Homélie du dimanche 31 juillet

Dimanche 31 juillet 2022

DIX-HUITIEME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

Références bibliques :

Lecture du livre de l’Ecclésiaste. 1. 2 et 2. 21 à 23 : « Même la nuit son coeur n’a pas de repos. » 
Psaume 89 : « Apprends-nous la vraie mesure de nos jours. » 
Lecture de la lettre de saint Paul aux Colossiens : 3. 1 à 11 : Tendez vers les réalités d’en haut et non pas celles de la terre. » 
Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc : 12. 13 à 21 : « Etre riche en vue de Dieu. » 

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Les lectures de ce dimanche nous replacent dans ce qui est l’essentiel de notre vie et de notre être : rejoindre la vie de Dieu parce que nous participons, par sa grâce, à la Vie divine. La question qui nous est posée avait déjà reçu des réponses dans les attitudes et les paroles du Christ, notre Sauveur.

Au désert, il avait répondu au tentateur : » L’homme ne vit pas seulement de pain, mais aussi de toute parole de Dieu. » A ses auditeurs, il avait donné un critère d’évaluation de leur comportement : »Là où est ton coeur, là est ton trésor. » Regarde, observe ce qui t’attire, ce que tu aimes, car cela t’indique ce qui pour toi vaut plus que tout. A Marthe qui s’affairait, il ne lui demande pas d’arrêter, mais de donner à chaque chose sa valeur : un bon repas est-il préférable à l’écoute de la Parole de Dieu ?

DESABUSE ?

La première lecture de ce dimanche est tirée du livre que nous appelons communément « l’Ecclésiaste », traduction littérale du nom grec qui signifie « assemblée », car ces textes sont destinés à toute l’assemblée du Peuple de Dieu. Mais ce titre n’exprime en rien la teneur des sentences qu’il contient. On le nomme aussi « Qohélet », par son équivalence dans la langue hébraïque.

A première vue, l’auteur semble désabusé, mélancolique devant la condition humaine où les plaisirs terrestres ne sont que passagers, trompeurs et souvent porteurs de déception, voire de souffrances.

Disons plutôt qu’il est réaliste. Mais pour dire cela, il ne faut pas se contenter de quelques passages, il faut lire l’ensemble du livre de l’Ecclésiaste. Car il est un ami de l’existence : « Douce est la lumière et il plaît aux yeux de voir le soleil… Réjouis-toi, jeune homme, de ta jeunesse, sois heureux aux jours de ton adolescence…Eloigne de ton coeur le chagrin. » (Eccl. 11. 7 à 10)

« Le souffle retourne à Dieu qui l’a donné… Qohélet s’est efforcé de trouver beaucoup de paroles plaisantes et d’écrire des paroles de vérité. » (Eccle. 12. 7 et suivants)

En fait, il rejoint saint Paul dans sa lettre aux Colossiens lorsque celui-ci nous invite à dépasser l’immédiat de notre vie : « Recherchez les réalités d’en haut, c’est là qu’est le Christ. Tendez vers les réalités d’en haut et non pas vers celles de la terre. » (Colossiens. 3. 1) « En vue de Dieu », nous dit le Christ lui-même (Luc 12. 21)

LA VRAIE MESURE

Le psaume ne dit rien d’autre, quand il nous tourne vers le Seigneur dans sa prière de demande : »Apprends-nous la vraie mesure de nos jours. » (Psaume 89)

La vraie mesure qui est celle de la plénitude de l’homme, c’est d’être image de Dieu, à sa ressemblance. Mais cette plénitude de l’être humain se voile sans cesse quand se produit comme un lien de possession réciproque entre l’homme et le monde auquel il appartient. Nous devenons notre propre idole. La nature de l’homme est alors dédoublée. L’image de Dieu n’est pas supprimée en nous, mais son dynamisme en est dévié. Ce sont d’autres passions qui nous meuvent.

L’obscur désir de Dieu que nous portons en nous se brise sur ce mur des réalités terrestres, si relatives. Alors que nous voudrions leur trouver un caractère absolu, elles se révèlent fragiles : « C’est une herbe changeante, elle fleurit le matin, elle change; le soir, elle est fanée, desséchée. » (Psaume 89)

« Que reste-t-il à l’homme ? » dans cette existence qui, d’une certaine manière, est vécue « contre nature », la nature de notre identité d’homme créé à l’image de Dieu, à l’image pour la ressemblance. Rien, sinon la vacuité, la vanité des choses, car il n’est vraiment homme que s’il assume librement sa condition d’image.

