Homélie du dimanche 17 juillet

Dimanche 17 juillet 2022

SEIZIEME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

Références bibliques :

Lecture du livre de la Genèse. 18. 1 à 10 : « Je reviendrai chez toi dans un an.. »
Psaume 14 : « Seigneur, qui séjournera sous ta tente ? »
Lecture de la lettre de saint Paul aux Colossiens : 1. 24 à 28 : « Afin d’amener tout homme à sa perfection dans le Christ. »
Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc : 10. 38 à 42 : « Une seule chose est nécessaire. »

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Déjà dimanche dernier, un passage de la lettre de saint Paul aux Colossiens parlait de l’Eglise comme étant le Corps dont le Christ ressuscité est la tête. Mais l’histoire, notre histoire, ne s’est pas arrêtée avec le Christ. Il est dit qu’il manque quelque chose aux souffrances du Christ.

Parler ainsi n’est pas un manque de foi dans la plénitude du salut dont le Christ est l’auteur. Paul ne le minimise pas puisque nous lisions, en effet, dimanche dernier que « en faisant la paix par le sang de sa croix » tout était réconcilié sur la terre et dans les cieux.

POUR SON CORPS QUI EST L’EGLISE

Mais en parlant de ce qui manque aux souffrances du Christ, saint Paul signifie que nous devons nous associer à l’œuvre de salut du Christ, en y participant par l’offrande de nous-mêmes.

Le Christ n’est pas seul. Il est le premier-né de toute créature et tout chrétien qui, pour être associé à l’acte rédempteur, doit prendre sur lui la croix du Christ. Il doit y participer, non dans une souffrance physique ou morale pour elle-même, mais dans une identification à l’offrande totale que le Christ a réalisée en offrant sa vie pour tous les hommes, fut-ce au prix de la croix.

Le Christ associe les hommes au salut du Corps mystique. C’est là le sens de « qu’il prenne sa croix et me suive ». Là où il est, le serviteur doit y être aussi : le serviteur n’est pas au-dessus du Maître. (Jean 15. 18 à 20)

Les textes évangéliques sont donc clairs sur ce point. Jésus, à la veille de sa Passion les résume en disant : »Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui lui appartient… s’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi; s’ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre. » (Jean 15. 18 à 20)

Lorsque saint Jean écrit cela, la persécution de Néron a déjà frappé l’Eglise. Saint Pierre et saint Paul en ont été les martyrs avec de nombreux chrétiens dans tout l’empire.  Et d’autres persécutions marquent tout autant saint Jean à Patmos.

QUE MANQUE-T-IL A LA PASSION DU CHRIST ?

La nôtre…. Paul a vérifié cette promesse du Seigneur, non seulement dans son martyre final, mais tout au long de son ministère. Pour lui, il s’agit bien d’une promesse, car être associé à la Passion du Sauveur n’est pas seulement un honneur, mais une condition d’efficacité de sa prédication. Nul ne peut annoncer le salut par la Croix sans porter la Croix. Sinon, les mots ne sont que vides de sens.

Ce qui manque à la Passion du Christ, ce n’est pas quoi que ce soit de grâce salvatrice. C’est son actualisation quotidienne par nous-mêmes, dans notre vie personnelle, dans la société qui nous entoure, dans la vie des hommes nos frères et vis-à-vis des hommes nos frères (cf la parabole du Bon Samaritain évoquée dimanche dernier)

Cette actualisation rend ainsi présentes la mort et la résurrection du Christ qui ne sont pas des souvenirs, mais des réalités actives aujourd’hui par la réalité de la grâce donnée en permanence par Dieu et qu’il nous faut, à notre mesure et par notre offrande, insérer dans le vécu de notre monde.

LE MYSTERE SANS PRIX.

La perspective de saint Paul est lumineuse et infiniment ouverte dans ses épîtres de la captivité : Colossiens, Philémon, Ephésiens et Philippiens,

Nous avions déjà trouvé dans la lecture de dimanche dernier une série de mots pléniers : »primauté », « accomplissement », « réconciliation », « paix » et ce « tout » qui revient sans cesse. Aujourd’hui le mot-clé est « mystère ». Il risque de nous induire en erreur, si nous nous orientons vers quelque sombre tractation, quelque énigme retorse ou quelque machinerie.

Le « mystère » de Paul est tout le contraire. C’est le plan de Dieu embrassant tout l’univers. Dans la sagesse de Dieu, ce plan ne peut se réaliser que par étapes. C’est pourquoi il fut caché jusqu’au jour du Christ, même s’il était déjà esquissé, au travers des prophètes.

