Les expériences spirituelles passées des catéchumènes (hors les monothéïsmes)

Chaque année, le Service national de la Catéchèse et du Catéchuménat lance une enquête auprès de tous les diocèses français pour connaitre le nombre d’adultes demandant le baptême. C’est aussi l’occasion d’analyser un domaine particulier. En 2021,  le Service national a souhaité mieux cerner les expériences spirituelles passées des catéchumènes, hors les grands monothéismes.

Il est difficile de considérer avec justesse les expériences passées des candidats adultes au baptême, dans la mesure où l’accompagnement se vit en petites équipes et les témoignages de vie ne remontent pas nécessairement au niveau diocésain. Cependant les réponses à notre enquête annuelle nous permettent d’apporter un certain éclairage. On peut dire qu’au moins 1% des futurs baptisés (une trentaine de personnes selon les données que nous avons recueillies) a eu des expériences spirituelles en dehors des grands monothéismes que sont l’islam, le judaïsme, les autres églises chrétiennes. En premier lieu, on note une recherche dans le bouddhisme (13 personnes) puis l’hindouisme (1) la méditation orientale (4 personnes), des mouvements sectaires (5 personnes), le spiritisme (1), l’ésotérisme (3), l’animisme (1), le reiki (1), le zoroastrisme (2), une quête philosophique (2). Ce sont majoritairement des quêtes spirituelles personnelles menées à l’âge adulte (la majorité a entre 30 et 40 ans). Seuls deux d’entre eux ont été éduqués par des parents bouddhistes ou Témoins de Jéhovah.

Comment ont-ils découvert la foi catholique ?

Certains ont découvert la foi avec leur conjoint chrétien. Généralement, c’est à la faveur du témoignage de chrétiens et de leur sens de l’accueil, de leur joie ou de leur bienveillance qu’ils ont entamé une démarche de conversion, ou encore lors d’une expérience spirituelle forte alors qu’ils visitaient une église ou un monastère. Ces derniers accueillent en séjour sans condition confessionnelle de nombreuses personnes qui recherchent le calme. Ils peuvent être un lieu d’expérience intérieure notable. La parole du pape François résonne aussi fortement dans notre monde et questionne des chercheurs de sens. Pour d’autres, c’est la souffrance qui les fait se tourner vers l’Église mais ce n’est pas leur premier réflexe. Certains parmi eux empruntent des chemins parfois dangereux, comme la magie, l’ésotérisme ou l’occultisme qui entrainent vers ce qu’on peut nommer le mal.

 

Pourquoi demandent-ils le baptême ?

Leur quête spirituelle a été déçue. Ils étaient par exemple à la recherche d’un équilibre personnel ou encore de réponses face à l’angoisse de la mort. Des spiritualités sans Dieu ou l’absence de relation personnelle à la divinité ne répondaient pas à leur recherche. Dans la foi catholique, ils ont fait l’expérience d’un Dieu sauveur, un Dieu en dialogue avec l’humanité qui se fait proche en Jésus Christ. Ils y ont trouvé un respect de leur liberté, ils ont fait l’expérience de la miséricorde et ont envie d’entrer dans la famille des chrétiens.

 

Que dire de leur cheminement ?