REVETEZ L’HOMME NOUVEAU

L’avidité engendre la perversion du désir jusqu’à la débauche (Colossiens 3. 5), car tout y est pensé en termes d’avoir et de possession. Et c’est ainsi que naissent l’envie, le ressentiment et la tristesse, la tristesse de ne pas tout avoir.

L’orgueil, l’autre passion-mère comme disaient les moines d’Orient, provoque la vaine gloire, la parade narcissique des séductions, la colère jusqu’à la haine quand on n’obtient pas l’adoration des autres.

Lorsqu’on s’aperçoit que cette exaltation démesurée de la possession et de nous-même n’est qu’une boursouflure, lorsque s’éteignent une à une nos illusions, l’on aboutit à une impasse, au bord du désespoir.

En fait, il n’y a, selon la Parole de Dieu, qu’une issue, celle de l’humilité et de la confiance qui est celle de l’attitude de l’enfant lorsqu’il balbutie et se réfugie, dans la chaleur aimante des bras maternels.

Ce n’est pas une dépossession, c’est la transformation de notre approche du réel. « Débarrassez-vous des agissements de l’homme ancien qui est en vous et revêtez l’homme nouveau se renouvelant en vue de la connaissance de celui qui nous a créés à son image. » (Colossiens 3. 9 et 10)

TENDRE VERS LES REALITES D’EN-HAUT

Ce renouvellement demande, sans aucun doute, une véritable ascèse. Mais l’harmonie intérieure qui en jaillit, provoque d’abord une sorte d’étonnement devant l’être que nous sommes et que nous découvrons ainsi. Nous nous sentons comme restaurés. Car il ne nous est pas demandé d’arracher ou d’anéantir les activités naturelles, il nous est demandé de les purifier.

Cette purification les métamorphose. « Dieu est ici, ce lieu est saint et je ne le savais pas » disait Jacob après sa vision (Genèse 28. 16). Or, depuis l’Incarnation, c’est tout l’homme qui est sacré. La séparation ne passe pas entre le profane et le sacré, mais entre l’ancien et le nouveau.

Cette métamorphose ne se réalise pas hors de l’Incarnation rédemptrice. Elle se réalise par l’intégration de l’homme à l’humanité crucifiée, ressuscitée et glorifiée du Christ. « Vous êtes morts avec le Christ. Vous êtes ressuscités avec le Christ. » (Colossiens 3. 1 et 2)

La désappropriation totale de la croix nous conduit à la liberté parce qu’elle nous conduit à l’amour, à Dieu qui est amour. « Puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité, » disons-nous au moment de l’offertoire de chaque eucharistie.

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Le dernier passage du texte de saint Paul prend alors une toute autre dimension : « Il n’y a plus ni grec ni juif, ni homme libre ni esclave… il n’y a que le Christ. » L’Apôtre ne nous parle pas seulement de l’égalité de tous les enfants de Dieu. Il donne une autre vision, une autre dimension au grec, au juif, au scythe, à l’esclave, à l’homme libre.

C’est un appel à dépasser ce que nous sommes. Tu es grec, ce ne n’est rien, il n’y a que le Christ. Tu es juif, ce n’est rien, il n’y a que le Christ. Dépasse tes origines humaines, tes situations humaines. Il n’y a que le Christ, il est tout, que nous soyons grec, juif, barbare, scythe, esclave ou homme libre. Il est le tout de chacun de nous, en chacun de nous. Il est notre véritable richesse. C’est cela : »être riche en vue de Dieu. (Luc 12. 21)

« Vous êtes ressuscités avec le Christ… le Christ votre vie … le Christ votre gloire … revêtez l’homme nouveau. »

« Assiste tes enfants, Seigneur, et montre à ceux qui t’implorent ton inépuisable bonté. C’est leur fierté de t’avoir pour Créateur et Providence. Restaure pour eux ta création, et l’ayant renouvelée, protège-là. » (Prière d’ouverture de la messe).

année liturgique B