Maintenant, il est manifesté. Le terme qu’utilise l’apôtre Paul, est de la même racine que l’Epiphanie, la manifestation de Dieu.

La présence de Dieu au milieu des hommes s’est manifestée dans le Christ et par lui. Aujourd’hui, la présence de Dieu doit être manifestée en nous et par nous. C’est nous qui, d’une certaine manière, sommes présence du Christ au milieu des hommes, ne serait-ce que par notre offrande, mais tout autant par notre manière d’agir.

Là encore nous pouvons nous référer à la parabole du Bon Samaritain. La manifestation de ce mystère est donnée, non seulement au « peuple saint », les juifs, mais aussi aux baptisés venus « des nations païennes » . Ce Samaritain n’était pas reconnu être un juif authentique.

L’ESPERANCE

Cependant, que les Colossiens ne s’illusionnent pas. Ce qui est donné – et qui déjà n’a pas de prix – n’est pas la perfection, mais seulement l’espérance. La gloire n’est pas encore de ce temps.  L’espérance cependant n’est pas un rêve. C’est une réalité encore inaccessible dans sa plénitude, mais à laquelle nous avons déjà part dans ce mystère.

Pour autant que l’on puisse retracer l’itinéraire spirituel de saint Paul d’après ses épîtres qui s’échelonnent entre 51 (lettre aux Thessaloniciens) et 67 (seconde lettre à Timothée), date probable de son martyre, saint Paul insiste, chaque fois davantage sur ce qui est déjà accompli dans le Christ, par rapport à ce qui reste inaccompli.

C’est ainsi que le baptême est vu par lui, de plus en plus, comme une participation à la résurrection du Christ et non seulement à sa mort. Ce sera le thème du passage de dimanche prochain (Colossiens 2. 12 à 14). Paul sait bien qu’il n’a pas atteint la perfection. Alors « oubliant le chemin parcouru et tout tendu en avant, je m’élance vers le but. » (Philippiens 3. 12 à 14)

L’homme parfait, c’est le Christ dans sa plénitude. La tâche de l’apôtre est d’oeuvrer pour que « se constitue cet homme parfait, dans la force de l’âge, qui réalise la plénitude du Christ. » (Ephésiens 4. 13)

MARTHE, N’OUBLIE PAS L’ESSENTIEL

Jésus ne demande pas à Marthe d’arrêter ce qu’elle fait. Il lui demande d’intégrer son activité dans ce que nous appelons aujourd’hui, une échelle des valeurs. Il connaît la valeur de l’accueil et de la délicatesse familiale, fraternelle ou amicale qu’exprime le repas. Il l’a vécu avec Marie et Joseph à Nazareth. Il en parle dans la parabole de l’enfant prodigue quand le père commande un repas pour se réjouir avec l’enfant retrouvé.

Jésus sait aussi que chacun a sa propre manière d’exprimer cet accueil et cette joie. Il en a connu les différents caractères avec Zachée, avec Marie-Madeleine comme dans le groupe de ses disciples. Il laisse à chacun le soin et la liberté de parler avec des gestes, des attitudes, des activités qui expriment ce qui vient du plus profond de leur cœur.

Il y a l’actif, il y a le contemplatif. Marthe s’exprime mieux dans la préparation d’un bon repas. Ce qu’il demande à Marthe, c’est de mesurer le sens de son activisme pour qu’il ne devienne ni une attitude contraire à l’amour envers sa sœur, ni un obstacle fondamental à ce qui est la découverte de l’autre. Cette découverte ne peut être que dans l’attention et l’écoute paisibles et accueillante. Que le bruit des casseroles ne couvre pas la parole de Dieu.

Jésus semble lui dire Marthe, calme-toi, tu t’inquiètes de ce qui n’est pas l’essentiel… élance-toi vers le but, vers la gloire sans prix qu’évoque saint Paul aux Colossiens (1. 27) Et ce que le Seigneur dit à Marthe, il le dit à nous aussi qui sommes dans un monde enfiévré au point de ne plus savoir parfois où est l’essentiel.

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 La prière après la communion nous incite à rester unis au Christ, nous qui sommes en chemin vers la perfection de la vie en Christ : »Dieu très bon, reste auprès de ton peuple, car sans toi notre vie tombe en ruine. Fais passer à une vie nouvelle ceux que tu as initiés aux sacrements de ton Royaume. »

Initiés, c’est-à-dire que nous avons commencé ce chemin du Royaume. La vie nouvelle ainsi commencée ne doit pas tomber en ruine. « Seigneur, qui séjournera sous ta tente ? Celui qui se conduit parfaitement, qui agit avec justice et dit la vérité selon son coeur. » (psaume 14)

année liturgique B