Ce chemin de conversion est un chemin difficile quand il faut renoncer à des pratiques rituelles auxquelles on était attaché, changer de références culturelles pour apprendre à faire confiance à Dieu. D’une recherche de son propre bien-être, il faudra du temps pour s’attacher clairement à la personne du Christ et vivre l’amour pour les frères et sœurs, inséparable de l’engagement à suivre le Christ. Cela demande du doigté de la part des accompagnateurs pour savoir écouter sans jugement les expériences évoquées. Il leur faudra particulièrement approfondir la démarche pour répondre aux questionnements ouverts par les expériences précédentes et pouvoir conduire vers le Christ qui pourra les libérer de toutes les pratiques qui enferment.
L’Église ne recrute pas, elle met en contact avec la personne du Christ pour que les candidats au baptême apprennent à le connaitre afin de le choisir librement. C’est pourquoi la démarche vers le baptême nécessitera de prendre son temps pour arriver à ce choix libre et éclairé. Il arrive également que des personnes arrêtent leur cheminement, restant sous influence avec des choix trop compliqués à faire pour elles. Certaines ne peuvent renoncer à des pratiques ou croyances car elles ne voient pas d’incompatibilité avec l’adhésion à la personne de Jésus Christ, ou parce que ce renoncement est trop difficile pour elles. Le risque de rejet de l’entourage peut peser dans leur cheminement.
Par ailleurs, les responsables du catéchuménat témoignent que les quêtes spirituelles à travers le spiritisme ou autres pratiques ésotériques sont régulièrement le fait de personnes avec un fort déséquilibre affectif ou en grande fragilité. La MIVILUDES* reçoit un nombre croissant de signalements dans le domaine du coaching ou des médecines et régimes alternatifs, du développement personnel.
La facilité de recherches sur internet peut séduire ces jeunes adultes sur lesquels il peut s’exercer une forme d’emprise dont la personne n’a pas conscience. Il faudra s’assurer que sa liberté d’engagement n’est pas altérée. Là encore, les accompagnateurs seront attentifs au soutien à apporter et s’appuieront sur des rites prévus par le Rituel de l’Initiation Chrétienne des Adultes (RICA), en particulier les rites de renonciation au mal, pour soutenir les catéchumènes dans leur démarche, les fortifier, les armer pour le combat spirituel inévitable dans tout chemin de foi.
Beaucoup cherchent Dieu sous des formes différentes et cela les entraine parfois à ouvrir de mauvaises portes. Dans la foi chrétienne, ces catéchumènes ayant tenté d’autres expériences spirituelles témoignent qu’ils ont découvrent l’existence de Dieu, un Dieu avec lequel ils peuvent entrer en relation personnelle, un Dieu d’amour, de liberté. Il nous revient comme catholiques de proposer le chemin du Christ comme véritable chemin de vie.

*MIVILUDES : Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.

Un observatoire des nouvelles croyances au sein de l’Église catholique

Qui sont les catéchumènes qui, chaque année, demandent d’être initiés ? Plus exactement, quel chemin spirituel ont-ils parcouru pour solliciter l’Église ? Sans restreindre son regard à ce seul service du catéchuménat, l’Eglise catholique s’est saisie de cette réalité depuis longtemps au point, en 2013, de se doter d’un Observatoire des Nouvelles croyances.
L’attirance ou la désaffection des grandes religions, l’engouement pour des nouvelles propositions en direction de la gestion de son corps, de son affectivité, etc. l’intéressent, la questionnent et la dynamisent. Comment nommer toutes ces personnes. Faut-il les appeler chercheurs de sens ? nouveaux croyants ? aventuriers de la spiritualité ? Leur démarche témoigne d’une soif d’intériorité. C’est cela qui importe. Un événement dramatique, une crise existentielle ou la rencontre d’une personnalité marquante -un témoin d’une autre manière de vivre- sont les éléments déclencheurs de leur recherche.
Faut-il s’en étonner au regard d’une société où le consumérisme est prégnant, où les libertés peuvent être érodées, où les pressions de toutes sortes s’exercent continuellement ? Non ! Et c’est là tout l’enjeu que l’Église catholique souhaite prendre en compte d’autant plus que le Pape François invite à l’accueil. L’erreur serait de considérer ces femmes et ces hommes comme des bricoleurs spirituels parce qu’ils expérimentent des voies issues de traditions, de sagesses ancestrales ou qu’ils s’imprègnent de techniques nouvelles pour méditer, se poser et s’orienter. Leur quête est celle d’une unification intérieure. Et en cela, ils ne sont point atteints de zapping ! Ils sont juste témoins d’une modernité.
C’est ainsi que l’Église les reçoit et les honore d’autant qu’ils ne veulent pas entrer dans une revendication réactionnaire mais plutôt vivre avec ce monde, autrement. Il s’agit, pour eux, de donner de l’épaisseur au monde en s’y investissant intelligemment. L’invitation du Pape à se rendre « aux périphéries » est pertinente aujourd’hui. Convaincu que l’Église a une parole à tenir ; convaincu que cette parole est ajustée à ce que nous vivons, le pape François fait part de son désir que toute Église locale rejoigne chaque femme, chaque homme, dans sa singularité. Il montre à quel point la Parole de Dieu est une aide inestimable pour aujourd’hui. L’enjeu est de taille et les paroisses en font une priorité. L’enquête catéchuménale de cette année le confirme. Il est pris soin de plus en plus de celles et ceux qui frappent à la porte. Un cheminement adapté leur est proposé. Une expérience personnelle du Christ cherche à être faite afin qu’ils découvrent la liberté des enfants de Dieu et la place importante qu’ils tiennent aux yeux de Dieu pour ce monde.

P. Philippe Marxer, sj, membre de l’Observatoire des nouvelles croyances

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