniers (6 novembre 2016).

[94] Ibid.

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