Homélie du dimanche 27 juin 2021

13e dimanche du Temps ordinaire

Références bibliques:

Livre de la Sagesse. 1. 13 à 24 : « Dieu n’a pas fait la mort… Dieu a créé l’homme pour une existence impérissable. »
Psaume 29 : « Que mon cœur ne se taise pas. Qu’il soit en fête pour toi ! »
Lettre de saint Paul aux Corinthiens. 2 Cor. 8. 7 à 15 : « Vous connaissez la générosité de Notre Seigneur Jésus Christ. »
Evangile selon saint Marc. 5. 21 à 43 : « Je te le dis, lève-toi ! »

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Il nous faut lire ce passage de saint Marc avec la simplicité du regard. Il est comme une sorte de « reportage » en direct réalisé par saint Pierre qui fut le témoin oculaire des événements. En le regardant ainsi, nous pourrons déceler toutes les richesses qu’ils contiennent.

VIENS LUI IMPOSER LES MAINS

Ce qu’attend ce père, c’est un rite de guérison pour sa fille, une bénédiction que Jésus va lui donner ou lui transmettre pour la guérir, parce qu’il est un prophète qui guérit, un maître. Certes, le chef de la synagogue n’emploiera pas ces termes, mais c’est bien ainsi que les gens de sa maison en parlent (Marc 5. 36).

L’attitude de Jaïre est impressionnante. Ce chef de synagogue n’hésite pas à se mettre à genoux et à supplier instamment. Il en oublie la dignité de la fonction qui est la sienne, et ce, devant la foule qui le connaît, au travers de laquelle il s’est frayé un chemin. Pour cette fille qu’il aime, bien sûr, mais avec quelle insistance auprès de Jésus.

Nous aussi, nous connaissons ces heures de prière qui viennent de l’angoisse et de l’amour, du refus de l’irrémédiable et d’un appel crié parce que l’espoir de la vie semble s’évanouir. « Qu’elle soit sauvée et qu’elle vive ! » Jésus ne dit rien, à ce moment-là. Pas même un simple mot pour tranquilliser Jaïre.

Il est bien silencieux parfois pour nous aussi, en réponse à notre prière. Mais il accompagne. Il n’attend pas et ne fait pas attendre comme il le fit pour Lazare. Il nous accompagne toujours, même quand il semble ne pas nous répondre immédiatement.

QUI M’A TOUCHE ?

Cette femme, qui s’approche dans la foule, ne va pas directement se mettre en face de Jésus. Peu importe la raison. Elle a peut-être peur de lui adresser la parole en public. Crainte de dire son état devant tous ceux qui sans doute la connaissent. Et pourtant grande est son attente, ayant appris ce qu’on disait de Jésus, celui qui guérit tant de malades. Elle y a réfléchi longtemps en elle-même (Marc 5. 28) et elle se décide, à l’occasion de son passage, à lui dérober cette chose matérielle qu’il possède.

La réaction de Jésus n’est pas de s’étonner et de lui en faire un reproche. Mais on ne peut rien lui dérober à son insu. Il sait, en même temps qu’il est celui qui veut donner dans une relation personnelle, parce que toute parole ou tout geste direct, doit signifier un échange vécu entre nous et lui. En toute vérité. Le contact par la foi est d’un autre ordre que le contact obtenu par de simples gestes humains.

Le bon gros sens des apôtres, pour l’instant, ne va pas plus loin. Les « contacts » ne manquent pas au milieu de cette foule qui écrase Jésus. (Marc 5. 31)

Or pour lui, nous ne sommes pas des personnes anonymes, perdues dans une foule. Il ressent chacun de nos appels, même si nous ne les lui exprimons pas ouvertement. Il sait, il les connaît parce qu’il est force vive de Dieu. Il est la Vie. La femme, qui en a reçu la vie par cette guérison, doit établir avec Jésus un dialogue de Vérité (Marc 5. 33), parce qu’il la Vérité. C’est dans un tel dialogue avec cette femme craintive, malade, sans espérance après tant de prescriptions médicales, que le Christ, par delà la guérison corporelle donne le salut, la paix et la santé du cœur tout autant que du corps. Il en est le Chemin.

