Homélie du dimanche 9 décembre

2éme dimanche de l’Avent année C

Références bibliques :
Livre de Baruch : 5. 1 à 9 : “Dieu conduira Israël dans la joie, à la lumière de sa gloire, lui donnant comme escorte sa miséricorde et sa justice.”
Psaume 125 : “Il s’en va, il s’en va en pleurant. Il s’en vient, il s’en vient en chantant.
Saint Paul aux Philippiens :” Que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la connaissance vraie et la parfaite clairvoyance.”
Evangile selon saint Luc : 3. 1 à 6 : “Tout homme verra le salut de Dieu.”

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D’aucuns pourraient se demander si les lectures de ce deuxième dimanche de l’Avent ont le moindre rapport avec la fête de Noël qu’il prépare. Il y est question de Jérusalem et de désert, de captivité, de Philippiens que l’apôtre Paul aime tendrement et de Jean appelant au baptême.

Raisonnons en sens inverse.

Prenons ces lectures telles que l’Eglise nous les propose. Que nous font-elles découvrir sur le sens véritablement chrétien de Noël  ? Sur le sens concret du Noël que nous vivrons dans l’aujourd’hui que Dieu nous donne. Nous pouvons en effet y percevoir trois réponses, trois orientations selon que nous prenons l’époque du Christ, ses contemporains,  ou les réalités de son temps.

IL EST VENU. IL REVIENDRA.

Au début de son Evangile, saint Luc atteste qu’il a mené une enquête précise “sur les événements survenus parmi nous.” Il nous renseigne approximativement sur la naissance de Jésus : au temps du roi Hérode, à l’occasion du premier recensement ordonné par l’empereur Auguste et s’appliquant à la région.

Pour la véritable inauguration de l’Evangile qu’est la prédication de Jean le Baptiste, les indications sont beaucoup plus précises. Notons au passage que saint Marc commence son Evangile, sans autre préambule, sur la prédication de saint Jean le Baptiste.

Une date, une époque.

Nous sommes en l’an 15 du règne de l’empereur Tibère. Selon la manière de compter, la date peut osciller entre 27 et 29. Prenant au pied de la lettre la mention, pourtant expressément approximative, des trente ans de Jésus, en saint Luc 3. 23, la tradition en tirera une conclusion pour le début de notre ère chrétienne.

En fait Jésus est né quelques années plus tôt, puisqu’Hérode le Grand, le sinistre auteur du massacre des Innocents, est mort en l’an – 4, av. JC.

Ce qui compte, c’est que le temps, l’époque s’inscrivent dans la vie du Fils de l’Homme et que cette vie s’inscrit dans le temps. Il est de Galilée; il n’est pas de nulle part. Il a pour contemporains, Pilate, Tibère, Caïphe; il n’est pas intemporel. Il est bien d’une époque et d’une époque qui marque sa vie et son message, dans le même temps que ce message transcende son époque.

Nous aussi nous avons à vivre notre foi dans le temps où nous vivons, où Dieu nous a placés. Le Christ dont nous avons à témoigner n’est ni un être virtuel construit par imagination, ni un être intemporel, ni une être du passé. Et c’est à nous qu’il demande de le donner à nos frères, inséré dans le temps qu’ils vivent.

Des personnes.

Les noms mentionnés ne sont pas sans raison aux yeux de saint Luc, puisqu’ils placent Jésus dans un monde vivant où les hommes agissent, s’interfèrent, marquent les régions où se déroulent les événements.

Ponce Pilate, le fonctionnaire romain, qui a remplacé l’héritier direct d’Hérode le Grand, jugé indésirable par Rome. Lui aussi, à son tour, sera indésirable et quelques années après la mort et la résurrection de Jésus, il sera muté pour son irresponsabilité.

Hérode, le tétrarque. Il est le fils d’Hérode le Grand et n’a reçu de Rome qu’une part réduite du territoire que gouvernait son père. Il épousera la femme de son frère Philippe, emprisonnera et fera mourir Jean le Baptiste. Lors de son procès, Jésus comparaîtra devant lui. C’est un faible et par là n’est qu’un jouet entre les mains de Rome.

Philippe. Autre fils d’Hérode le Grand. Ses territoires cités par saint Luc s’étendent au nord du lac de Tibériade. Ce sont des terres païennes. Une manière, pour saint Luc, d’indiquer, dès le départ, la destination universelle de l’Evangile. Ce que confirme la mention de l’Abilène, au-delà de Damas, et ce rappel de saint Luc :”Tout homme verra le salut de Dieu.” (Luc. 3. 6)

Anne et Caïphe. Caïphe est seul en exercice. Mais son beau-père Anne garde une influence qui se vérifiera lors du procès de Jésus.

Le Christ s’est placé, de par la volonté de son Père, au milieu d’hommes qu’il n’a pas tous choisis. Tous et chacun d’eux ; à leur manière et selon leur comportement, sont porteurs du cheminement du salut que le Christ accompli pour nous et pour la gloire de son Père. Et nous qui aimerions construire nous-mêmes l’entourage dont nous rêvons….

Le monde et le temps.

Cette liste de noms n’est donc pas seulement une notice biographique précieuse pour les historiens. Elle a une haute valeur symbolique : l’Evangile s’inscrit dans une région politiquement morcelée, gouvernée par des pouvoirs civils et des pouvoirs religieux. Juifs et païens s’y rencontrent ou, du moins, se côtoient. Les protagonistes de la Passion sont déjà là.

La venue du Fils de Dieu parmi les hommes en Jésus-Christ s’inscrit dans le temps et dans un temps précis. Par l’Incarnation, le temps, l’histoire et les événements entrent dans la vie de Dieu, dans le même moment où Dieu entre dans le temps, l’histoire et les événements. Le visage de Dieu parmi les hommes n’est pas un irréel universel. Il est universel parce qu’il assume ce temps, cette histoire et ces événements dont il est à la merci. La liberté de Pilate, de Caïphe, d’Hérode, reste entière mais elle devient la volonté de Dieu, sans qu’ils le sachent.

Ce qui nous est demandé, c’est de “ progresser dans la connaissance vraie et la parfaite clairvoyance.” Ce que le texte grec précise :”la perception et le discernement des enjeux.” (Philippiens1. 9)

DANS LA JOIE, A LA LUMIERE DE SA GLOIRE.

Celui qui est venu, ignoré par les puissants de son temps, n’en reste pas moins “plénitude pour la gloire et la louange de Dieu.” (Philippiens 1. 11) Il reviendra dans la gloire. Il nous conduit à notre achèvement (Philippiens 1. 4) A nous, dans une attente vigilante, de progresser grâce à notre amour.

De son côté, en rappelant ce retour dans la gloire, saint Luc, comme saint Matthieu et saint Marc cite explicitement une parole du prophète Isaïe. Ce n’est pas une parole quelconque. C’est l’ouverture, dans le recueil prophétique, du “Livre de la Consolation”. “Consolez, consolez mon peuple.” (Isaïe 40. 1)

Cette citation reprise par Jean le Baptiste doit donc être mise dans son contexte. Le prophète annonce que le Peuple, emmené en exil après la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor en 587 avant J.C., reviendra sur sa terre. Et ce sera une merveille de Dieu.

Le psaume 125 le chante. Le Peuple est libéré du bannissement et de la dispersion. Dieu est tellement lié, par son alliance indéfectible, à son Peuple que la résurrection du Peuple est comme un retour de Dieu. En ramenant son Peuple, c’est Dieu lui-même qui s’annonce et se manifeste :”Les rires jaillissaient de nos lèvres. Nous poussions des cris de joie. Et l’on disait dans les autres nations (les païens) : quelles merveilles le Seigneur fait pour eux !”

Reste que, pour ce retour de Dieu, la route doit être déblayée; les passages tortueux doivent être rectifiés. L’appel à la conversion est clair. Jean le Baptiste le rappelle.

La première lecture, tirée du Livre de Baruch, reprend plusieurs siècle après le rédacteur du psaume 125, les mêmes images. Dans un nouveau climat de persécution, il témoigne de la même espérance. La paix, la joie sont liées à la justice, c’est-à-dire à la sainteté, à l’ajustement de nos vies à l’amour et à la volonté de Dieu.

Nous n’apporterons paix et joie à nos frères qu’en vivant, avec eux et pour eux,  cette justice, cet ajustement de nos vies à l’amour et à la volonté de Dieu, ce qui est véritablement « l’intelligence du cœur. »

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Ainsi l’horizon ne se confine pas à celui de Noël; il est déjà l’horizon de Pâques : la joie du triomphe sur la mort et l’envoi en mission. “Tout homme verra le salut de Dieu” (Luc 3. 6) “De toutes les nations, faîtes des disciples” (Matthieu 28. 19)

“Eveille en nous cette intelligence du coeur qui nous prépare à l’accueillir et à entrer dans sa propre vie.” (Prière d’ouverture)

année liturgique B