Quelle que soit notre démarche envers lui, nous devons nous rappeler cette parole de saint Paul : « Vous connaissez la générosité, la grâce, la gratuité du don de notre Seigneur Jésus-Christ. » (2 Cor. 8. 9)

ON SE MOQUAIT DE LUI

Les « gens de la maison » de Jaïre sont des braves gens. Avec discrétion, ils vont au-devant du père et le préviennent sans attendre de la mort de sa petite fille. Pourquoi déranger encore celui dont on attendait une guérison, d’un geste devenu inutile puisque la mort a fait son œuvre ? Ce n’est pas un manque de foi. Pouvaient-ils pas imaginer un seul instant la possibilité d’une résurrection. « A quoi bon déranger encore le Maître ? » (Marc 5. 35)

Jésus a entendu. Il rassure. On trouve alors ridicule qu’il puisse affirmer : « Elle dort. » alors qu’il était absent pour recueillir le dernier soupir de l’enfant. Là encore, il nous invite à vivre dans une perspective de foi, malgré toutes les réalités qui nous apparaissent définitivement perdues. « Crois seulement. » Jaïre était venu le trouver confiant dans sa puissance de guérison. Il est invité à dépasser cette simple confiance en un geste, si grande soit-elle. Il est invité à vivre la foi en la personne même de Jésus.

Jésus attend de chacun de nous cette foi, une foi qui déplace les montagnes, une foi qui va par delà toute mort. Le pécheur n’est jamais un mort devant Dieu. Il peut toujours revivre, car la grâce divine est là toujours prête à lui redonner la vie divine. « Dieu ne se réjouit pas de voir mourir des êtres vivants… il a créé l’homme pour une existence impérissable… Il a fait de lui une image de ce qu’il est en lui-même. » (Livre de la Sagesse 1. 13)… Dieu est la Vie.

Il nous adresse, autant de fois qu’il le faudra, cette parole : « Lève-toi ». A nous de nous lever et de marcher.

DONNEZ-LUI A MANGER

Jaïre et sa femme, les trois apôtres sont bouleversés. Jésus n’a fait aucune supplication, il n’a prononcé aucune bénédiction, il n’a adressé aucune demande à Dieu. C’est lui qui est la vie. Et il la rend en toute simplicité, en prenant par la main cette jeune fille, inconsciente. Comme il nous prend souvent par la main sans que nous en ayons conscience.

Les témoins d’un tel fait ne sont pas préparés à mesurer ce qu’un tel geste signifie. Il est trop tôt pour eux tous de lui donner le sens plénier de la résurrection qui sera la sienne. S’il demande le secret, à la différence de la guérison de la femme qui l’a touché, il a pris avec lui trois témoins. Ceux-là même de la Transfiguration, ceux-là même de sa Passion, ceux-là même de sa Résurrection.

Garder le silence est sans doute nécessaire, parce qu’une telle résurrection pouvait être regardée comme un signe messianique évident et provoquer trop tôt une agitation prématurée.

Il porte donc leur attention ailleurs, sur la jeune fille qui peut avoir faim après la faiblesse d’une maladie qui l’a conduit à la mort. « Donnez-lui à manger. » C’est pour elle qu’il est venu. Le geste qu’il a accompli n’a pas été un geste « publicitaire » pour se mettre lui-même en avant. Il l’a fait dans la discrétion. Alors la sollicitude cordiale de Jésus se tourne vers la jeune fille qu’on pourrait oublier.

C’est aussi et déjà l’annonce du geste du Christ qui, lui-même ressuscité, demande à ses apôtres au soir de Pâques, de quoi manger, non pour qu’ils s’enthousiasment de son retour, mais qu’ils aient foi en sa résurrection. Cette nourriture, ce repas sont ainsi le signe d’une joie partagée dans la foi devant la pleine vitalité d’un être humain qui témoigne que la vie est plus forte que la mort.

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« Que mon cœur ne se taise pas, qu’il soit en fête pour toi. » « Fais que le peuple assemblé pour te servir, soit accordé à la sainteté de tes propres dons. » (Prière sur les offrandes)

année liturgique B